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Les dessous de l’arrestation du directeur de Binaa News
02/10/2014 | 11:01
4 min
Les dessous de l’arrestation du directeur de Binaa News
La mise en garde à vue d’Aymen El Ajmi, directeur et rédacteur à l’agence de presse à orientation islamique Binaa News, a surpris. L’arrestation a eu à la caserne d’El Aouina où il y a une brigade spécialisée souvent chargée par le procureur de la République dans les affaires de presse. La brigade en question a interrogé des dizaines de journalistes (dont de Business News) et les interrogatoires ont toujours été réalisés en parfait respect de la loi et en toute courtoisie. Pourquoi donc celui d’Aymen El Ajmi s’est-il soldé par une garde à vue totalement inhabituelle, voire même illégale au regard de la loi réglementant la presse ?

D’après une dépêche de l’agence islamique, publiée hier tard le soir (voir notre article à ce sujet ), l’affaire est liée à un article publié en avril dernier et évoquant un présumé mauvais traitement dont aurait fait l’objet le ministre tunisien des Affaires étrangères, Mongi Hamdi de la part des autorités de l’aéroport français Roissy Charles de Gaulle à Paris. Un article largement repris par les médias proches de la troïka à l’époque, sans vérification aucune de la véracité de l’information. D’après la dépêche, l’agence a bien été démentie mais elle déclare qu’elle n’a jamais reçu de droit de réponse à publier.

Business News a contacté différentes sources judiciaires et policières pour savoir ce qu’il en est réellement.
Les services du MAE ont immédiatement contacté le directeur de l’agence qui se trouve être également le rédacteur de l’article, pour lui dire que l’information est totalement erronée, dénuée de tout fondement et que M. Hamdi n’était même pas à Paris ce jour-là. Aymen El Ajmi a refusé de prendre acte de l’information et de relayer le démenti, demandant aux services du ministère que ce soit Mongi Hamdi en personne qui lui témoigne de l’erreur. Bien que ce soit étrange et non coutumier, le ministre a appelé en personne le directeur de l’agence à qui il a démenti l’information. Ce dernier a refusé néanmoins de retirer son article ou de publier le démenti demandant au ministre de lui envoyer un droit de réponse ou d’aller déposer plainte, comme le stipule la loi. Ce qui est vrai puisque le décret 115 n’oblige pas le journal à publier un démenti sur de simples propos verbaux et ne prévoit pas un retrait d’un article. Cela dit, déontologiquement, un journal se doit de retirer une information qui s’est avérée erronée. Et si le journal est sûr de ses sources et de l’authenticité de son information, il se doit de relayer le démenti, même s’il est verbal, sans attendre un droit de réponse écrit quand il y a une grande urgence ou qu’il s’agit d’informations pouvant semer le trouble dans l’opinion publique.

Après le refus qui lui a été opposé, Mongi Hamdi a engagé les procédures légales pour le dépôt de la plainte sans envoyer un droit de réponse. Ce qui est légal. Il a naturellement informé les services de la présidence du gouvernement. Mofdi Mseddi chargé de l’information à la présidence du gouvernement a appelé Aymen El Ajmi pour lui demander de retirer son article ou de publier un démenti immédiat vu qu’il s’agit de relations entre pays et qu’il est inconcevable de laisser une information erronée en ligne, sans démenti alors qu’elle est reprise par plusieurs médias.
Certaines sources au MAE évoquent par ailleurs des questions de diplomatie parallèle où certaines parties utilisent leurs contacts dans cette agence et les médias qui tournent autour (Al Dhamir, Assada…) pour transmettre les informations dont ils ont besoin. L’objectif de cette information erronée serait de décrédibiliser le ministre des Affaires étrangères qui avait, alors, un bras de fer avec l’ancienne équipe au pouvoir et l’actuel président de la République. Information utile à rappeler, aussi bien l’agence que les journaux qui gravitent autour ont des sources de financement inconnues puisque la vente kiosque du quotidien islamiste ne couvre théoriquement pas les charges et que les sites d’informations ne contiennent pas de publicité.

La plainte a suivi son chemin en parallèle et le patron de l’agence a été convoqué pour être interrogé mercredi 1er octobre. L’interrogatoire a tourné au vinaigre cependant, contrairement à tous les précédents interrogatoires de journalistes dans cette même brigade de l’Aouina. Selon des sources policières, le patron de presse se serait montré arrogant et défiant les forces de l’ordre, à tous les stades de l’interrogatoire. Alors qu’ils ne devaient que prendre sa déposition pour remplir un PV et le remettre ensuite au procureur de la République, ils se seraient trouvés face à un accusé qui leur dictait les lois et ce qu’ils devaient faire et ne pas faire. Les agents de la brigade ont alors contacté les services du procureur qui leur ont  demandé d’appliquer la loi. Et la loi les autorise à le placer en garde à vue pour les besoins de l’interrogatoire.
Aymen El Ajmi devrait être déféré aujourd’hui, jeudi 2 octobre 2014, devant le procureur sur la base du code des télécommunications, alors qu’il devrait être déféré sur la base du décret 115 relatif à la presse. Est-ce illégal ? « Ce n’est peut-être pas déontologique, mais c’est tout à fait légal et il peut toujours faire valoir ses droits devant le procureur », répond cyniquement une de nos sources.

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