Le gouvernement renie ses engagements vis-à-vis de la presse écrite
Vu les difficultés rencontrées par la presse écrite, ces dernières années, il a été convenu avec le gouvernement de Youssef Chahed de prendre une série de mesures destinées à aider le secteur à échapper à la crise et à faire éviter davantage de fermeture de journaux. Il s’agit là d’un engagement pris en continuité de celui pris précédemment par le gouvernement de Habib Essid et celui de Mehdi Jomâa.
Les mesures consistent notamment en l’organisation de l’octroi de la publicité publique, l’organisation des abonnements publics, une subvention pour des journaux bien déterminés et la prise en charge, par l’Etat, de la contribution patronale pendant cinq ans des cotisations sociales. Ce type de mesures existe dans toutes les démocraties dans l’objectif de préserver une presse de qualité dans des niches où le lectorat et la publicité ne suffisent pas à couvrir les charges. Il s’agit notamment des médias régionaux, des médias destinés aux professionnels (tourisme, architecture, ingénierie…) et des médias politiques défendant les valeurs de la démocratie et représentant un véritable 4ème pouvoir.
Les mesures allaient être appliquées après la création d’un conseil de la presse dont les membres seront représentatifs de la profession (SNJT, FTDJ) et de la société civile. Les critères d’octroi des avantages allaient être draconiens puisque seuls les médias respectant la déontologie, les droits de leur personnel, les lois en vigueur et n’ayant pas suffisamment de ressources auront droit à ces avantages.
Le premier de ces avantages, et en attendant la création du Conseil de la presse, consiste en la prise en charge de la cotisation patronale pendant cinq ans. En dépit des engagements pris par le gouvernement Youssef Chahed, la mesure n’a pas été incluse dans le premier projet de la Loi de finances. Le lobbying a cependant bien fonctionné pour la faire intégrer, in extremis et à la dernière minute, hier lundi 5 décembre. La commission des finances l’a examinée et retenue.
Surprise cependant pour les professionnels du secteur, la proposition émise par le gouvernement est bien différente de celle discutée avec la corporation. La prise en charge ne concernera que les médias de la presse imprimée (qualifiée de presse papier) et exclut la presse électronique qui emploie, pourtant, un plus grand nombre de journalistes. La mesure ne touche que les supports dont le chiffre d’affaires a baissé de plus de 30% en 2016 comparativement à l’année 2015, alors que les difficultés rencontrées par les médias (tous supports confondus) ne datent pas de cette année.
« C’est juste pour qu’ils ne soient pas critiqués, c’est de la poudre aux yeux, ont répondu des directeurs de journaux. Nous n’allons pas accepter cela et nous allons batailler pour que le texte soit modifié en plénière. Il y va de la survie de plusieurs médias et ce type de mesures n’a rien d’exceptionnel, c’est la pratique dans toutes les démocraties qui veulent préserver la liberté d’expression et ne pas laisser les médias entre les mains de l’argent sale et des hommes d’affaires véreux ».
Du côté de la présidence du gouvernement, on précise que ce sont des députés d’Ennahdha qui ont modifié le texte pour exclure la presse électronique et imposer cette question de 30%.
Vérification faite, d’après les PV, la proposition a émané dès le départ du ministère des Finances et les députés n’ont quasiment rien modifié d’important dans le texte qui leur a été soumis.
RDV est donné pour la plénière pour cette nouvelle bataille d’une énième corporation avec le ministère des Finances.
R.B.H.