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Les tomates sont chères ? Mangez des bananes !
02/02/2017 | 19:59
7 min
Les tomates sont chères ? Mangez des bananes !

 

Quand les Tunisiens avaient un jour de 2011 scandé « du pain de l’eau et Ben Ali dégage ! », ils étaient sans doute très loin de s’imaginer que six années plus tard, leur assiette allait réellement finir par ressembler à ça.

Depuis la révolution, en effet, le pouvoir d’achat du Tunisien ne cesse de dégringoler et les prix, évidemment, d’atteindre des sommets. Si, il y a quelques années, on volait argent, biens et bijoux, aujourd’hui, les voleurs se sont tournés vers un butin plus insolite mais presque désormais tout aussi rapporteur, le piment ! Voilà ce qu’on a volé aujourd’hui à un commerçant de Kairouan… à près de 4dt le kilo, les 90kg dérobés constituent un joli petit pactole…

 

Les prix grimpent, et touchent de plus en plus ces produits « essentiels » à l’assiette du citoyen. Près de 3dt pour un kilo de tomates et 4dt pour des piments, de quoi susciter une vive indignation et un tollé sur les réseaux sociaux. Désormais, les plats les plus rudimentaires, reviendront aussi cher que les mets de fêtes, et la « chakchouka », plat du « pauvre » sera servie en festin, ironisent les internautes.

Une hausse dénoncée également par l’UGTT, qui a estimé que le gouvernement fait preuve de « laxisme dans le traitement de ce phénomène aux conséquences néfastes sur le climat social ».  

La centrale syndicale a, par ailleurs, appelé à prendre certaines mesures dont le lancement d'une campagne nationale visant à contrôler les prix, à limiter le nombre d'intervenants entre le producteur et le consommateur et à lutter contre la politique de l’exclusivité.

 

 

Il est vrai que la hausse des prix est souvent expliquée par un manque de contrôle, une pénurie causée par des conditions climatiques défavorables engendrant un déséquilibre entre l’offre et la demande et/ ou des distributeurs qui manipulent le marché. Partant de ce principe, l’Etat doit prendre des mesures pour pallier à ces problèmes, c’est ce que s’accorde à dire l’opinion publique.

Aujourd’hui, les choses semblent être moins « claires », et les responsabilités plus partagées. Les agriculteurs sont plus enclins à accuser l’Etat d’être à l’origine d’une pénurie, due notamment à une politique de restriction d’usage de l’eau et au manque de mesures en faveur des producteurs sinistrés par les intempéries. La société civile quant à elle estime que les distributeurs sont à l’origine de ce dérèglement du marché, et condamne un manque de contrôle et le laxisme dont fait preuve l’Etat face à la montée exponentielle des prix sur les étales. L’Etat, pour sa part, affirme, que le problème est ponctuel et qu’il est dû à la vague de froid qui a engendré une baisse de production.

« Les opérations de surveillance des prix continuent. Je ne comprends pas pourquoi on parle de la hausse des prix maintenant. Les prix sont à la hausse pour un manque de production et ce n’est pas la fin du monde ! », a déclaré le ministre du Commerce et de l’Industrie, Zied Laâdhari.

« Il ne faut pas s’alarmer, les conditions climatiques particulières qu’a traversé le pays ces dernières semaines ont conduit à une baisse de production, ce qui a impacté l’offre. Dans certaines régions de Monastir par exemple, qui fournit près de 40% de la production nationale de primeurs, les agriculteurs n’ont pu cultiver que 20% de leur production habituelle, et ce, pour des raisons liées à la pénurie d’eau enregistrée l’an dernier » a-t-il ajouté.

« Le manque d’eau a engendré un manque de production et donc une baisse de l’offre. En témoignent d’ailleurs, les chiffres enregistrés au marché de gros de Bir El Kasâa. En janvier 2017 nous avons reçu 1944 tonnes de tomates contre 2615 tonnes à la même période en 2016. Pour ce qui est des piments, nous avons aussi constaté une baisse de près de 30% dans l’offre. Il est alors normal que la pression de la demande implique une hausse des prix » a expliqué Zied Laâdhari, ajoutant que son ministère œuvre en ce moment à faire baisser les prix en modérant le marché et en améliorant l’offre. Le ministre a également souligné que 20 tonnes de tomates et piments avaient été importées de Libye pour pallier au manque de l’offre.

Mesure, que certains trouvent particulièrement incongrue, dans la mesure où de nombreux commerçants font part d’un commerce parallèle, qui serait aussi à l’origine de la baisse de l’offre, et qui exporte nos denrées vers la Libye notamment…

 

 

Il est vrai que la pénurie, le manque de l’offre et les aléas climatiques ont de tout temps impacté les prix, mais pas au point constaté aujourd’hui. Il est possible de pousser l’explication du côté de l’agriculteur. Ce dernier a parfaitement le droit de maximiser ses gains. Par ailleurs, les distributeurs ont vu leurs charges augmenter de par la dévaluation du dinar, de l’exigence de renouvellement du matériel etc. Il est donc normal que les prix soient revus à la hausse. Toutefois, nous ne nous trouvons pas face à des prix simplement augmentés, mais multipliés par 3 et même 4 !

4.200 dinars pour des courgettes alors qu’habituellement le prix ne dépassait jamais les 1.500 dinars, 0.5 dinars pour la botte de persil, qu’on vendait à 0.2 dinars, Près de 4 dinars pour des piments dont le prix le plus élevé excédait rarement 1 dinar, sans parler des prix des fruits, des viandes et de tout ce que le panier du citoyen a désormais du mal à contenir.

Les accusations sont mutuelles et les constats laissent perplexes. On accuse les distributeurs alors que nous avons, aujourd’hui même, relevé les prix au marché de Bou Salem (région agricole du gouvernorat de Jendouba à 140km de Tunis) et constaté que les piments sont vendus à 3.400 dinars le kilo, contre 1.700 dinars le kilo de tomates, vendues, elles à 3.400 dinars dans un marché municipal de la capitale. On importe ce que les contrebandiers exportent, on dit intensifier les contrôles alors que les fruits et légumes sont vendus à chaque coin de rue, sur des camions et des étales improvisées…

Quand cette hausse avait touché le pin d’alep à l’approche du Mouled, le ministre de l’Agriculture avait appelé au boycott. « Pourquoi manger du zgougou ? » avait-il dit, il faut boycotter pour que les prix baissent. Des prix que Samir Taïeb n’a pas voulu expliquer, se contentant de dire que la production était normale voire même excédentaire.

Pas de « zgougou » donc, et pas de salade non plus comme l’a déclaré hier Le président de l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche (UTAP), Abdelmajid Zar.

« Il faut manger les fruits et légumes de saison, est-ce que manger du poivron et des tomates est une chose nécessaire ? Ne pas manger de salade tunisienne pendant deux mois, n’est pas la fin du monde ! » A-t-il estimé.

 

 

Le boycott pourrait, en effet, être une réponse, mais l’Etat doit aussi agir, comme cela avait souvent été fait d’ailleurs durant « l’époque révolue ».

Quand Mondher Zenaidi était ministre du Commerce, il n’avait pas hésité à faire du forcing pour obliger les distributeurs à ouvrir leurs frigos et écouler leurs marchandises. L’Etat avait recours également à l’importation avant que ne flambent les prix pour maintenir le marché à un niveau acceptable. Des stratégies étaient adoptées pour que les prix ne dépassent jamais un certain plafond, quitte à importer des produits pour contrecarrer le plan des distributeurs.

Quand l’Etat veut, l’Etat peut, peu importe le régime, il s’agit de montrer que le pays n’est pas livré à lui-même et que le pouvoir en place, cette fois de surcroit élu, assume ses responsabilités les plus élémentaires… des tomates plus chères que les bananes, nous aurons décidément tout vu…

                                                                                                     

Myriam Ben Zineb

 

 Copyright photo de couverture : Le groupe Facebook On a mangé pour vous à la maison des plats amoureusement préparés

02/02/2017 | 19:59
7 min
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Commentaires (22)

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Logiquement
| 03-02-2017 20:34
Il faudrait manger des legumes de saison. On veut des legumes hors saison à prix bas, c'est illogique.C'est ça qu'il faut expliquer. Apres, la bananes mouns cheres, c'est une autre histoire...

say
| 03-02-2017 20:26
ces temps-ci il faut manger des tbikhas de blettes,de potiron,couscous aux fanes de fenouil ou de carotte,soupe aux fanes de radis,mhames,hlalem,rechta. boycotter les produit cher,ou n'achetez que par pièce. les tomates poivrons et autres légumes cultivés sous serre profitez-en au printemps et en été.et comme a dit FEHRI faites votre oula l'été.ou peut-être il faudra relire le conte de LA CIGALE ET LA FOURMIE. Bande de fainéants et bras cassés

zohra
| 03-02-2017 20:03
Je pense que c'est un problème plutôt culturel, le tunisien ne sait pas diversifier, toute l'année la plus part des familles mangent des tomates et piments à toutes les sauces, salade tunisienne tomates, piments et oignons. merchouiya toujours les mêmes ingrédients. Il faudrait essayer de sortir de cette habitude, les salades, il ya des centaines de variétés, salades de pommes de terre, salade de lentilles, salade de carottes, de choux, poireaux, betteraves, haricots verts, fenouils, et...

Forza
| 03-02-2017 20:02
Certains magasins limitent même les quantités que les clients peuvent acheter et les articles parlent des conditions météorologiques en méditerranée (par exemple en Espagne qui exporte beaucoup de légumes aux pays européens) qui ont réduit l'offre, donc ce sont illiyali, on ne mangeait pas des tomates fraiches jadis au mois de Janvier.
Quelques liens :
http://www.telegraph.co.uk/business/2017/02/03/causing-2017-vegetable-shortage-does-mean-consumers/
et les finlandais aussi :
http://yle.fi/uutiset/osasto/news/bad_weather_in_southern_europe_hikes_domestic_vegetable_prices/9436326
En Tunisie on tourne chaque histoire comme l'effet négatif de la révolution.

Le patriote
| 03-02-2017 19:37
Voilà ce qui arrive à dénigrer à vampiriser et à avoir mis à l'écart les personnes compétentes qui géraient le commerce et le pays en général avant 2011....et OUI !!!
Vive Ben Ali

zohra
| 03-02-2017 19:19
Bonsoir,

Les tomates séchées se vend au prix d'or en Europe. A la salade verte, on rajoute des aubergines grillé et quelques tranches de tomates séchées et aromatisée aux fines herbes et l'huile d'olive c'est un délice.

Bonne soirée

Letranger
| 03-02-2017 18:35
"...alors quoi ?? faut il dire que cette révolution est maudite !?..."
Non, elle n'est pas maudite, elle n'a pas été finie, elle a été manipulée par les Islamistes (et pas par "les sionistes, Américains et anciens colonialistes, etc. etc.") qui sont les seuls à en profiter.
Révolution mal faite...travail d'Arabe quoi.
Parce qu'une révolution, ce n'est pas un but, c'est un moyen. Quand Ben Ali a été chassé (Dégaaaaaage)c'était pas fini, ça commençait. La preuve Ennadha a continué le travail, avec le soutien de la majorité des Tunisiens et il a bien réussi puisqu'il est encore officieusement le maitre de la Tunisie avant de le devenir officiellement.
Parce que le "Grand Peuple Tunisien" le demande, les élections successives le démontrent avec leurs résultats.
Alors vous plaignez pas, il FAUT que vous soyez malheureux, indigents, que vous fassiez une autre révolution pour qu'ils soient définitivement et "démocratiquement" consacrés.
Rappelez-vous de ceci : LA REVOLUTION N'EST PAS UN BUT MAIS UN MOYEN, que ce soit pour le bien ou pour le mal.

houda
| 03-02-2017 17:29
voila des vrais responsables auxquels il faut ajouter ezzar de l utap et laadhari ministre du commerce ça fait TRIS MOIS QU ILS N ONT PAS GOUTTER A UNE SALADE TUNISIENNE ET A UNE CHAKCHOUKA les pauvres ils se limitent a la caviar et aux crevettes royales les pauvres ils font de la peine

houda
| 03-02-2017 17:21
m
la majoritè des tunisiens qui ont votè BCS AVAIENT confiance en lui pour chasser ennahdha du pouvoir parcequ elle nous a fait voir de toutes les couleurs durant la priode du troika trafique des tournement de fonds (bouchlaka) terrorisme chertè de vie etc malheureusement BCS n etait pas a la hauteur et nous a trempe il a tout ceder tout le pouvoir de l etat a ennadha pour qu il reste tranquille a cartage et il a meme fait sauter nida tounes exprès par le biais de son fils nulard pour laisser libre champs a ennahdha il est a l origine de tous nos maux il viendra le jour ou le peuple chassera tous les prifiteurs et a leur tete nahdha et nida tounes

Thamri
| 03-02-2017 17:09
Par votre article , vous voulez dire tout simplement que l'ère ben Ali est meilleure ?? alors quoi ?? faut il dire que cette révolution est maudite !? détrompe toi car il vaut mieux la liberté que le couffin au sens propre et figuré...