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Chroniques
L’économie pour les nuls de l’ARP, et d’ailleurs
Par Marouen Achouri
12/12/2018 | 15:59
3 min
L’économie pour les nuls de l’ARP, et d’ailleurs

Par Marouen Achouri

 

Une entreprise en bonne santé paie ses impôts, dégage du bénéfice et participe à la création de richesse. Au-delà d’un certain seuil d’imposition, l’entreprise commence par arrêter d’investir en termes de création d’emploi par exemple, ensuite vire du personnel avant de penser à la fermeture ou à la fuite. Du coup, l’Etat se trouve perdant. En voulant percevoir plus d’impôts, il perd toute l’entreprise qui payait au moins quelque chose auparavant. D’où l’expression « trop d’impôt tue l’impôt ».

Ce principe économique, pourtant simple, semble échapper à une partie non négligeable de nos députés chargés de voter la Loi de finances 2019. Mais au diable la logique et les principes économiques, la tentation de mettre la cape de Robin des Bois et de jouer le rôle de celui qui prend aux « riches pour donner aux pauvres » est bien trop grande pour des députés qui baignent dans le populisme. Quand le bon sens arrive, dans certains cas, à prendre le dessus, les accusations pleuvent, de la part de ces mêmes élus, sur l’influence des lobbies et sur le fait que les autres sont de méchants vendus. L’élue Sabrine Ghoubantini a bien répondu à cela en disant qu’il ne manquerait plus que les élus de Chafik Jarraya donnent des leçons de transparence et de lutte contre la corruption.

Pour d’autres, c’est le fait de l’ignorance du fonctionnement de l’économie en général et d’une entreprise en particulier. Comment expliquer autrement que des élus aient souhaité taxer le chiffre d’affaires ? Indépendamment de la nature des entreprises ou de leur champ d’activité, taxer le chiffre d’affaires est une aberration. Une entreprise qui réalise un gros chiffre d’affaires n’est pas forcément bénéficiaire, lui imposer une taxe supplémentaire revient à signer directement son arrêt de mort.

 

Mais le populisme est tellement plus vendeur que le pragmatisme économique ! C’est pourtant pas compliqué : toute augmentation de taxes se répercutera systématiquement sur les prix. Une augmentation des taxes, surtout d’une manière aussi peu étudiée, crée quasi systématiquement de l’inflation par l’augmentation des prix. Tout comme les augmentations de salaires d’ailleurs. On parle ici de gens qui ne semblent n’avoir aucune idée de la manière dont les équilibres d’une entreprise sont tenus. Ils ignorent également la vraie situation des entreprises et la conjoncture du pays et se contentent du préjugé absurde concernant certaines entreprises qui gagnent beaucoup d’argent à leur goût.

L’avantage du populisme est que c’est un discours qui s’adresse aux émotions et qui excite les peurs. Cette logique ne peut en aucun cas s’appliquer à l’économie. Il ne s’agit pas d’un champ propice aux sentiments même s’il s’agit d’une science humaine. Cette distinction est inaccessible à un certain nombre de députés qui, devant l’aberration de leur proposition démontrée plus tard, n’hésitent pas à reculer et à retirer leurs propositions. C’est dire la conviction qu’ils ont et leur maitrise de la chose économique.

La sur-taxation au gré du bon vouloir de députés populistes rebute les investisseurs et entrave les efforts des entreprises déjà installées. Près de 500 millions de dinars de capitalisation boursière sont partis en fumée à cause de l’adoption de l’article concernant le 1%. Dans les conditions actuelles il devient bien plus avantageux pour quelqu’un qui a de l’argent de le laisser dans la banque plutôt que de tenter l’aventure de l’entreprenariat. Ceci implique qu’il n’y aura pas de création de richesse et de croissance, et donc pas de création d’emplois, avec tout ce que cela implique aux niveaux économique et social. Des députés qui votent et qui interviennent sur une loi de finances devraient maitriser au moins les rudiments du raisonnement économique. A défaut, il ne leur est pas interdit de demander conseil ou de revenir vers les structures de leur parti, s’ils en ont. Mais marquer des points politiques et se lancer dans des discours pleurnichards diffusés à la télévision est bien plus séduisant que de faire correctement leur travail.   


Par Marouen Achouri
12/12/2018 | 15:59
3 min
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Commentaires (10)

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librexp
| 16-12-2018 09:07
Les entreprises auront tendance à ne pas déclarer la totalité du CA et alimenter le marché avec de la contre bande.
Augmenter la TVA incitera aussi les fraudes à la TVA que ce soit de la part des clients qui proposent de payer moins cher en cash ou de la part des vendeurs qui sont ravis de ne pas déclarer la totalité du CA

zamharir
| 14-12-2018 11:03
C'est un conte des mille et une nuits de l'économie que nous dispense avec aplomb M. Achouri. Dans aucun pays du monde, une entreprise qui fait des bénéfices ne paie spontanément ses impôts au niveau qui est exigé par l'état et ne s'acquitte loyalement de ses devoirs envers la société : droit sociaux des travailleurs, formation etc. La preuve en est la corruption généralisée qui sévit sous tous les cieux, la prospérité des paradis fiscaux et autres phénomènes qui, s'ils sont connus depuis toujours, ont pris une plus grande ampleur sous le règne de la funeste mondialisation, basée sur l'individualisme, l'égoïsme et la cupidité, selon Stiglitz. A cette remarque d'ordre général, à laquelle n'échappe pas la majorité des "entrepreneurs" tunisiens -- tentés d'autant plus par le gain facile pour assurer leurs arrières dans le court terme, qu'ils appartiennent le plus souvent à une catégorie de commerçants fraîchement convertis et que leur position est fragilisée par l'ouverture incontrôlée du marché local - il faut ajouter qu'il n'y a rien d'iconoclaste à imposer le chiffre d'affaires d'une entreprise lorsqu'elle domicilie son bénéfice à l'étranger à l'abri de tout regard de l'administration fiscale. C'est cette méthode que les pays de l'UE explorent contre les GAFA - ces nouveaux monstres de la mondialisation -- qui s'enrichissent sur le dos des pays qu'ils soumettent sans jamais s'acquitter d'un seul sous d'impôts. Dans le cas de la Tunisie, le faux libéralisme dans lequel baigne le pays, fait de "coup de pouces" politiques dispensés aux plus proches : mon frère, mon cousin, mon voisin, au lieu d'une libre, saine et loyale concurrence entre les acteurs, selon la vulgate libérale, mérite que l'état y fourre un peu plus son nez, le plus profondèment possible, pour non seulement remettre le train sur les bons rails, mais aussi prélever sur les plus riches pour secourir les plus pauvres. C'est une condition de la cohésion nationale à l'heure du terrorisme, et c'est aussi un tribut à la solidarité que doivent consentir tous ceux qui bénéficient des avantages mis à leur disposition par l'état (infrastructures, enseignement, santé, sécurité). La Tunisie applique depuis 1970 le libéralisme économique avec le même résultat que celui enregistré ailleurs : enrichissement des plus plus riches, appauvrissement des plus pauvres et marginalisation des territoires. Avec un effet supplémentaire des plus néfastes résultant de la mondialisation sauvage : la fuite vers le "centre" capitaliste de ses compétences formées au prix fort grâce à l'impôt national, à la charge essentiellement des salariés. Il est donc temps de revoir le "paradigme" actuel pour aller vers une économie solidaire.

Microbio
| 13-12-2018 14:26
Solidarité: On peut l'apprendre de l'allemagne!
Microbio | 11-12-2018 17:59
Apprendre de l'unité allemande!

Pourquoi les Allemands paient-ils une surtaxe de solidarité (appelé Soli)?
L'introduction de la surtaxe de solidarité relie la plupart des Allemands à la réunification de l'Allemagne et aux coûts de la construction des nouveaux '?tats fédéraux. Mais il y avait une autre raison pour son introduction en 1991:
L'Allemagne avait absorbé plus de 16,9 milliards de DM des coûts engendrés par la seconde guerre du Golfe. La surtaxe de solidarité, qui était initialement limitée à un an, était destinée à couvrir ces coûts. En outre, cet argent a également aidé des pays d'Europe centrale, orientale et méridionale. Ce n'est que lorsqu'il est devenu évident que la réunification avait besoin de plus d'argent que prévu que la surtaxe de solidarité devenait un prélèvement supplémentaire destiné à financer l'unité allemande.
Initialement, le montant de la surtaxe de solidarité était de 7,5%. De 1992 à 1994, aucun soli n'a été collecté. Lorsqu'il a été réintroduit en 1995, il était de nouveau à 7,5% depuis 1998, constant à 5,5%. La question de savoir si le soli peut être réduit progressivement à partir de 2020 fait actuellement l'objet de discussions. '? l'heure actuelle, la surtaxe de solidarité contribue pour environ 13 milliards d'euros au budget fédéral chaque année, mais elle ne sert pas exclusivement à la construction de l'Est. '?tant donné que l'utilisation du soli n'est pas réservée, elle peut également être utilisée facilement pour d'autres dépenses gouvernementales.

**** Important: Les bas salaires sont libres du Soli.

liberté
| 13-12-2018 11:09
Merci pour ces éclaircissements. Toutefois, on aurait tant aimé qu'ils puissent venir d'un politicien, en l'occurrence du chef du gouvernement, qui gagnerait à parfaire la communication et à expliquer à ce peuple manipulé à outrance, les enjeux et le pourquoi des choses. Cela permettrait de calmer le jeu et d'épancher la colère d'un peuple qui patauge en pleine opacité

Nephentes
| 13-12-2018 10:16
"Ijhal msiba" disaient les anciens.

Le problème de l'incompétence des "responsables" et acteurs intervenants dans le domaine de l'intérêt général en Tunisie est un problème fondamental, central.

Des institutions telles que l'ENA, l'Ecole Normale, l'Ecole des Finances, L'Ecole de la Magistrature ont fournit pourtant dans les années 70 et 80 des cohortes de commis de l'Etat capable de gérer la chose publique.

Mais l'arrivée au pouvoir du truand du mossad a été un massacre pour le developpement du savoir et des compétences en Tunisie.

Il en résulte généralement aujourd'hui un ramassis d'idiots irresponsables et malhonnêtes priorisant leurs intérêts personnels au détriment de l'avenir du pays;

Pourtant, si l'on effectue le recensement des hautes compétences exilées à l'étranger, on s'apercevra que nombre de Tunisiens bénéficient de capacités à piloter un cadre de gouvernance administrative et des politiques publiques efficaces.

A un moment où c'est véritablement la survie de la Tunisie qui se joue.

Il n'y aura pas de seconde chance

Réveillons nous
| 13-12-2018 09:38
Un grand titre, un article discours, ils résument et exposent la triste réalité et montrent subtilement son antithèse..

DHEJ
| 12-12-2018 19:50
Incapables de formuler le débit fiscal en fonction de la pression fiscale...eux qui veulent maximiser les ressources du budget de l'état.

P=1/2 Ro Cz V Q

D'où débit fiscal

Q= K P/V

Va comprendre

AH
| 12-12-2018 19:11
que toute "entreprise en bonne santé paie ses impôts, dégage du bénéfice et participe à la création de richesse". c'est votre hypothèse de base.

Si c'était le cas et l'impôt bien dépensé, le pays serait totalement différent avec les taux élevés que les salariés et les entreprises subissent.



Ali Baba
| 12-12-2018 18:57
nous y sommes ! le gouvernement et les députés se renvoient désormais la balle , parfois par journalistes interposés ; le projet de lois des finances est pourtant l'oeuvre du premier, et les seconds, se chargent le plus souvent de l'adopter, il est vrai généralement sans en comprendre la portée des articles. Les choix de l'ARP obéissent à leur propre logique, qui n'est le plus souvent pas de résoudre les problèmes du pays.Comme d'ailleurs ceux du gouvernement !

Jilani
| 12-12-2018 18:00
Ces députés de Nida et achetés par Nida (ceux de l'upl) et même les députés du FP se sont ralliés au clan mafieux du vieux renard. Leur seul but est de faire tomber YC et le gvt. Lancer de fausses déclarations comme celle de non taxer les grandes surfaces alors qu'il s'agit d'un report de l'augmentation d'impôt de 25 à 35% et déjà c'est trop, ou celle du fond d'indemnisation où l'?tat a versé 600 MD alors que c'est très en deçà 10 MD seulement. Tout cela pour enflammer l'opinion publique soi-disant les lobbies sont derrière ces décisions et que c'est eux qui financent les grands partis. Ils veulent que le mois de janvier sera plus chaud et aboutira à la destitution de YC. Les députés comme ce fertiti ou toubel le savent, ils sont les mercenaires du vieux renard et ont été payés pour ça.