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Tribunes
Lettre ouverte à Hakim Ben Hammouda
21/03/2014 | 15:59
3 min

Par Khaled Abdeljaoued


Monsieur le ministre ;
Cher Hakim;

Permets-moi, au nom d’un rêve partagé d’une Tunisie meilleure de te tutoyer en public malgré ta fonction de ministre…
Ca va choquer plus d’un, mais je ne crois pas que le prestige de l’Etat dépende de mon tutoiement…

J’écris pour te dire que ta nomination pour le portefeuille de l’Économie a suscité beaucoup d’espoir en moi.
D’abord l’espoir de te voir initier les réformes nécessaires à la relance économique et sociale de ce pays, en vue de remettre en marche les ascenseurs sociaux qui ont fait que toi et moi sommes ce que nous sommes aujourd’hui.
L'espoir de voir un tissu économique de PME revivre et voir l’Etat s’intéresser enfin aux « petits » au lieu de concentrer encore les avantages aux mains des plus nantis qui ont déjà tant bénéficié des faveurs de ce pays…
De l’espoir aussi parce que connaissant ta modestie, je me suis convaincu que le Tunisiennes et les Tunisiens sont aptes à connaître la vérité et à relever les défis qu’impose cette période.
J’ai encore de l’espoir également, parce que je te connais soucieux du développement durable, de la Justice sociale et que tu possèdes une vision pour le développement régional qui séduira nos concitoyennes et nos concitoyens.
De l'espoir encore pour introduire une dose d’éthique dans le fonctionnement des entités qui dépendent de toi (soit plus des trois quarts de l’économie de ce pays).
Et enfin encore et toujours de l'espoir pour voir une réforme fiscale équitable qu'aucun autre gouvernement n’osera entreprendre pour des raisons électoralistes…

J’ai visualisé la « super banque publique » avec des filiales partout dans le monde qui accompagnerait l’internationalisation de notre économie, j’ai rêvé un observatoire de la bonne gouvernance, j’ai imaginé le plein de bonheur et de prospérité pour ce peuple.
Je te voyais réussir une inclusion/intégration de cette « économie para fiscale » qui représenterait plus de 40% des échanges économiques de la Tunisie…
Et puis, être dans un gouvernement de transition provisoire ayant potentiellement un large consensus conjugué à ton courage me laissait entrevoir toutes ces choses…

Alors, plus de 40 jours après ta nomination, tu as quelques épreuves qui détermineront le reste de ton mandat :
-Quid des audits des banques publiques ? Pourquoi ne pas publier les rapports ?
-Quid des nominations à la tête des banques, des entreprises sous tutelle et celles dans lesquelles tes collaborateurs siègent aux conseils d’administration ?
-Quid de ce qui se passe dans Al Karama Holding, la CDC et autres entreprises confisquées ?
-Quid de la « Consultation Nationale » pour la « loi de finances complémentaire » ?
Ou vas-tu faire tiennes les recommandations élaborées par le FMI et la Banque Mondiale comme l’ont fait tes prédécesseurs depuis des décennies ?

Tu l’auras remarqué, l’establishment « mafieux » veut déjà ta peau avec ces grèves sauvages, ce qui laisse sous-entendre que tu es sur la bonne voie… Mais est-ce assez ?
En tous cas, si tu vas sur le chemin de mes rêves… sur le chemin de tes rêves… sur le chemin du courage… sur le chemin de la rupture avec la pensée unique… Je peux t’assurer que beaucoup de gens te soutiendraient, dont moi.
Je peux t’assurer aussi que l’Histoire économique de ce pays se souviendra de toi.

Pour finir, je te rappelle ce que tu écrivais il n’y a pas si longtemps sur ton blog dans un article dont le titre parle de « la misère de la pensée économique post-révolution ! » :
« Dans les moments de rupture et de remise en cause de l'ordre économique établi, les penseurs redoublent de créativité et d'inventivité pour comprendre les racines du mal et surtout suggérer les stratégies et les politiques pour mettre les économies sur la voie d'une croissance durable. Comme les grandes crises dans les pays développés, les printemps arabes constituent une rupture majeure dans les cycles et les trajectoires économiques de nos contrées. Cette rupture a exacerbé l'essoufflement des modèles de développement économiques et l'incertitude ambiante. Elle exige des réponses nouvelles pour sortir de la dépression et renverser le cycle économique et offrir un nouveau modèle de développement. C'est au débat, à un échange économique et à une réflexion qui sort des sentiers battus d'apporter des réponses ambitieuses aux défis du moment».

A bon entendeur !

Khaled Abdeljaoued est ingénieur, directeur de deux PME. Il est également membre du comité central du parti El Massar et membre actif dans les réseaux sociaux tunisiens.
21/03/2014 | 15:59
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