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Le temps du pèlerinage à Damas
07/08/2017 | 19:59
5 min
Le temps du pèlerinage à Damas

Au moins deux délégations de députés et des représentants de l’UGTT sont allés récemment en Syrie en visites officielles. L’évolution de la situation géopolitique régionale a favorisé ce type de visites pour des représentants tunisiens. Ces derniers en tirent également un positionnement politique sans équivoque qui est loin de plaire à tout le monde.

 

« Séance de travail avec les renseignements syriens et entretien avec des détenus tunisiens. Je ne peux vous en dire plus malheureusement mes amis même s’il y a beaucoup à dire !!!! ». C’est par cette tirade laconique qu’a débuté la journée du 7 août 2017. L’auteur est la députée Leila Chettaoui, actuellement en visite en Syrie en compagnie d’une délégation d’élus. Membre de la commission d’enquête chargée d’investiguer autour des jeunes qui ont voyagé dans les zones de tension, nul doute que l’élue Machrouû Tounes trouvera des mines d’informations au pays de Bachar Al Assad.

 

Mais les visites en Syrie de délégations officielles tunisiennes n’ont pas toujours eu de telles motivations. Celle qui a sans doute agité le plus l’opinion publique tunisienne est celle effectuée par 29 représentants de la centrale syndicale avec à leur tête le secrétaire général adjoint, Bouali Mbarki. Comme pour aggraver leur cas, les représentants syndicaux se sont autorisés un tête-à-tête avec le président syrien, Bachar Al Assad.

 

Plusieurs activistes de la société civile tunisienne se sont indignés de voir des membres de la centrale syndicale, détentrice du Nobel de la paix 2015, s’acoquiner avec ce qu’ils estiment être un régime sanguinaire et dictatorial. Il est vrai que les critiques visant l’UGTT proviennent d’un camp idéologique clair, incluant les supporters d’Erdogan et les sympathisants du Qatar. Toutefois, la visite de membres de l’UGTT en Syrie représente un message politique fort et pourrait représenter un des prémices d’une reprise des relations diplomatiques avec la Syrie.

C’est d’ailleurs l’un des objectifs avoués et assumés par les représentants de l’UGTT lors de leur visite. Le secrétaire général adjoint de l’UGTT, Bouali Mbarki, s’en est longuement expliqué lors de son passage le 7 août 2017 sur Express FM. Il a précisé que le fait même que cette visite déclenche autant de réactions au niveau national et international est l’un de ses objectifs puisque cela participe à casser le « blocus » médiatique dont est victime la Syrie. Il a également déclaré que « la rupture des relations avec la Syrie est venue dans un contexte particulier, pour un agenda particulier, sous certaines pressions internationales. C’était une décision unilatérale erronée, une position qui ne correspond pas à l’avis de la rue tunisienne ». Concernant la fronde qui a suivi la visite en Syrie, Bouali Mbarki a déclaré que les gens qui s’y sont opposés sont « connus pour leur allégeance aux groupes qui ont déclaré la guerre à la Syrie ». Il a poursuivi en disant que ceux qui s’opposent à cette visite se mettent du côté des groupes terroristes salafistes et de ceux qui les financent. Il a précisé que la visite était pour l’Etat syrien et non pour la personne de Bachar Al Assad.

 

Le secrétaire général adjoint de l’UGTT a également précisé qu’il était important de renouer avec l’Etat syrien et surtout avec ses services de sécurité car les terroristes qui se trouvent dans ce pays sont dans une position difficile qui poussera plusieurs d’entre eux à revenir chez eux. Ceci implique donc la Tunisie qui doit, selon lui, se préparer de manière optimale au retour de plusieurs éléments terroristes, et cette préparation ne peut se faire si l’on n’entretient pas de relations normalisées avec l’Etat syrien. Il a également tenu à souligner que l’UGTT ne remplace pas la diplomatie tunisienne mais qu’ils se contenteront de transmettre au ministre des Affaires étrangères l’ensemble de ce qu’ils ont constaté sur place et « la décision de rétablir un ambassadeur en Syrie appartient uniquement au président de la République ».

Comme pour enfoncer le clou, le président syrien Bachar Al Assad a reçu ce matin du 7 août, pendant près de deux heures, la délégation parlementaire tunisienne en visite dans son pays. D’après l’agence officielle SANA, le président syrien a salué la vitalité de la société tunisienne exprimée par les visites qu’effectuent les délégations tunisiennes en Syrie. Une phrase qui sonne comme un pied-de-nez adressé à ceux qui militent pour isoler la Syrie et surtout, son président. En face, les députés tunisiens ont « affirmé leur disposition à réactiver le travail pour une plus grande coordination entre les parlementaires tunisiens et syriens dans tous les domaines ».

 

Toutefois, force est de constater que les visites en Syrie, qu’elles soient faites par des parlementaires ou par des syndicalistes, deviennent des marqueurs idéologiques importants. Ainsi, il n’est pas étonnant de voir que les visites de ce genre sont conduites par des personnes d’obédience nationaliste arabe à l’instar de M’barka Brahmi, présente dans les deux délégations parlementaires qui sont allées en Syrie. Un marqueur idéologique qui sert à les distinguer des réminiscences du défunt CPR et de la position laconique d’Ennahdha concernant cette question. Ainsi, le parti islamiste, sentant le vent géopolitique international tourner, ne peut plus se permettre le luxe de prises de positions ostentatoires sur la question syrienne.

Cette pression engendrée par la succession de visites en Syrie a vite fait de déclencher une salve d’insultes et de critiques visant aussi bien les parlementaires que les syndicalistes, coupables d’avoir dialogué avec le régime syrien.

 

Les relations de la Tunisie avec la Syrie peuvent s’envisager de deux points de vue. Un point de vue qui consiste à juger, en observateur extérieur, la situation syrienne et de s’aligner sur une position internationale chancelante qui peut conduire à organiser un « sommet des amis de la Syrie » sur le territoire tunisien. Un autre point de vue consiste à garder une certaine neutralité, comme le veut la tradition diplomatique tunisienne, et à privilégier le pragmatisme et les intérêts tunisiens dispersés entre une diaspora tunisienne en Syrie abandonnée à son sort et le risque non négligeable de retour de terroristes aguerris au pays. Entre les deux, c’est la raison qui doit trancher.

 

Marouen Achouri 

07/08/2017 | 19:59
5 min
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Commentaires (8)

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CONQUERANT
| 09-08-2017 09:18
Même si les mots ont toujours un sens particulièrement dans le lexique international. Au titre de la Syrie, peu importe le vocable utilisé dans cet article : pèlerinage, voyage initiatique, retour vers le futur, l'essentiel reste inchangé. Car, ce qui compte après une débâcle de cette nature c'est la remobilisation pour renouer le dialogue avec un pays qui a résisté au plus gigantesque massacre de tous les temps.
Pour ma part, je n'hésiterai pas à parler d'un holocauste non seulement vis-à-vis des populations lapidées, égorgées ou déportées qui ont payé un prix fort à la géostratégie, à la vilénie et à la trahison mais aussi aux symboles, témoins multimillénaires, de leurs civilisations qui ont fécondé tant de cultures et nombre d'esprits.
On ne refera pas le monde, il y eut les démolisseurs, mais il y eut aussi les constructeurs.
Il y eut les nihilistes et il y eut les légalistes.
Il y a les anarchistes et il y aura les refondateurs.
L'histoire a toujours cheminé entre ces deux pôles aux antipodes.
En tous les cas merci aux organisations syndicale et parlementaire d'avoir entrepris ce que les politiques frileux et veules n'ont pas osé.
Où que l'on regarde on constatera que ce sont toujours les minorités qui font l'histoire, nonobstant les obstacles rencontrés.
On ne subit pas justement son chemin de Damas (Allusion à Paul de Tarse qui persécuta les chrétiens, devint aveugle sur le chemin de Damas, mais recouvrit la vue à la suite de sa conversion). On choisit son CHEMIN de Damas. Une mention particulière doit être décernée à ces syndicalistes et parlementaires Tunisiens qui n'y sont pas allés en hérétiques persécuteurs ou en aveugles cherchant leur graal mais, en citoyens courageux bien conscients de la réalité de ce qui s'est tramé depuis 2011 par la propagande frériste.
Quelle que soit la focale privilégiée on doit, toutefois, concéder qu'il y aura toujours de la marge entre le pays légal, lent à se mettre en route, et le pays réel soucieux de faire prévaloir la vérité en dehors de toutes contingences.
Ces Tunisiens-voyageurs-pèlerins représentent le pays réel.
L'actualité internationale change les objectifs aussi. Merci donc aux Tunisiens, quelle que soit leur condition intrinsèque, de ne pas avoir manqué le train de l'histoire qui se fait sous leurs yeux.

kamel
| 09-08-2017 07:35
Tout le monde oublie que la revolution Syrienne etait au debut pacifique , les Syriens aspiraient it a plus de liberte et de democracie. le Regime syrien au lieu de s ouvrir a utilise la force et a utilser les barils explosifs contre des civils innocent .Tous les organisations internationales de protection droits de l homme ont denonce les barbaries de ce regime criminels sauf bien sur une partie de nos intellectuels aveugles par leur ideologie. ayez un peu de respects pour les victimes de la barbarie .on peut etre contre les islamistes et c'est legitime mais supporter un dictateur sanguinaire c'est incroyable .

Hathat
| 08-08-2017 14:17
Je comprends la frustration des islamistes qui ont beaucoup misé sur le renversement d'Assad.
Maintenant, le vent a tourné et les islamises doivent adhérer à cette nouvelle situation géopolitique, autrement, ils seront encore plus isolés.

kameleon78
| 08-08-2017 12:46
Vous auriez dû mettre comme titre : "Le Chemin de Damas" qui est relaté dans la Bible (conversion de Saint-Paul au christianisme partant de Jerusalem à Damas), et qui est devenue une expression courante, chacun cherche son "Chemin de Damas". Nos hommes (ou femmes politiques) cherchent leur chemin de Damas en allant rencontrer Bachar Al Assad, chacun selon ses convictions politiques et son idéologie, mais on doit chercher avant tout l'intérêt de la Tunisie à savoir nous débarrasser des "Frères Musulmans" et de leur mainmise sur le pays via Erdogan et le Qatar avec leurs agents nocifs Marzouki, Ghannouchi etc... Mais le plus important c'est qu'on avance dans la recherche de la vérité concernant l'envoi de nos "terroristes" en Syrie qui a donné à la Tunisie une sale réputation à l'étranger, le premier pays fournisseurs de terroristes.

MT
| 08-08-2017 09:28
Il ne faut pas se moquer,nous avons vu partir l'Iraq,la Libye n'est pas loin,le jour où la Syrie tombe,le Gourou,ici nous dévore en un jour!il nous guette et il a envie de nous sauter dessus mais il n'a pas encore trouvé la façon le plus simple!

Moha Le Fou
| 08-08-2017 00:10
Ceux qui incriminent Bachar Al-Assad sur la base qu'il est un dictateur et un bourreau, j'espère qu'ils regardent les pratiques leurs idoles politiques et conclure si leurs idoles sont moins dictatoriaux et moins sanguinaires. J'appelle aussi les nahdhaouis et leur Président droit-de-l'hommiste marzouki à regarder ce que la Tunisie durant leur règne surréaliste. Maintenant, tous les masques sont tombés. Ni les discours américains, ou français ou britanniques ou turques ou qataris ni les leçons des Abdelfattah Mourou @ Co et leurs vassaux nidaistes ne convaincra personne. Je soutiens Bachar et souhaite le voir encore Chef de l'Etat Syrien jusqu'à ce qu'il mette fin aux ennemis de la Syrie...

veritas
| 07-08-2017 21:30
Le pèlerinage chez le wahabite est plus que bidon ,la licence de la Mecque est propriété des anglo-saxons meme la recette du pèlerinage leur revient de pleint droit .

Abdo
| 07-08-2017 21:30
le pèlerinage à Damas coïncide avec le pèlerinage à la Mecque.
Le problème qu'ils continuent à prendre les tunisiens pour idiots eu égard les objectifs recherchés par ces visites, soutien du régime Syrien ou recherche de la vérité des transferts des tunisiens en Syrie.
* des tunisiens dans les prisons syriens: arrêtés pour entrée dans le territoire syrien illégalement sans participation effective dans le conflit;
* des tunisiens partis en Syrie pour être au service des organisations terroristes: implication des partis Ennahdha et CPR à travers des ONG liées;
* des tunisiens partis en Syrie pour être au service du régime syrien (Division Mohamed Brahmi): implication du front populaire à travers les composantes d'obédience nationaliste arabe.