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Les associations, ce cheval de Troie de l'argent politique
22/10/2014 | 1
min
Les associations, ce cheval de Troie de l'argent politique
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Outre le terrorisme, l’une des plus grandes inquiétudes autour de la transparence des élections concerne les financements occultes. L’un des principaux vecteurs de ses financements est la prolifération d’associations de tous genres.
L’association tunisienne de la Gouvernance a rendu public un rapport annuel concernant le financement des associations et les failles permettant à certaines d’entre elles de prospérer dans des activités illicites. Lecture.


En dépit des gardes-fous juridiques mis en place dans la loi électorale, le risque d’atteinte à la crédibilité des élections par des financements occultes demeure non négligeable. Trop laxiste, le nouveau décret-loi de 2011 régissant les associations offre l’impunité à ceux qui enfreignent la réglementation y compris en matière de comptabilité et de déclaration de fonds. Ainsi, le nouveau cadre juridique est propice à l’introduction de l’argent suspect en politique.
De nombreuses mesures ont été mises en place pour contrôler le financement de la campagne électorale. Cinq cents experts en comptabilité, en finance et en gestion ont été mobilisés pour aider dans cette tâche, indique un responsable de l’instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE). Une équipe examinera, à cet effet, les registres des mandataires financiers, poursuit-il, ainsi que les carnets de décharge et de don. Aussi dans le même contexte, les meetings électoraux seront surveillés afin de statuer sur leur conformité avec le seuil de dépenses autorisé par la loi.

Outre cette armada d’experts, la loi accorde de larges pouvoirs à la cour des comptes qui se charge, de par ses attributions, de contrôler les ressources et les dépenses de chacune des parties qu’elle soit liste, parti ou individu. La juridiction doit également s’assurer, dans le cadre de sa mission, du respect de l’unicité du compte bancaire pour chaque partie prenante et surveiller, le cas échéant, ses mouvements. Toujours pour simplifier la tâche de cette cour, l’article 96 du code électoral oblige les banques à communiquer tout document ou information dont la cour fait la demande.

La loi électorale désigne, par ailleurs, un autre partenaire pour mener à bien cette mission. Elle confie, pour ce faire, à la Banque centrale de Tunisie le rôle de superviser l’ouverture des comptes de campagne par les mandataires financiers et de veiller, dans un souci de clarté et de transparence, à ce que chaque candidat n’en possède qu’un seul. Une condition permettant assurément un traçage plus facile de l’argent.
On pourrait supposer que la loi électorale a tout prévu, ou du moins presque, pour ne pas laisser le moindre dinar suspect se glisser dans les financements des campagnes électorales. Cependant, il existe des failles qui pourraient servir de passerelle à cet argent douteux. Il s’agit notamment du décret-loi n° 2011-88 du 24 septembre 2011 qui fixe un nouveau cadre juridique régissant les associations.

Avant de relever les aspects négatifs de ce décret et démontrer son impact sur les élections, nous nous devons de préciser un de ces principaux mérites, c’est qu’il avait donné une liberté de constitution et de gestion sans précédent à la société civile. « En remplaçant le ministère de l’Intérieur par le secrétariat général du gouvernement en tant qu’autorité responsable de la création d’une association, la nouvelle loi envoie un message significatif de suppression des pratiques coercitives à la création des associations » indique l’ATG dans son rapport annuel sur la gouvernance des associations en Tunisie.

Cependant, le nouveau décret recèle quelques dispositions tout à fait inquiétantes. Il autorise, en effet, aux associations de recevoir des fonds étrangers sans l’obligation d’obtenir l’autorisation préalable du gouvernement, chose qui, autrefois, était interdite. La seule obligation à remplir dans ce cas c’est de publier ses sources de financement ainsi que d’en informer le secrétariat du gouvernement. De plus, l’actuelle réglementation ne prévoit aucune sanction pénale ou administrative à l’encontre des membres de l’association dans l’éventualité de non-respect de la réglementation.


Etant donné que la punition est infligée uniquement à l’association et en aucun cas aux individus, la porte a été de ce fait laissée grande ouverte aux dérives. Ainsi, en l’absence de sanctions dissuasives, certains pourraient bien se permettre de briser, en toute tranquillité, les règles administratives et morales. Par conséquent, certaines associations seraient susceptibles de recevoir des financements à profusion de « mécènes » étrangers pour accomplir des actions politiques masquées.

Celles-ci n’agissent pas pour la bonne cause, mais roulent plutôt pour des partis politiques. Leur tâche ne se limite pas à encaisser l’argent. Elle inclut également le dispatching. Elles distribuent, alors, de la viande, des boites de conserve, des paquets de macaroni, des billets d’argent et, pour les amis et les plus proches, des sommes plus conséquentes pour payer des travaux de réhabilitation d’une maison. Telles des valets, elles exécutent les tâches que leurs maîtres rechignent à faire ou évitent pour ne pas se faire prendre la main dans le sac.

A ce propos, l’Association tunisienne de Gouvernance (ATG) pointe dans son rapport des dépassements en matière de déclaration des dons étrangers. « Le rapprochement entre les publications des donateurs et les publications y afférant chez les associations bénéficiaires rendent compte d’un déficit manifeste de transparence ». Le rapport ajoute plus loin que le respect de l’obligation d’information de la cour des comptes des financements publics reste limité avec environ cinq cents cas à fin août 2014. Ces données confirment les soupçons de rôle occulte joué par certaines associations et une ingérence de l’argent « sale » en politique, notamment en période d’élections du fait de son caractère décisif pour les partis.


Elyes Zammit
22/10/2014 | 1
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