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L’audiovisuel en Tunisie, une réglementation s’impose
27/11/2019 | 19:59
5 min
L’audiovisuel en Tunisie, une réglementation s’impose

 

Des radios ayant une licence voient la transmission de leurs programmes suspendue, d’autres radios n'en possédant pas poursuivent leur diffusion en toute impunité. La décision prise par l’Office national de la télédiffusion (ONT) de suspendre la diffusion de 4 stations de radio privées, à savoir “Cap FM”, “Knooz FM”, “Ribat FM” et “Mahdia FM” a remis le sujet sur la table. Retour sur une situation assez ambiguë.   

 

Il va sans dire que la liberté d’expression constitue indéniablement l'un des principaux acquis de la Tunisie post-révolution. Cet acquis a été concrétisé et a pris tout son sens à travers la libération des médias et la liberté de la presse. Des notions qui étaient quasiment absentes durant des décennies en Tunisie et furent le plus grand reproche fait à l’ancien régime, qualifié de régime dictatorial.

Cependant, l’avènement de la révolution a soufflé un vent de liberté sur le paysage médiatique en Tunisie avec comme résultat, la naissance de plusieurs chaînes et stations radios privées et associatives. Ce changement et cette explosion ont mis sur la table la nécessité de mettre en place des organismes et des instances permettant la régularisation et la réglementation du secteur.

Cette tâche aussi délicate que nécessaire a été donc confiée à la Haica, gendarme de l’audiovisuel en Tunisie. Mais comme dans tout secteur, les dépassements et les infractions existeront toujours. Des radios et télévisions diffusant sans licence existent bel et bien, comme le cas de la chaîne Nessma, ou encore la radio pirate du Saint Coran.

Sauf qu’aujourd’hui, la suspension de diffusion par l’ONT des stations radios privées Cap FM, Knouz FM, Ribat FM et Mahdia FM laissent poser plusieurs interrogations autour de la réglementation du secteur et les différentes parties responsables de sa gestion.

En effet, l’ONT a indiqué que sa décision a été prise parce que ces stations radio n’ont pas honoré leurs engagements financiers, à savoir les frais de transmission, soulignant que cette suspension devrait rester en vigueur jusqu’à règlement de la situation des chaînes radios concernées.

 

Dans notre article paru sous le titre « l’ONT, nouveau bras des islamistes pour casser les médias ? », nous indiquons : « Qu’a fait cet office à l’encontre des radios et télévisions pirates qui exercent en toute impunité ? La radio du Saint Coran est un parfait exemple puisque son directeur, Saïd Jaziri est connu et vient d’être élu à l’Assemblée. 

Cette radio, comme quelques autres, exploite les ondes FM du pays en toute illégalité depuis des années, sans que l’ONT agisse concrètement pour lui suspendre son émission. Il y a énormément de manque à gagner pour l’ONT et l’Etat et le monsieur continue malgré tout à travailler en défiant tout le monde. Pourquoi donc l’ONT attaque-t-il des radios qui ont choisi la légalité et laisse les pirates des ondes jouir de leur liberté et continuer leur défiance contre tout le monde ?

Il est vrai que le pouvoir actuel appartient aux islamistes et que l’ONT cherche à éviter toute escarmouche avec eux, puisque la radio du Saint Coran appartient à l’un d’eux… »

 

Un article qui a valu un droit de réponse de la part de l’ONT, assurant à propos de la radio du Saint Coran : « Comme c’est une radio qui diffuse ses programmes dans l’illégalité sans détenir une licence de la part de la Haica et qu’elle n’exploite pas de fréquences autorisées par l’ONT, il n’est pas des prérogatives de l’ONT de traiter sa situation. Son dossier ne peut être traité que par les instances spécialisées conformément aux législations en vigueur ».

Or, selon le rapport de la Haica concernant la radio du Saint Coran, plusieurs avis ont été adressés à la radio depuis 2014 mais ont été classés sans suite. Ainsi, la radio pirate a été fermée de force. Son matériel de diffusion a été saisi en novembre 2017, mais la radio a repris la diffusion et a récupéré son matériel saisi sur ordre de justice.

La Haica précise avoir a reçu, en juillet 2017, une correspondance de la part de l’ONT incluant une demande de diffusion à mont Zaghouan. Il en ressort que la radio du Saint Coran avait présenté une demande aux services du ministère de la Défense pour bénéficier de l’implémentation d’un pylône de transmission radio dans la région.

 

Après vérification, la Haica découvre que la radio pirate a réussi à décrocher une autorisation d’implémentation provisoire de la part du ministère de l’Agriculture le 26 avril 2017, et ce sur un terrain domanial à Zaghouan qu’elle a exploité pour une diffusion illégale. Le gendarme de l’audiovisuel a adressé plusieurs correspondances aux autorités de tutelle pour s’opposer à cette autorisation et a fini par obtenir gain de cause. Toutefois, l’ONT lui a signifié que cette radio poursuit l’exploitation de ce pylône, causant ainsi des perturbations sur la transmission d’autres radios légales. Tout le dossier a été transmis à la présidence du gouvernement, mais au final, la radio a poursuivi sa diffusion et son propriétaire a même remporté quatre sièges au parlement.

 

Ce dossier nous ramène à la nécessité de mettre en place toute une réglementation du secteur de l’audiovisuel, ou encore une mise en application stricte des réglementations en vigueur. La situation actuelle où on constate une politique des deux poids, deux mesures est juste inadmissible pour un pays qui revendique la liberté des médias et de la presse et la considère comme étant un acquis fondamental, et qui en fait le pilier de son processus de transition démocratique.

 

Sarra HLAOUI

27/11/2019 | 19:59
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