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Chroniques
Les croyants de mauvaise foi
23/08/2016 | 15:59
4 min

L’actualité ces derniers jours ne tourne pas seulement autour du gouvernement de Youssef Chahed. Certes, la composition de l’équipe qui succèdera à celle de Habib Essid accapare la scène politique, en cette fin d’été, mais plusieurs Tunisiens, vacances obligent, ont la tête ailleurs.  

Si on sort le bout du nez de notre marasme politique et économique actuel, des coupures d’eau à répétition, des crises politiques et autres préoccupations tuniso-tunisiennes, on peut se retrouver dans la polémique, déclenchée ces dernières semaines, autour de l’interdiction du port du burkini sur les plages françaises.

Après l’attentat de Nice, plusieurs mairies du sud de la France ont publié un arrêté interdisant le port du burkini sur les plages. Une décision jugée xénophobe selon certains, ridicule selon d’autres et salutaire selon d’autres encore. C’est que le contexte est particulier…

 

Le contexte est aussi particulier en Tunisie et la polémique y est tout autant d’actualité. Si sur les plages tunisiennes, les tenues portées par les vacanciers importent peu, retrouvant pêle-mêle, des maillots de bain, des burkinis et autres personnes se baignant totalement habillées, dans les piscines publiques, au contraire, la question se pose de plus en plus. En effet, alors que plusieurs établissements placardent à l’entrée une interdiction claire de se baigner habillé, plusieurs n’en ont que faire et le burkini y est, souvent, plutôt répandu.

Est-ce se soucier du droit des femmes l’été que de leur permettre de s’habiller comme elles le souhaitent ? Ou est-ce au contraire les épauler dans cette tentative de les rabaisser davantage et de les asservir face à un mâle dominant ? La question mérite d’être posée. A mon sens, il est aberrant de penser défendre la liberté des femmes en soutenant leur droit de couvrir leurs corps et en les considérant comme un objet de pêché perpétuel. Mais là est une autre question.

A l’heure où de grands débats sur les libertés sont ouverts en Tunisie chaque jour, où l’on s’interroge sur la place de l’Autre dans la société et son rapport à nous, celle du port du burkini, de plus en plus démocratisé, est aussi d’actualité. Une polémique ridicule pour ceux qui y voient une diabolisation de l’Islam et de tout ce qui s’y rapporte et crient au scandale en dénonçant l’outrage qu’on impose aux sentiments des croyants.

 

Les vacances sont faites pour se reposer et ne pas se poser de questions. Si l’interdiction du niqab dans les administrations et autres lieux publics peut être compréhensible à bien des égards, n’est-il pas excessif d’obliger certaines femmes à se dévêtir en leur interdisant le burkini dans leur lieu de plaisance ? Ça l’est sans doute, sauf que dans certains lieux, il y a un règlement. Des règles d’hygiène, de bienséance, de décence, d’esthétisme ou autres considérations que certains établissements (et ils sont libres eux aussi) appliquent afin d’obliger les baigneurs à porter les « traditionnels » maillots de bain. Des règles que les baigneuses en burkini n’appliquent que très peu. L’argument derrière : la liberté de culte et le respect des croyances. Un argument gagnant à tous les coups, puisqu’il est généralement placé dans une logique de victimisation et de prétendue oppression. Un argument contre lequel on ne peut rien puisqu’il se base sur une volonté divine et des considérations qui « devraient être sacrées pour le commun des mortels ». 

 

Ceux qui invoquent la religion sont, en effet, les seuls à aspirer à des traitements de faveur. En vertu de cet argument absolu, on interdit la vente d’alcool pendant le ramadan, on ferme bars et rayons des boissons alcoolisées le vendredi et on se tait face au non-respect des règles imposées par les croyants. Autant l’argument de la « laïcité » brandi par certains maires français de droite est outrageusement hypocrite, autant celui de la religion est franchement de mauvaise foi. Souvent, ceux qui brandissent la religion comme argument, appelant à ce que des aménagements soient faits en leur faveur, ne croient pas toujours à la liberté des autres. Si on est libre de porter un burkini, le serait-on autant de se baigner seins nus ? Pour certains, les deux tenues peuvent heurter autant l’une que l’autre.

 

Interdire le burkini n’est pas une méthode efficace pour libérer les femmes, pour consacrer les libertés, ou encore moins pour combattre le terrorisme, l’argument trop souvent brandi. Une telle oppression risque de produire l’effet inverse et d’alimenter davantage la propagande victimaire en faveur des croyants qui se disent, bien trop souvent, opprimés.

Mais si ces croyants ne respectent pas, eux-mêmes, les règles de bienséance des lieux qui les abritent, ne se transforment-t-ils pas en oppresseurs à leur tour ? Porter un burkini revient à dire aux autres femmes que leur « nudité » vous gêne, qu’elle est indécente, qu’on ne les respecte pas ainsi vêtues. Une gêne dont on se passerait bien sur son lieu de vacances et qui est, elle aussi, tout aussi inefficace et inutile…

23/08/2016 | 15:59
4 min
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Commentaires (71)

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Tunisienne
| 30-08-2016 12:03
Madame,

Je comprends votre démarche jusquauboutiste dont je ne remets pas en question la sincérité. Mais j'avoue que je suis de plus en plus mal à l'aise avec ces questions. Et à mon avis, ce n'est pas uniquement un malaise personnel. Je pense que nous sommes à un tournant civilisationnel où de gros dilemmes doivent être douloureusement tranchés. Comme je pense que tout le noble dispositif de défense des droits de l'homme n'avait pas anticipé ce type de contexte délétère et chargé dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui !

Oui bien-sûr, dans l'absolu, je suis pour la démocratie, les droits de l'homme, les libertés et je suis une farouche défenderesse des droits des femmes. Peut-on se permettre aujourd'hui le luxe de jauger les droits et les libertés des uns au cas par cas, indépendamment des droits et libertés des autres et indépendamment du souci de ne pas amener les sociétés à s'entretuer et à éclater ? Peut-on statuer sur ce genre de questions de façon compartimentalisée et sans vue d'ensemble ? Je ne sais pas. Ainsi :

Je suis mal à l'aise avec la défense de la démocratie à l'islamiste qui ambitionne d'installer le califat liberticide et anti-démocratique;

Je suis mal à l'aise avec la défense de droits de terroristes comme Salah Abdesslam qui tourne à fond à son avantage le dispositif de défense des droits de l'homme du pays qu'il a terrorisé;

Je suis mal à l'aise avec la défense des droits et libertés des femmes à porter Burkini, niqab et autres voiles (même si, dans l'absolu, je leur reconnais la liberté de porter ce qu'elles veulent) lorsque je sais que ces habits sont le fruit de l'intériorisation d'un «fikr» qui veut les aliéner, les objetiser, les amener à se renier, à se retirer «volontairement», à s'estimer inférieures...

Je suis mal à l'aise avec la défense de droits et de libertés qui peuvent amener un jour ces mêmes femmes à revendiquer la liberté de choisir un mari polygame, la liberté d'élever leurs enfants suivant les préceptes wahhabites, la liberté d'être lapidées «pour l'avoir mérité», la liberté de renoncer.

Oui, en vérité, je suis très mal à l'aise avec tout ça...

Sana
| 30-08-2016 05:54
Madame
Comment peut on interdire une liberté au nom de la "LIBERTE" ?
Comment peut on interdire la liberté de se vêtir comme on l'entend au nom des droits de l'homme ?
Ne pensez vous pas qu'interdire le burkini, c'est avoir la même démarche que Daesh qui interdit le droit de s'habiller à sa convenance au nom d'autres lois?
Pourquoi veut on harceler les femmes qui ont choisi le burkini parce que leur choix ne nous plait pas ?
Dans les années 1930 Hitler avait aussi interdit les plages aux juifs. A vous de réfléchir madame et de répondre à ces questions.

mamudson
| 29-08-2016 23:05
...il ne peut rien vous expliquer ,madame, c'est burkinabé...du burkinifaux...ou du burkinafalse...ou du burkinrenaissance...comme burkinahdha! A quoi sert de perdre votre temps à comprendre...avec des gens qui veulent mettre le monde entier aux genoux de leurs divinités. ..?

Burkinabé
| 28-08-2016 20:10
interdire le burkini au nom de la religion de la laicite , c est donner le droit au autres d interdire le bikini des lumieres contraire a l etique et la morale islamique (que les islamophobes occidentaux et leur adeptes-perroquest tunisiens qualifieraient d obscurantistes bien entendu...)C est si simple que ca ! Les francais a l image d Isabelle la catholique et son inquisition veulent a tout prix imposer les valeurs de leur religion dite la laicite aux musulmans en France, ils y reussiront au non de leur pervertis droits de la laicité a opprimer les minorites. L Islam etant la religion du peuple et de l etat en Tunisie il n y aura pas de bikini sans burkini ! c set si simple que ca !

Tunisienne
| 25-08-2016 16:51
Vraiment désolée, Monsieur !

Merci de m'expliquer ce que vous avez voulu dire !

Cordialement

Harki
| 25-08-2016 15:57
Ne me faite pas dire ce que je n'ai pas écrit.
Cordialement

Commentateur
| 25-08-2016 14:16
La polémique sur le burkini a divisé les Français et crée un débat tendu entre français de souche et français de couleur, soi-disant laïcs et islamistes, xénophobes masqués et gauchistes. Cette tension du débat n'est pas uniquement suscitée par la question elle-même, à savoir faut-il interdire, ou non, ce vêtement considéré comme « communautaire » ? Mais, a, notamment, pour origine les événements terroristes qui ont secoué, ces dernières années, la France. Des événements attribués, à tort ou à raison, à l'Islam, qui dans l'esprit de bien des Français est synonyme de terrorisme, de haine, de rejet de l'autre et de communautarisme. Pour ces Français-là (dont la phobie de l'Islam est tout à fait compréhensible) tout ce qui se rapporte à cette religion, en particulier les signes ostentatoires, pourrait être gênant, voire agaçant. A partir de là, l'opposition au port du burkini est, pour le moins, légitime, car elle est motivée par un vécu douloureux des attentats de Nice et de Paris.
Ces Français se seraient, peut être, tromper ou auraient manqué de discernement. Mais, quoi qu'il en soit, on ne peut les blâmer pour leur réaction. Et si on tenait vraiment à les persuader qu'ils avaient tort, on devrait d'abord accueillir leur ras-le-bol, frilosité, douleur et inquiétude avec empathie.
Malheureusement, cette qualité, l'empathie, fait défaut chez d'autres Français qui partagent un point de vue opposé sur la question, en particulier chez les Français de confession musulmane dont beaucoup sont binationaux.
Ces Français binationaux, originaire du Maghreb pour la plupart, comment réagiraient-ils, si, par exemple, un groupe chrétien terroriste commettait, plus d'une fois, des attentats au Maroc, en Algérie ou en Tunisie ? Je parierai que plus de 70% auraient des réactions hostiles envers tous les Chrétiens, sans distinction, du type brûler des églises, tuer des chrétiens ou violer des chrétiennes.
Pour eux, ces « représailles » seraient justifiées, car c'est «toute la communauté des mécréants qui doit payer pour les siens qui osent s'en prendre aux chouchous d'Allah » et parce que «tout le monde et sa grand-mère doivent mourir si cela pourrait apaiser la colère des musulmans».
En France, on n'a pas fermé les mosquées, les musulmans continuent à exercer leur culte en toute liberté malgré les derniers attentats et on n'a pas jeté, non plus, les musulmans en méditerranée. Seulement, on a interdit, sur certaines plages, aux femmes de porter une tenue de bain religieuse, sous un faux prétexte de laïcité. Une tenue qui renvoie à un islam radical responsable de la mort de centaines de Français.

Tunisienne
| 25-08-2016 12:54
Monsieur Harki,

Je comprends votre propos, mais je ne suis pas sûre qu'il faille tout mettre sur le dos des gouvernants ou je ne sais qui !

Je ne suis pas sûre que les musulmans soient «persécutés» (si tel est le cas !) parce qu'ils sont musulmans, comme je ne suis pas sûre que les juifs aient gagné leur respect grâce à leurs gouvernants !

Arrêtons de nous voiler la face et essayons de nous regarder sans concessions et de voir ce qui ne marche pas chez nous ! C'est ce qui nous fera avancer !

Bonne journée

Harki
| 25-08-2016 12:03
Je vous laisse le soins de chercher.un philosophe français .michel onfray..à écrit dans le même sens .. que celine de faveri ....la France tape sur les musulmans...de quel droit partout dans le monde ....au nom de quoi ..c'est la faute de nos dirigeants qui baissent souvent leurs froques. Par ignorance et surtout par egoisme.si vous voulez que la France vous respecte.il est impératif que vos gouvernants aient le minimum de considération,pour vous les citoyens..si vos gouvernants vous laisse vivre dans une grande poubelle...c'est que vous avez touché le fond....bon courage mes compatriotes

Tunisienne
| 25-08-2016 11:11
Pourquoi sans commentaire, Madame ?

Vous devriez commenter ce que vous avez écrit ! Que signifie votre démarche ? «Si ce sont des juifs qui le disent, c'est que c'est vrai» ? Intimidation ? Culpabilisation ?

Les musulmans sont-ils «persécutés» PARCE QU'ILS sont musulmans ? Le parallèle avec les juifs peut-il vraiment être établi ?

Madame, si le sort de la communauté arabo-musulmane vous tient vraiment à c'ur, vous devriez oeuvrer à lui ouvrir les yeux et à lui faire prendre conscience de ses impostures. C'est ce qu'on fait avec les gens qu'on aime !