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Chroniques
Les électeurs sont plus intelligents que vous !
17/11/2014 | 16:03
5 min
Par Nizar Bahloul

Nous sommes à J-6 de l’élection présidentielle. Le moment est historique. La Tunisie va enfin avoir son premier président élu d’après la révolution. Le vainqueur sera incontestablement le premier président élu dans un suffrage universel pluraliste transparent. Il y a bien eu des élections présidentielles en Tunisie par le passé, mais jamais l’élection n’a été pluraliste et transparente à la fois. Quant à la dernière, celle de 2011, tout le monde sait que c’était le fruit d’une tractation politique entre deux leaders politiques qui vivaient à l’exil.

Nous sommes à J-6 et la campagne bat son plein. Le code électoral, pondu par Ben Toumia et Abbou, a gâché plus ou moins cette fête, avec des articles archaïques, mais l’essentiel y est : tout le monde s’exprime librement et aucun candidat n’a souffert de censure dans les médias ou n’a été empêché de louer une salle pour son meeting. Il n’y a pas si longtemps, le dénommé Tarek Dhiab, ancien ministre des Sports, ouvrait les portes de la Coupole d’El Menzah aux extrémistes religieux de la trempe de Wajdi Ghenim et les fermait devant les partis politiques. C’était après la révolution et non sous Ben Ali.

Cette liberté de mouvement et d’expression a fait que le public ait un accès direct à l’information. Il a désormais la possibilité de vérifier de lui-même qui est en train de dire la vérité et qui est en train de mentir. Il ne se laisse plus berner par les discours pompeux des politiques. Il suffit qu’il soit doté d’un minimum de bon sens. On disait autrefois que « les promesses des politiques n’engagent que ceux qui les croient ». L’adage est surement encore valable, mais il n’est plus aussi percutant que par le passé. Grâce aux technologies de l’information, les vidéos des bourdes politiques fuitent instantanément et il n’est plus possible aux équipes de campagne de maquiller quoi que ce soit.

Le grand nombre de médias existants et les réseaux sociaux ont fait que le public est devenu mille fois averti. Un média, quel que soit ses tendances politiques et idéologiques, n’a plus la possibilité de manipuler comme il désire son téléspectateur/auditeur/lecteur. Oui, celui qui reçoit l’information a désormais la possibilité de comparer, de jauger, d’analyser et de conclure.
Tout cela est un fait, mais ce fait semble échapper à plusieurs de nos hommes politiques qui continuent à multiplier les contrevérités dans leurs meetings électoraux.

Untel promet la gratuité des soins, l’autre maquille son bilan et l’autre embellit son historique. Les uns basent leur campagne sur la diabolisation de l’adversaire pendant que les autres n’ont de cesse de dénigrer l’autre, en usant des arguments les plus bas et les plus vils.
Alors qu’on vit encore au XXIème siècle, certains candidats continuent à user de mensonges grossiers, se croyant encore dans les années 70 et que leurs mensonges ne vont pas être dévoilés de suite.

Dans ce marasme, les médias ont trouvé leur bonheur. Tout journaliste digne de ce nom trouve un malin plaisir, voire une jouissance extrême, à dévoiler à son public le mensonge d’un politique, preuves à l’appui.

Plusieurs de nos lecteurs ont reproché à Business News d’en faire trop avec Moncef Marzouki et de consacrer l’essentiel de ses articles à la critique du président sortant de la République. Le reproche est juste et recevable et en ma qualité de directeur de la rédaction, je me dois d’expliquer à mes lecteurs ce point.

Qu’on le veuille ou pas, Moncef Marzouki est celui qui se montre le plus actif dans cette campagne avec des visites de terrain quasi quotidiennes, ces derniers jours. Qu’on le veuille ou pas, c’est celui qui multiplie les bourdes et il en fait plus que les autres. Pire que les bourdes, les contrevérités. Le président sortant en use à merveille. Et pire que les contrevérités, l’utilisation de l’argent du contribuable à des fins personnelles de campagne. A nos lecteurs, la question est simple : « Pour ne pas en faire trop avec Moncef Marzouki, quelles sont les bourdes qu’on doit publier et quelles sont celles qu’on doit censurer ? Quel mensonge taire et quel mensonge dévoiler ? » La réponse est simple, tant que nous avons la preuve de ce que nous avançons, nous publions. C’est notre devoir que d’armer nos lecteurs d’un maximum d’éléments pour qu’ils puissent, dimanche prochain, aller voter en toute âme et conscience. Je le répète, c’est notre devoir. Nous n’avons pas le droit de garder des informations pour nous.

On en fait trop ? Tant pis ! Les hommes politiques n’ont qu’à faire attention à ce qu’ils font et à se faire coacher comme il se doit pour ne pas être épinglés par les médias. Si le candidat ment, c’est notre devoir de le dénoncer et de le confronter avec son mensonge.

On dit, ici et là, que Moncef Marzouki est un ange, un compétent, un droit-de-l’hommiste… Vu qu’on sait que ce n’est pas vrai, il est de notre devoir de le dire et de prouver le contraire.
Il est de notre devoir d’attirer l’attention du lecteur que ce militant est soutenu par le parti extrémiste Ettahrir, par l’extrémiste Béchir Ben Hassen et par les extrémistes Imed Deghij, Recoba et autres malfrats. Il est de notre devoir d’attirer l’attention du lecteur que ce droit-de-l’hommiste n’est soutenu par aucun militant des droits de l’Homme. Il est de notre devoir de dire que ce compétent a échoué avec ses amis de la troïka et qu’il ne peut donc pas réussir avec ses « ennemis » de Nidaa. Il est de notre devoir de rappeler que ce candidat s’est montré ingrat avec plusieurs de ses amis, y compris ceux qui l’ont porté jusqu’au palais de Carthage, il y a 3 ans, que dire alors de son comportement avec les autres ?

Et ce que nous faisons, tous médias réunis et toutes tendances confondues, a le mérite de transformer le téléspectateur/auditeur/lecteur en un électeur conscient. Ce téléspectateur/auditeur/lecteur ne peut plus être berné par le discours du politique et ses mensonges. Du moins, il ne peut plus être berné, comme c’était le cas avant.

Au jour d’aujourd’hui, et d’après ce que l’on constate à J-6, c’est que le téléspectateur/auditeur/lecteur/électeur est devenu sensé et avisé, alors que l’homme politique continue encore à tenter de le berner en lui fourguant un discours pompeux, archaïque et mensonger. Non, messieurs les hommes politiques, les gens ne vous croient plus sur parole. Ils ne sont pas dupes, comme vous le pensez. Vous pouvez toujours les considérer comme idiots, et c’est votre droit de les juger comme vous voulez, mais sachez que, même s’ils vous écoutent, ils sont plus intelligents que vous !
17/11/2014 | 16:03
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