Les hôteliers, tous des escrocs !
La scène se passe au lendemain de l’attentat de Sousse. Le serveur d’un hôtel à Sousse était en train de pleurer sur la plage. Il avait essayé de s’isoler mais on voyait bien que ça n’allait pas. Ce serveur n’a pas encore atteint les 30 ans et est titulaire d’une maîtrise en géographie. Ce qui le fait pleurer ? La possibilité, plus que probable, de perdre son emploi et de se retrouver à la rue. Pendant qu’il pleurait, la propriétaire de l’hôtel est venue le rassurer en lui disant qu’il ne perdrait pas son emploi et que personne ne serait renvoyé. Mais jusqu’à quand ?
Les hôteliers sont traités de voleurs et d’escrocs puisque certains d’entre eux n’ont pas remboursé leurs dettes aux banques publiques tunisiennes. Admettons. Mais si on veut être objectifs, on doit dire aussi qu’ils emploient des personnes, beaucoup de personnes. Certains parlent de 450.000 emplois directs, chiffre qui se voit, au moins, doublé si l’on évoque les emplois indirects.
Mais nous cédons si vite à la facilité que l’on met tout le monde dans le même sac. C’est bien plus simple de se mettre en retrait, de ne pas connaitre les dossiers et d’émettre des jugements de valeur. Il n’y a pas si longtemps c’était les hommes d’affaire qui étaient pointés du doigt. Le camp d’en face mettait tous les « droits-de-l’hommistes » dans le même sac également.
Pour en revenir aux hôteliers et au tourisme, il y a des relations logiques à faire, abstraction faite de l’hôtelier en lui-même. Suite à l’attentat de Sousse, l’ensemble du secteur touristique a été fortement impacté et les hôteliers sont en première ligne. Si l’hôtel ferme, tous ses employés n’auront plus aucun revenu et deviendront des chômeurs. Par la suite, il existe des usines de lait ou de viandes dont une grande partie de la production va aux hôtels. Si ces derniers ferment, les usines n’écoulent plus autant de production, donc seront en sureffectif et donc mettrons des gens à la porte. On peut poursuivre le raisonnement sur plusieurs échelons.
Il y a certaines personnes qui disent que les hôtels s’en sortent bien avec la clientèle tunisienne et algérienne. C’est loin d’être le cas mais admettons que ce le soit. L’hôtel devra fermer ses portes, quand même, à l’horizon septembre-octobre. Ce sont les professionnels du secteur qui le disent et qui tirent les sonnettes d’alarme. Mais bon, on ne va pas les écouter ce ne sont que des voleurs, n’est-ce pas ?
Mais si on ne tolère pas ce discours, pourquoi se laisse-t-on embarquer dans ceux qui traitent de l’importance du tourisme pour l’économie tunisienne, le fait que ce soit le seul secteur qui rapporte de la devise en Tunisie sur le court terme ? Pourquoi cette hypocrisie qui fait que d’un côté, on insulte les hôteliers et on se délecte du fait qu’ils mettent la clé sous la porte, et de l’autre, on dit que le tourisme est important et qu’il faut non seulement le sauver mais aussi le rénover ?
Peut-être faudrait-il mettre ça sur le dos de raisons purement inhérentes à certains caractères envieux et négatifs. Ce qu’on sait en tout cas c’est que plusieurs Tunisiens envient la réussite et qu’on a cette tendance, très française, à l’auto-flagellation. On a aussi ce côté « méditerranéen » qui pousse à dire ce que les autres veulent entendre, quitte à dire des insanités. Tant que ça nous rapporte les « remerciements » de notre tout petit cercle.
Quelles que soient les motivations, le but est atteint et les hôtels commencent à fermer les uns après les autres. Les tour-opérateurs boudent la Tunisie et il n’y aura aucune éclaircie d’ici au moins un an. Ceux qui s’en prennent aux hôteliers seront contents. Certains professionnels disent qu’il ne restera qu’une quinzaine d’hôtels ouverts sur tout le territoire tunisien.
Mais tout ça, ce ne sont que des discussions de salon. En fait, les vraies victimes sont toujours les mêmes : ceux qui ne sont déjà pas gâtés par la société. Serveurs, femmes de chambre, réceptionnistes et j’en passe. Ce sont eux qui n’auront plus de quoi nourrir leurs enfants dans quelques semaines. A ce moment, il faudra leur expliquer que leurs patrons sont des escrocs et que le tourisme tunisien s’est flingué tout seul…