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Chroniques
Le plus grand corrompu, c'est l'Etat !
27/06/2017 | 16:00
6 min

 

Joyeux aïd à tous ceux qui le célèbrent et bon courage pour le reste. Il a beau être une fête religieuse, Aïd El Fitr qui clôt le mois du jeûne ramadan, demeure une célébration traditionnelle et culturelle. Comme on n’a pas besoin d’être chrétien pour célébrer Noël ou la Saint Sylvestre, il n’est nul besoin d’être musulman pour se mettre sur son 31 le jour de l’aïd, aller voir la famille et donner la fameuse « mahba » aux enfants. 

A l’occasion, des vacanciers ont signalé que la police de Hammamet est allée faire le tour de certains restaurants et bars qui servent de l’alcool au lendemain de l’aïd, pour seule fin d’y interdire la vente. Ces policiers gagneraient à lire l’article 6 de la constitution et à laisser les citoyens vivre tranquillement. Jusqu’à nouvel ordre, ils sont juste des représentants de l’autorité publique et non ceux du Bon Dieu qui, du reste, n’a nommé personne pour parler en son nom.

Il se trouve qu’en appliquant la prohibition à l’échelle régionale, ces représentants des autorités ne font qu’ouvrir la porte au marché noir et au commerce illicite d’alcool. C’est peut-être ça qu’ils veulent ?

 

Cette politique de prohibition a commencé sous Ben Ali. Elle est périodique et régionale. Il est ainsi interdit de vendre l’alcool durant les fêtes religieuses, le vendredi et le ramadan. Il est également interdit d’en vendre dans les quartiers résidentiels. Sauf s’ils ont des commerçants au noir dans le quartier, tous ceux qui habitent loin des centres-villes se trouvent obligés à se déplacer des kilomètres, voire des dizaines de kilomètres, pour en acheter ou en consommer. Porte ouverte au marché noir, à l’informel et à la criminalité. Parce que quand tu vas au centre-ville pour « t’abreuver », tu es obligé de finir rapidement avant la fermeture du bar. Du coup, tu consommes beaucoup plus en beaucoup moins de temps. Tu es obligé ensuite de prendre les transports publics en étant éméché avec tout ce que cela suppose comme agacement pour les autres ou, pire, prendre le volant avec tout ce que cela suppose comme danger.

Partout dans le monde, l’alcool se vend dans les brasseries et les petits commerces sans que cela dérange. Pareil en Tunisie où jusqu’aux années 1980, on pouvait boire son verre sur la terrasse de l’avenue Habib Bourguiba sans que personne ne soit heurté.

Une licence, une simple licence est en train d’empoisonner l’existence de milliers de gens et pousser au crime des centaines d’autres. Que l’Etat lève sa main sur notre quotidien, il n’est pas de son rôle de veiller aux destinées des citoyens.

 

Sauf que l’Etat ne veut pas lever sa main et pour cause. Ses représentants ont tout à gagner que les choses demeurent telles qu’elles. Le vendeur d’alcool au noir est une excellente source de délation pour la police locale avec qui il pourrait partager ses dividendes.   Le « fournisseur » de licences a également beaucoup à gagner puisqu’il peut racketter les bénéficiaires. Une licence d’alcool, ça vaut des centaines de milliers de dinars, parait-il. Avant 2011, c’est Ben Ali en personne qui autorisait untel à bénéficier de la « licence touristique » et pas un autre.

Une révolution et une constitution après, il est temps que cela change. Ce système a perduré et a montré ses limites. Pire, il a montré son cynisme avec ce qu’il engendre comme conséquences fâcheuses.

Derniers en date à en faire les frais, cette dame et son fils qui ont donné à l’animateur Samir El Wafi quelque 800.000 dinars (2250 fois le SMIG) pour leur ramener une licence.

L’animateur est en prison et sa position est difficilement défendable vu qu’il est récidiviste. La dame et son fils sont en liberté incompréhensible puisqu’ils sont également coupables au regard strict de la loi. Un ancien ministre serait également impliqué, parait-il. Ce qui n’étonne personne. Quand on donne à un ministre la possibilité de « gagner » autant d’argent pour une toute petite signature qui « ne fait de mal à personne », il est difficile de résister. C’est à cette tentation du diable que les actuels législateurs devraient mettre un terme, si l’on veut sincèrement en finir avec la corruption. Il se trouve que nos législateurs eux-mêmes sont suspectés de corruption. Ce n’est pas sur eux qu’on pourrait compter pour mettre fin aux points de genèse de la corruption.

 

Après Samir El Wafi, la guerre contre la corruption a fait tomber la semaine dernière un directeur de prison et l’homme d’affaires Khaled Kobbi. Ce dernier est accusé d’avoir soudoyé le premier, quand il était en détention en 2012, pour pouvoir faire marcher ses affaires. A la tête de plusieurs entreprises et responsable de centaines d’emplois, Khaled Kobbi pouvait difficilement résister à cette occasion de continuer à gérer ses affaires en contrepartie d’un quelconque montant à donner au fonctionnaire. « Ils ne font de mal à personne après tout ». Tout le mal est là, justement, car beaucoup de corrupteurs et de corrompus ne se rendent pas compte du mal qu’ils font à la société entière par leurs agissements.

Sauf que voilà, ici aussi, corrupteur et corrompu ont été tentés par le diable. A l’époque, Khaled Kobbi  était prévenu et attendait, derrière les barreaux, son procès.  Dans un pays qui se respecte, un pareil individu dont la culpabilité n’a pas encore été avérée, n’aurait pas dû mettre les pieds en prison. Quand bien même elle serait avérée, il aurait dû s’en tirer avec une amende (grosse ou petite), car la société n’a rien à gagner de voir un citoyen en prison. C’est même tout le contraire, car sa détention met en danger des centaines d’emploi et prive l’Etat de recettes conséquentes. Des peines de substitution ou de très grosses amendes calculées en fonction du « poids » de chacun valent nettement mieux qu’une détention.

A cause de politiques désastreuses cumulées tout au long des décennies, on se trouve en train de pousser au crime plein de citoyens. Cela commence par le petit automobiliste qui, faute de parking, gare sa voiture en stationnement interdit jusqu’aux richards qui paient des milliards pour obtenir une autorisation à laquelle ils auraient dû avoir droit sans problème.

 

Nouvel épisode dans la guerre contre la corruption, l’affaire Chafik Jarraya. L’un de ses avocats a eu accès au dossier et pu avoir connaissance de ce dont est accusé son client. Le tribunal militaire a refusé, dans un premier temps, de permettre aux avocats l’accès au dossier ce qui est contraire aux droits basiques des justiciables. Une polémique après, le juge a accepté d’accéder à la demande sous réserve de respect du secret de l’instruction.

L’avocat a cependant fait fi de la condition et a déballé à quelques médias plusieurs secrets de cette instruction allant jusqu’à dévoiler le nom du témoin ayant fait tomber Chafik Jarraya. Non seulement l’avocat a envoyé en l’air le code déontologique, la loi et l’accord avec le juge,  mais les médias se sont rendus complices de cette grave infraction. Naïveté ou complicité, on s’en moque, le résultat est le même puisque la vie du témoin en question est en danger. Il s’agit d’une affaire de sûreté de l’Etat impliquant des pays et plusieurs milliards sont en jeu. Un témoin disparait et l’affaire tombe à l’eau ! L’avocat pourra alors aller pavaner comme bon lui semble, car ça sera grâce à lui que son client aura été relaxé ! Peu importe le témoin, l’essentiel c’est que Chafik Jarraya s’en sorte et lui paie de gros honoraires.

Qu’a fait l’Etat pour protéger son témoin avant de fournir les documents en sa possession à l’avocat ? Rien du tout, car les lois existantes ne le permettent pas. Encore une fois, l’Etat pousse au crime et crée, de toutes pièces, des corrompus et des criminels. Ils peuvent être hommes d’affaires, juges, avocats, contrôleurs du fisc ou simples promoteurs de bars et de casinos, sans ses lois liberticides et/ou anachroniques, ces corrompus n’auraient jamais existé !

27/06/2017 | 16:00
6 min
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Commentaires (32)

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HAMMADI
| 02-07-2017 08:58
l'interdiction de l'alcool sous plusieurs formes est une grave atteinte à la liberté !!!il ne faut pas être centralien pour le comprendre???ces abrutis de politicard et de députe le savent mais ne font rien pour donner la liberté à ceux qui boivent !!! le populisme paye mieux !!c'est l'arme fatale des ikhwans et de leurs clans !!il ne faut jamais les fâcher !!la notion de liberté chez ces malade est semblable à la liberté chez MAO .la liberté c'est tu la ferme et tu te soumets à mes désirs !!!!notre liberté à nous n'a rien à voir avec ces idées obscurantistes ,c'est à dire tu peux boire de l'alcool là ou tu veux pendant les 12 mois sans restriction sauf celle de gêner les autres et la police est faite pour corriger !!! ce sont des belles paroles mais nous sommes bloquées par ces gens qui se font beaucoup d'argent à cause de ces interdictions !!!et ces imbéciles d'imam qui font du buveur un diable et qui nourrissent l'esprit terroriste tout en étant payé par l'état???les partis politiques stériles L'UGTT et principalement les nahdhaouis sont tous responsables du fanatisme qui inondent notre si beau pays !!! nous aussi nous avons une grande part de responsabilité par notre faible action devant un ennemi si féroce si agressif !!!

HAMMADI
| 01-07-2017 17:49
c'est un article excellent !!! mais est ce que nos politiques et L'UGTT à leurs tête ont fait un seul geste positif contre cette machine infernale!!! NON ? MILLES FOIS NON ??ils font de la politique pour profiter de ce systeme!!!les beaux discours les belles paroles en se referend à l'islam ou aux droit de l'homme mais dans leur majorité ce sont des arrivistes qui n'ont rien de morale !!! les figures qui ont essayé de corriger ont très vite été écarte , en ce moment ils veulent la tête de si youssef parce que il veut corriger ????LES HOMMES INTEGRES devraient s'unir pour combattre ces politicards de merde

Ben
| 01-07-2017 12:52
Monsieur Nizar aura dépeint, de manière pertinente, certains aspects aspects pervers des autorisations administratives, censées organiser certains secteurs, conduisant, in fine, à la promotion des réflexes de la corruption.
Seul reproche à l'auteur de cette analyse c'est qu'il perd son objectivité en attribuant la pratique des autorisations administratives au régime de Ben Ali alors que celles-ci étaient généralisées du temps de Bourguiba et Ben Ali a limité, dans une large mesure, les autorisations administratives leur substituant la pratique des cahiers des charges.
Monsieur Nizar n'abandonnez pas votre sens de l'objectivité.

DIEHK
| 30-06-2017 22:26
Pourquoi l'Etat "if it exist ," est le plus grand corrompu depuis 1987?
Parce que la merdolution de la brouette et des charretiers plus Ennahda & son Calife ont tout détruit:
Les structures sécuritaires
Tous les organes de sécurité
Toute l'Administration et toutes les régions sont commandées par la "MAFIA"
à trois têtes:
Islamistes
Nidaiste
Syndicale
J'arrête là, car beaucoup de ces mafieux qui sont plus intelligents que ceux qui gouvernent provisoirement en spoliant la Tunisie sauront qu'ils sont découverts et passeront à un autre plan!!!

kamel
| 30-06-2017 05:56
Exclente article Si Nizard. Je vous felicite pour votre courage.
On attend un autre sur les depassements commis par les securitaires qui cherche a imposer au peuple un projet de loi de traitement de faveur.
on attend avec impatience votre prochain article

khamouss
| 29-06-2017 12:54
Très Bon Article sur la corruption. En milieu universitaire la corruption est actuellement une gangrenne qui affecte la majorité de nos écoles et nos facultés !

TunObserver
| 29-06-2017 07:25
Excellent article si Nizar , je suis entièrement d'accord avec vous .

Puisse nos dirigeants réfléchir avec justesse et intelligence pour prendre et appliquer les mesures rationnelles en conformité avec notre constitution pour le bien de notre peuple .

Il ne faut pas que les lois favorisent les corrupteurs et les salauds de tous genres .

Notre pays a encore un long chemin à parcourir semé d'embûches , que dis je ! , plutôt un long ( voir très long ) parcours du combattant qui nécessite un changement profond des mentalités .

Ce n'est certainement pas avec la classe politique actuelle qu'on pourra gagner la bataille contre la médiocrité , la corruption , le favoritisme , le clientélisme etc ... .

Espérons voir émerger une conscience nationale forte et des femmes et hommes d'honneur pour mener à bien les réformes nécessaires et lutter contre le mal dans toutes ses formes pour forger un pays viable et respectable . Vive la Tunisie .

Nf
| 28-06-2017 13:38
Arrêtez de défendre le diable

DHEJ
| 28-06-2017 11:19
Quid de la responsabilité pénale de l'Etat???

Mais au fait c'est qui et quoi L'ETAT???