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Tribunes
Le retour de la terreur
02/03/2018 | 15:18
4 min
 Le retour de la terreur

Par Hédi Ben Abbes

 

 

Non, il ne s’agit pas de répression, ni de retour de l’ancien régime, ni même de l’insécurité sous toutes ses formes dont il sera question dans ce texte. Ce titre évoque le retour de la véritable terreur, celle qui condamne tout un peuple à la perdition.

 

J’emprunte ce titre à J.F. Lyotard (La Condition postmoderne) dans sa description du postmodernisme avec ce qu’il implique comme culpabilité, inconsistance, et surtout déconstruction des valeurs culturelles et morales. C’est de cette déconstruction des valeurs dont il est question et qui pourrait expliquer le désarroi du peuple tunisien face à lui-même et face à la pseudo-élite qui le gouverne.

 

Cherté de la vie, paupérisation de la classe moyenne, conditions sociales déplorables, délabrement de l’Etat, violence sous toutes ses formes, malhonnêteté, incompétence à tous les étages, absence totale de projet pour le pays, ne sont que quelques manifestations extérieures d’un mal bien plus profond et bien plus incurable à savoir cette déconstruction des valeurs culturelles et morales.

 

Depuis 30 ans, nous assistons à un détricotage systématique des valeurs qui ont toujours caractérisé la Tunisie. Parmi ces valeurs culturelles et morales, je vais citer quelques unes qui pourraient expliquer ce que Maghreb Intelligence désigne par la « clauchardisation de la Tunisie ! ». A commencer par l’ouverture sur le monde, la recherche de compromis, la solidarité, la culture de la paix civile et la joie de vivre dont elle est consubstantielle, la responsabilité et la valorisation du savoir.

Je vais m’arrêter sur cette dernière valeur qui est le « savoir » et ses corollaires comme, la compétence, le savoir-vivre et savoir-faire, l’efficacité technique, ou encore l’intelligence sociale.

 

Aujourd’hui, le système mis en place par les gouvernements successifs et bien confirmé par les derniers locataires de Carthage, consiste à accorder des primes à l’incompétence, à valoriser les médiocres pour pouvoir « briller » comparativement, à instaurer une concurrence par le bas. Il semblerait que le comportement de voyous, la roublardise, les techniques des coups bas seraient les nouvelles « valeurs ». Si on ajoute à cette catégorie d’individus, les incompétents dociles, ceux qui adorent la servitude volontaire comme dirait La Boétie, on aura alors un tableau complet de ce que veut dire le délabrement de l’Etat.

Ce qui est affligeant, c’est de constater que cette manière de faire a conduit le pays vers cette « clauchardisation » et malgré cela, on persiste et on signe. On continue à administrer au peuple le même « potiones » létal jusqu’à la destruction totale. Inconscience ou suicide collectif, dans les deux cas c’est très grave.

 

A ceux qui n’ont toujours pas compris, la Tunisie vit une véritable crise politique et une dramatique crise de responsabilité. Il n’y a aucun courage politique, et aucun sens de la responsabilité, sans ces deux qualités indispensables à la gestion des affaires publiques, on ne peut que sombrer dans le gouffre du gouffre !

La Tunisie est rongée par trois maux quasiment incurables : le manque de patriotisme, l’hypertrophie des ego et l’incompétence. Cela se vérifie à tous les niveaux sans exception. Pour le manque de patriotisme, il est évident que si un hypothétique ennemi voulait détruire notre pays, il n’aurait pas aussi bien réussi que nous-mêmes !  S’agissant de l’hypertrophie des ego, et son corollaire la mégalomanie, il suffit de constater comment chaque tunisien croit qu’il est plus malin que les autres et de voir le nombre de personnes qui ont créé des partis politiques croyant qu’elles sont mieux placées que les autres, plus intelligentes et méritent d’être « chef », pour s’en rendre compte très vite ! quelle misère ! quel manque d’intelligence et qu’elle faiblesse d’esprit !Quant à l’incompétence, on a touché réellement le fond aussi bien dans notre système éducatif, notre administration et bien entendu chez le personnel politique.

 

Je mets au défi toute la classe politique de définir ce que c’est « gouverner », ce qu’est « la gestion des affaires publiques » et ce qu’elle implique comme responsabilités ;de définir ce qu’est l’Etat et ses institutions et comment ces dernières doivent s’articuler. La raison à cela tient tout simplement au fait que cela ne les intéresse pas.C’est le dernier de leurs soucis. Ce qui les intéresse c’est comment réussir à trouver des raccourcis pour accéder au pouvoir même sur le cadavre de la Tunisie. Pour ce faire ils comptent tous sur les fausses alliances, sur le facteur chance, sur les coups bas, sur tous les moyens y compris les plus viles pour y arriver. Tout sauf le chemin le plus sûr à savoir :servir l’intérêt général. Et pour cause, cela implique la prise de risque, la volonté de servir et d’être utile avant d’être important, d’avoir des compétences avérées, d’aimer ce pays jusqu’au tréfond de soi, chevillé au corps, d’être prêt à donner sans attendre de retour, d’avoir une vision, un programme et une méthode de travail, de valoriser les règles démocratiques (collégialité et alternance) aussi bien à l’intérieur de leur « parti-boutique » qu’à l’extérieur.

Nous sommes, hélas, très loin de cet état d’esprit. La Tunisie va encore souffrir et traverser bien des périples, à moins que quelques jeunes personnes, mues par l’amour du pays, compétentes et courageuses, immunisées contre le virus de la mégalomanie et de l’égoïsme, ne s’organisent et ne prennent consciences de leur responsabilité envers ce pays et envers les générations à venir. A bon entendeur salut !

 

02/03/2018 | 15:18
4 min
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Commentaires (26)

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Kane
| 10-03-2018 08:08
Bravo pour cet article et la bonne analyse de l'auteur. Ce qui est intéressant c'est qu'un syrien, un algérien, un égyptien ou n'importe quel arabe du golfe ou d'ailleurs peut s'y reconnaître.

FETHI OTHMEN
| 06-03-2018 13:57
BIEN DIT SI Hédi Ben Abbes

EL OUAFY Y
| 04-03-2018 20:30
Si Mourad Trabelsi, est un prisonnier.
L'??ancien président Seddam Hséyne a été exécuté à l'??occasion de l'??Aid El Kebir dans une prison terrible qui la construire lui même.
Le Président Maamar Kaddafi était liquidé physiquement en plein jour d'??une manière tragique non humanitaire.
On dit en arabe ( lima khraje min edounya ma khraje min akaybha ) .
Je vois que l'emprisonnement de Trablsy ce n'est pas un événement important ce n'est pas lui qui est en prison il y a des millions.

Abbes mehdi
| 04-03-2018 20:23
La démocratie est un chantier énorme et malheureusement on est au tout début, il y tant a faire pour encore des générations, mais la première chose a faire c'est de litter contre la corruption qui gangrène tous les secteurs de la en Tunisie, sans cela nous allons vers une mafiasisation du pays qui plongera alors dans les abîmes.

bouri
| 04-03-2018 07:59
bien avoir résumé clairement la situation


N. Kahlaoui
| 04-03-2018 04:25
On ne peut mieux dire.

Rina
| 03-03-2018 19:05
mr Abbes a un diplôme de droit et science politique il préfère écrire avec son c'?ur pour parler à ses compatriotes et au grand public. Le scientifique il le fait avec ses étudiants.
Les tunisiens gagneraient à parler avec leur c'?ur au lieu de takhdim el mokh

Xept
| 03-03-2018 18:41
Ce sont les titres de deux ouvrages de Michel Crozier sociologue français. Ces intitulés résument avec précision la situation de notre pays.

Dr. Jamel Tazarki
| 03-03-2018 18:38
Je repends de nouveau la conclusion de Mr. Hédi Ben Abbes dans l'??article ci-dessus: "La Tunisie va encore souffrir et traverser bien des périples, à moins que quelques jeunes personnes, mues par l'??amour du pays, compétentes et courageuses, immunisées contre le virus de la mégalomanie et de l'??égoïsme, ne s'??organisent et ne prennent consciences de leur responsabilité envers ce pays et envers les générations à venir"

===> C'??est irrationnel d'??attendre/espérer l'??arrivée du promis vertueux, patriotique, parfait et correcte qui résoudrait tous nos problèmes socio-économiques! C'??est même fatal!

Non, il faut corriger le système et la constitution afin de résoudre nos problèmes socio-économiques et non pas attendre l'??arrivée du promis vertueux et parfait.



A mon avis, Tous les êtres créés sont corruptibles, même vous et moi et y compris nos religieux sans exception. Mais de tous les êtres créés corruptibles, l'??homme est le seul à être perfectible (à l'??exception des malades mentaux). Et pour que l'??intelligence de sa perfectibilité l'??emporte constamment sur la condition de sa corruptibilité, il faut améliorer le système et lutter contre la faiblesse du cadre juridique/constitutionnel, lutter contre l'??impuissance de la presse et l'??absence de contrôle démocratique qui sont en train de permettre à de nouveaux privilégiés d'??abuser du système.

Très Cordialement

Jamel Tazarki

Mounir
| 03-03-2018 17:54
pourquoi l'article de Hédi Ben Abbes n'est pas rationnel? C'est quoi un article rationnel pour vous?