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Chroniques
L'économie souterraine : Ampleur et mesures de lutte
01/08/2014 | 1
min
L'économie souterraine : Ampleur et mesures de lutte
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Par Mourad El Hattab*

L’économie souterraine est définie comme étant l'ensemble des activités économiques et financières qui se réalisent en déviation de la réglementation commerciale, pénale et fiscale ou qui échappent à la Comptabilité Nationale. Il s’agit de l'ensemble des activités qui s’écartent de la politique économique et sociale, et donc à la régulation de l'État. Toutefois, l’expérience de la Tunisie ne correspond pas précisément à cette définition normalisée.

Dans le contexte local, on présente l’économie souterraine ou non observée soit comme résultant de l’inefficacité de la réglementation et de la pression fiscale, soit comme engendrant une forte concurrence déloyale et une prime à la fraude menant à une ponction sur les ressources budgétaires de l’Etat et un facteur freinant la croissance, pour un seuil déterminé de pression fiscale et réglementaire.

Cette économie occulte a pris en Tunisie une telle amplitude au cours des dernières années qu’elle en vient à atteindre, en volume d’affaires, l’économie structurée. Plusieurs études estiment qu’elle emploie 52% de la population active, principalement, dans le commerce et les services et contribue à la formation de la valeur ajoutée économique globale à hauteur de 38% en opérant sur presque la totalité du tissu socioéconomique.

Le phénomène remonte à quarante ans et s’explique, en première ligne, par une réduction des coûts du travail suite au contournement de la législation du travail, des obligations fiscales et la montée du fléau de la contrebande. L’emploi est considéré, à ce titre, comme une question de survie pour les plus vulnérables faute d'autres choix, d’une part et comme un absorbant de l'excédent de population active, en fournissant des biens et des services aux groupes à faible revenu ou aux populations qualifiées en chômage, d’autre part.

Ampleur et contribution hypothétique au niveau de la dynamique économique

Dans le cas de notre pays, le secteur souterrain est vu du côté des critères strictement d’ordre juridique et légal et à la tenue d’une comptabilité. Selon le critère "illégal/légal", le secteur se définit comme étant l'ensemble des activités irrégulières dont l'exercice illégal constitue une fuite devant les normes fiscales, la législation du travail et le droit commercial.

Cela correspond à des activités prohibées ou des activités légales mais exercées par des personnes non autorisés à le faire. Il s'agit en somme de produire des biens et services par des structures illégales. Cependant, il peut également s’agir d'activités légales assurées par des personnes autorisées à le faire, mais qui ont des caractéristiques permettant de les classer dans le secteur non structuré. L’économie souterraine a un haut niveau d'organisation, intervient à large échelle et de manière non spécifique.

En Tunisie, cette économie est active en agissant dans le cadre d’une illégalité tolérée, du fait que ce secteur fait vivre, selon les arguments invoqués par les officiels souvent permissifs, à ce titre, plus de cent milles ménages. Une enquête réalisée par l'Institut Arabe des Chefs d'Entreprise sur les impacts macro-économiques et leurs pressions concurrentielles sur les entreprises dites formelles ou structurées, a montré que les secteurs formel et souterrain sont complètement antinomiques sur le plan du respect des réglementations de façon à ce que la fraude fiscale atteindrait aisément 50%.

Voies d’organisation et recommandations

La Tunisie a expérimenté et continue à le faire un système socio-économique d’un type hautement pervers, dans lequel un vaste secteur illégal est toléré et se substitue aux formes de protection sociale défaillantes : le secteur structuré fonctionne suivant des normes qui exigent une productivité élevée pour faire face aux réglementations multiples, aux contraintes de l’ouverture internationale, et au fardeau fiscal et social. Cependant, les recettes budgétaires et sociales sont détournées des filets de sécurité vers lesquelles elles devraient en principe être affectées.

L’économie souterraine capte alors toute la population qui ne parvient pas à respecter les normes minimales du secteur formel. Ses activités sont à productivité faible et sont principalement orientées vers les non-échangeables, mais elles permettent la survie de la population « exclue de l‘emploi formel », et elles fournissent en même temps aux salariés du secteur formel des biens et services de consommation à un prix réduit et dans une forme correspondant socialement aux coutumes traditionnelles par rapport aux prix du secteur organisé.

Par ailleurs, une lutte contre l'économie souterraine incluant les activités de contrebande, la contrefaçon et le blanchiment d'argent doit constituer un projet à dimension multiple : nationale, régionale et internationale du fait que les activités criminelles sont souvent au cœur de ce fléau et représente une menace des plus importantes en termes de sécurité intérieure et de stabilité économique.

De plus, la montée du terrorisme nécessite d’augmenter la surveillance des circuits financiers susceptibles de le financer. Les pouvoirs publics doivent prendre connaissance de ce phénomène aux multiples circonspections et prendre des mesures telles que la création d’entités de traitement du renseignement et d’action contre les circuits financiers escamotés.
L’échange fréquent et ordonné d'informations entre les administrations de l'État revêt une importance capitale.

L’élaboration des normes et la promotion de l’efficace application de mesures législatives, réglementaires et opérationnelles en la matière permet aux autorités d’engager des systèmes adéquats de veille et de surveillance afin d’exercer leurs missions autour de trois piliers principaux à savoir la régulation, la protection de la sphère économique et l’assurance de la sécurité financière.

Finalement, il est impératif de se doter de dispositifs de lutte contre le financement du terrorisme tout en se dotant de systemes d’information agréant la lutte contre le blanchiment d'argent et installés au niveau de toutes les institutions financières pour analyser les données des clients et détecter les opérations suspectes.
La collaboration avec les acteurs internationaux qui participent activement à la répression de la criminalité économique et l'exercice d'activités souterraines et l’étude des réglementations fiables applicables dans certains pays à expériences significatives dans ces domaines aideraient à mettre les jalons de cadres réglementaires appuyant les efforts des autorités nationales sur ce plan.
 
*Spécialiste en gestion des risques financiers

01/08/2014 | 1
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