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LF 2019 : Le cauchemar des professions libérales
11/12/2018 | 19:59
6 min
LF 2019 : Le cauchemar des professions libérales

 

La Loi de finances 2019, votée dans son intégralité hier au Parlement, a suscité une vive polémique. Outre les débats houleux entre les députés, l’approbation des dispositions de cette loi a fomenté le mécontentement de plusieurs organes professionnels qui ont tous rejeté ses dispositions jugées "nuisibles" à leurs intérêts.


Après plusieurs plénières ayant eu lieu du 24 novembre au 10 décembre 2018, la loi de Finances 2019 a finalement été adoptée lors de la séance tenue hier en présence du ministre des Finances, Ridha Chalghoum. Une plénière mouvementée qui n’a pas manqué d’altercations verbales entre les députés, allant jusqu’aux accusations de corruption lors de la discussion de certains articles.

 

C’est en effet la proposition d’un article additionnel du ministre des Finances, Ridha Chalghoum concernant l’ajournement de l’application de la hausse des impôts sur les sociétés (IS) décrétée dans la LF 2018 à l’année 2020 qui a déclenché le chaos lors de la plénière. En vertu de cette loi, l’IS qui touche les concessionnaires automobiles, les grandes surfaces ainsi que les sociétés exportatrices, passera de 25% à 35%. Le ministre a, par la suite, abandonné cette proposition gardant uniquement le report de cette majoration pour les grandes surfaces.

L’approbation de cette proposition a engendré la colère de plusieurs députés à l’instar de l'élue Attayar, Samia Abbou qui a considéré que cette mesure sert les intérêts des lobbies et de certaines familles. Et d’ajouter que le gouvernement de Youssef Chahed était un gouvernement de lobbies et de familles et non pas un gouvernement du peuple. Elle a, dans ce sens, affirmé que le gouvernement est impliqué dans la facilitation de l’importation irrégulière pour 53 familles soulignant qu’elle ne gardera pas le silence face à de telles pratiques de népotisme et de discrimination.

Pour sa part, le débuté Front populaire, Jilani Hammami a indiqué que certains députés se sont entretenus avec des chefs d’entreprises à l’ARP. Des rencontres qui se sont déroulées en vue de convaincre les législateurs de baisser les taxes imposées aux grandes surfaces insinuant que ce sont ces mêmes chefs d’entreprises qui financent les campagnes électorales de ces députés et ministres.

Chaker Ayadi, député Nidaa Tounes a, quant à lui, précisé qu’il existe des députés obtenant un pourcentage de 10% sur chaque loi qu’ils approuvent.

La majoration concernant, désormais, les concessionnaires automobiles ainsi que les sociétés exportatrices a également contrarié Ibrahim Dabbeche, président de la Chambre syndicale des concessionnaires automobiles qui s’est indigné de cette augmentation dénonçant l’absence d’une réelle justice fiscale.

 

L’Association professionnelle tunisienne des banques et des établissements financiers (APTBEF) a, en outre, été mécontente de l’aggravation de la taxation des revenus des banques et des établissements financiers d’un impôt exceptionnel de 1% sur le chiffre d’affaires. Elle a, dans ce sens, affirmé que cette mesure vient contredire la stratégie conçue dans le cadre d’un consensus qui a retenu de ne pas inclure dans la LF 2019 de nouvelles dispositions aboutissant à une augmentation des impôts. Une augmentation qui a été adoptée sans aucune consultation préalable avec la profession bancaire et sans examen de ses effets sur l’équilibre financier des banques et des établissements financiers qui traversent actuellement une conjoncture difficile. L’Assemblée des représentants du peuple a réagi à cette indignation et a revu sa position en ajournant cette augmentation à l’année 2020.

 

La vague de contestation ne s’est pas arrêtée à ce stade. Les professions libérales ont, elles aussi, été victimes des dispositions de la nouvelle Loi de finances. L’Union tunisienne des professions libérales (UTPL) défendant les professions libérales en l’occurrence : avocats, médecins, dentistes, ingénieurs, architectes, experts comptables et comptables s’est insurgée contre la LF 2019.

L’UTPL a ainsi appelé ses affiliés à une marche de protestation ce jeudi et ce en signe de contestation des nouvelles dispositions de la Loi de finances 2019 votée hier au Parlement. Elle a, en outre, menacé de bloquer tous les services assurés par les professionnels.

L’Union a, en effet, exprimé son « refus catégorique » du contenu de la loi de Finances la jugeant « inconstitutionnelle et contraire aux lois réglementant les professions libérales à l’échelle nationale et internationale ». Et d’ajouter que cette loi est un « pas dangereux vers la mauvaise direction » conçue suivant des « directives étrangères ». Elle a également indiqué que la LF 2019 « nuira à l’économie régulée, incitera à l’évasion fiscale, appuiera la concurrence déloyale entre les professionnels et affectera la compétitivité des entreprises ».

Dans ce sens, l’UTPL a tenu pour responsable le gouvernement dans la dégradation de la situation socio-économique appelant Youssef Chahed et les députés à « assumer leur responsabilité historique de ne pas dénoncer l’inconstitutionnalité de cette loi ».

 

Ces professions libérales ont toutes protesté contre la levée du secret professionnel. En effet, l’Ordre national des avocats de Tunisie (Onat) a annoncé la création d’une commission d’experts consacrée à contester la constitutionnalité de la Loi de finances 2019 et qui coordonnera avec les députés pour accélérer les procédures de recours. L’Onat a décrété une grève générale aujourd’hui dans l’ensemble des tribunaux sur tout le territoire tunisien en signe de protestation contre l’article 34 de la LF 2019 touchant au secret professionnel, considéré comme injuste et aberrant.

L’Ordre des experts comptables de Tunisie (OECT) a, par ailleurs, appelé à tenir une séance urgente ce samedi afin d’étudier les impacts de la révélation du secret professionnel réitérant son refus de cet article. L’OECT envisage, également, d’adresser une demande au chef de l’Etat l’appelant à exercer ses prérogatives pour appliquer l’article 66 de la Constitution et revoir l’article relatif à la levée du secret professionnel fiscal. Un article facilitant l’échange d’informations entre les services fiscaux, les structures de contrôle et les services publics en vue de lutter contre l’évasion fiscale et consolider la transparence. L’Association des jeunes experts comptables de Tunisie (Aject) ainsi que l’Association tunisienne des spécialistes en comptabilité (ATSC) ont, également, rejeté l’article inhérent à la divulgation du secret professionnel fiscal indiquant qu’il pourrait avoir de graves retombées sur les métiers juridiques à caractère consultatif.

 

En tout état de cause, les contestations des professions libérales ne sont en aucun cas infondées. Outre l’augmentation des taxes qui accableraient leurs activités, la levée du secret professionnel portera atteinte à l’essence même de l’exercice de la profession libérale qui se repose fondamentalement sur la confiance absolue entre le client et le professionnel nuisant ainsi à l’éthique et à la déontologie professionnelle.

 

Boutheïna Laâtar

 

 

11/12/2018 | 19:59
6 min
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Commentaires (3)

Commenter

Angel
| 13-12-2018 21:47
"En tout état de cause, les contestations des professions libérales ne sont en aucun cas infondées"
FAUX
Pour toutes les professions libérales il ne faut pas confondre DEVOIR FISCAL et DEONTOLOGIE

Belha
| 12-12-2018 10:26
de quoi les avocats on peur ?
peut etre de denoncer certains "confreres" magistrats !

Ali Baba
| 12-12-2018 09:32
voilà comment une poignée de députés issus de 3 groupes parlementaires douteux permet à un gouvernement impopulaire de fonctionner contre la volonté de l'ensemble de la population