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Chroniques
Les sanctions ne sont que la résultante de politiques et de programmes inachevés
15/02/2018 | 16:00
4 min

Par Houcine Ben Achour


Rien ne sert de courir, il faut partir à point.

Au-delà de toutes les implications et incidences qu’aura provoqué la décision du parlement européen d’inscrire la Tunisie dans la liste des pays fortement exposés au risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, c’est l’incroyable incapacité de nos gouvernants successifs à mener tout processus de réforme à son terme ; que tout processus de réforme transparaisse clairement dans la vie socioéconomique du pays. Car, la raison essentielle qui a amené le GAFI à mettre la Tunisie sous-surveillance, décision sur laquelle s’est fondé le Parlement européen pour mettre au ban le pays, c’est l’incurie des autorités à mettre en pratique ou en application l’arsenal juridique et les mécanismes et instruments subséquents qu’elles ont élaboré et mis en place pour lutter contre le blanchiment d’argent et la lutte contre le terrorisme. En effet, le GAFI a sanctionné le pays non pas pour n’avoir pas satisfait aux recommandations techniques et juridiques auxquelles doivent se soumettre dans sa lutte contre ce double fléau, mais de l’absence totale des effets opérationnels de ces recommandations.

 

C’est aussi sur la base d’un pareil constat que la Commission européenne a décidé, initialement, de classer la Tunisie dans la liste noire des pays non coopératifs en matière de lutte contre la fraude fiscale, avant de la classer dans une liste dite « grise » et donc à surveiller. Pour sa défense, le pays a plaidé son cadre législatif et institutionnel qui, pourtant, répond aux exigences  minimales de lutte contre l’évasion fiscale contenues dans le projet BEPS (Erosion de la base d’imposition et transfert des bénéfices) édictés par le Groupe de travail de l’OCDE. Rien n’y a fait, car c’est au niveau opérationnel de la lutte contre la fraude fiscale que la Tunisie affiche une légèreté manifeste.

Où en est-on, par exemple, de la réforme fiscale et particulièrement du régime fiscal forfaitaire ou du régime fiscal des professions libérales ? Engagée mais pas parachevée. Où en est-on de l’application du fameux article 34 de la loi de finances 2014 de « rationalisation des opérations commerciales effectuées en espèces » qui « exclut, pour la détermination de l’assiette de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés, la déduction des charges d’exploitation et des amortissements des actifs d’une valeur supérieure ou égale à 20.000 dinars hors taxe sur la valeur ajoutée et dont la valeur est payée en espèces. Il exclut également du droit à déduction la TVA supportée au titre des acquisitions de biens et de services d’une valeur supérieure ou égale à 20 000 dinars hors taxe sur la valeur ajoutée dont la valeur est payée en espèces » ?

Il convient de signaler à ce propos que le montant de 20 000 dinars devait être ramené à 10 000 dinars en 2015 et à 5 000 dinars en 2016.

 

Plus généralement, les gouvernements successifs depuis 2011 se sont engagés dans des réformes mais ont rarement fait preuve de suivi dans leur mise en application. C’est d’ailleurs le plus grand des reproches que formule le Fonds monétaire international (FMI) à l’égard de la Tunisie.

Lorsqu’on lit les différents mémorandums de politique économique transmis depuis 2012 par les autorités du pays au FMI dans le cadre du crédit Stand by ou dans celui du crédit élargi, on constate que la plupart des engagements formulés n’ont pas été menés à leur terme.

Les communiqués de fin de mission des équipes du FMI lors de leur revue-programme en font d’ailleurs allusion.

 

Qu’a-t-on fait pour consolider la stabilité macroéconomique que cela concerne la politique budgétaire (ramener le déficit budgétaire à 2,4% en 2019 et le ratio d’endettement à 51%), la politique monétaire (prêteur de dernier ressort) ?

Qu’a-t-on fait pour réformer les institutions publiques (restructuration de la fonction publique, création d’une agence de gestion des participations de l’Etat chargée du suivi des programmes de restructuration des entreprises publiques, mise en place et suivi des contrats de performance avec les 5 plus grandes entreprises publiques, création d’une agence de la dette…..).

Qu’a-t-on fait pour réformer le secteur financier mis à part la recapitalisation des banques publiques (Fonds de garantie des dépôts, les bureaux privés de crédit, la banque des régions). Où en est-on des décrets d’application de la loi sur la concurrence, de la loi sur le partenariat public-privé, du code des investissements ? La liste des interrogations est longue concernant les engagements des autorités auprès du FMI et non encore aboutis. Or ce n’est pas seulement à cette aune que le Conseil d’administration du Fonds décide d’autoriser le décaissement des tranches de crédit accordés dans le cadre du Mécanisme élargi du crédit (MEDC), mais à son  effet opérationnel. Autrement dit, sur le terrain, on ne constate rien.

 

Chez les uns, cela est suivi de sanctions (liste noire). Chez les autres, cela entraine un retard dans le déblocage du crédit. C’est ce que le gouvernement de Youssef Chahed est en train de constater…à ses dépens.

 

15/02/2018 | 16:00
4 min
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Commentaires (2)

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Point de vue
| 16-02-2018 11:35
L'Etat tunisien que nous proclamons Etat de droit et ventons son arsenal législatif partant de sa constitution, "l'une des meilleures aux monde", est devenu le symbole de l'impunité et la non application des lois. Drôle d'Etat de droit et drôle de démocratie.

DHEJ
| 15-02-2018 19:54
Ils appliquent la politique de "écris sur le poisson et remets dans la mer"! Toutefois, pour le passage de " ... mettre en pratique ou en application l’arsenal juridique et les mécanismes et instruments subséquents..." Ben c'est de la LEGIDYNAMISME par excellence!