alexametrics
vendredi 19 avril 2024
Heure de Tunis : 04:29
Chroniques
Le sefsari est le nouveau bikini !
Par Synda Tajine
02/10/2014 | 15:59
4 min
Le sefsari est le nouveau bikini !

Par Synda Tajine

Une vidéo postée il y a quelques jours sur les réseaux sociaux m’a réellement fait réfléchir. On y voit des femmes héler des hommes dans la rue pour les draguer. Au lieu des phrases habituelles, généralement prononcées par les hommes pour vanter, de manière si élégante, les charmes de leurs concitoyennes, les femmes appellent ici à de l’engagement, à des relations stables, à une vie de famille… et à une meilleure couverture sociale. Certes cette charmante parodie des grossiers accostages masculins dans les rues a été filmée dans un pays anglophone, mais dans nos contrées à nous, les choses ne sont pas bien différentes. La femme est cet être bizarre et incompréhensible qui rêve d’avoir des enfants et une famille mais qui milite pour l’avortement et la contraception. Cet être contradictoire qui reste attaché à ses tâches domestiques mais qui ambitionne d’avoir une carrière. Ce personnage schizophrène qui appelle à la galanterie et aux bonnes manières mais qui défend un simulacre de liberté appelé égalité. Cette hypocrite qui souhaiterait être sexuellement libérée mais qui se fait « revirginiser » en douce. Mais pourquoi s’étonner, ce ne sont que des femmes après tout !
Cette phrase célèbre, je l’ai certainement entendue quelque part. Est-ce l’ex-candidat à la présidentielle, le tristement célèbre Bahri Jelassi, qui appelle à marier des filles pubères de 13 ans ? Est-ce ce prédicateur fou, Adel Almi, ex-candidat à la présidentielle, qui a soutenu en bon scientifique de la 25ème heure que la polygamie était le meilleur moyen de guérir du cancer du col de l’utérus ? Certainement pas. Il ne s’agit que de Béji Caïd Essebsi, président du principal parti de l’opposition « démocratique et moderniste ». C’est cet actuel candidat à la présidentielle qui a dit ça, sur la télé nationale, à une heure de grande audience.

Force est de reconnaître que dans la sphère, tout aussi étrange de la politique, la femme demeure cet oiseau rare, bizarre et insaisissable. Dans cette déferlante de Mohamed, de Kamel, de Béji, de Mustapha, de Noureddine, de Abderrahim, de Abderrazek et autres prénoms à rallonge, un seul Kalthoum brille timidement au milieu de cette masse de testostérone. Kathoum Kannou a été la seule survivante de la guerre à la présidentielle. Les autres candidates brushinguées et perchées sur talons hauts ont été moquées et dénigrées…pour toutes sortes de choses qui n’ont visiblement rien à voir de près ou de loin avec la politique. Que connait-on de la « botoxée » Leila Hammami hormis quelques propos racistes postés la toile…et hormis son penchant prononcé pour les mixtures anti-âge ? Qu’a-t-on dit sur Emna Mansour Karoui ou Cherifa Ammar ? Ont-elles été invitées sur les plateaux Tv pour parler de leurs programmes…inexistants ? Leurs propos ont-ils été décortiqués par des journalistes en mal de sensationnalisme ? Près de 70 personnalités tunisiennes de tous bords se sont rués vers les bureaux de l’ISIE pour déposer leurs dossiers de candidatures. On a beau chercher parmi eux des visages féminins qui se seraient aventurés dans la cage aux lions. Mais pas plus que 4 femmes ont osé ce pari fou. Aucune d’entre elles ne sera présentée comme un candidat sérieux dont il faut se méfier, et aucune ne fera partie des sondages mirobolants qu’on dresse par-ci par-là. Mais que voulez-vous, ce ne sont que des femmes après tout !

Dans cette politique, où le progressisme est brandi par des personnes qui n’en comprennent rien, où le sefsari est devenu ce que le bikini était dans les années 30 et où des métiers restent réservés aux hommes, ce genre de propos ne choque plus. Lorsqu’un homme, et qui de plus est un politique très en vue, se confond en sexisme et ose des anecdotes moyenâgeuses à faire pâlir d’envie les historiens, on ne dit rien. Ce n’est que de la galanterie après tout, refuser de répondre à une femme, c’est la respecter. C’est lui éviter le désagrément, ô combien désagréable, de devoir argumenter face à un homme, et donc, d’être placée à un pied d’égalité.


Dans cette politique où les anecdotes et les plaisanteries tournent autours des ouliyya (les saints), où
les « grands-hommes » appellent à ce que les quarantenaires et plus soient mariées en masse, où la polygamie et pédophilie se muent en arguments de vente, au diable Constitution, au diable Code du statut personnel, au diable combats féminins, au diable luttes quotidiennes des femmes pour une vie meilleure ! Femmes, vous n’êtes que des ouléya (bonne femme), et le sefsari sera votre meilleur ami !

A lire également : BCE répond à Mehrezia Laâbidi : Ce n’est qu’une femme après tout

Par Synda Tajine
02/10/2014 | 15:59
4 min
Suivez-nous