alexametrics
jeudi 18 avril 2024
Heure de Tunis : 17:51
Tribunes
L’apprenti dictateur !
14/10/2018 | 18:15
6 min
L’apprenti dictateur !

 

Par Hédi Ben Abbes

 

« Les révolutions ont besoin de liberté, c’est leur but, et un besoin d’autorité, c’est leur moyen. La convulsion étant donnée, l’autorité peut aller jusqu’à la dictature et la liberté jusqu’à l’anarchie ».

Ainsi disait Victor Hugo dans (Actes et Paroles, 1876), plusieurs décennies auparavant, pour décrire très simplement le cheminement des révolutions si on n’y prenait pas garde. Ce qui retient notre attention c’est la contemporanéité des propos qui résonnent encore très fort aujourd’hui, en Tunisie. Un tel archétype nous aide à comprendre comment on fabrique un apprenti dictateur et comment la liberté se mue en anarchie.

 

La Tunisie d’aujourd’hui est suspendue entre ces deux moments. On a d’un côté un apprenti dictateur qui cherche à contrôler par tous les moyens, y compris les plus vils un pouvoir encore fuyant et de l’autre une anarchie rampante qui a envahi les rues et les rouages de l’Etat.

 

Comment naissent les apprentis dictateurs ? Tout d’abord il faut qu’il y ait un contexte historique propice à la fabrication volontaire ou involontaire de cet apprenti. La révolution tunisienne et ses multiples ratages a fourni un environnement propice à cette fabrication. La désillusion populaire quant à la démocratie et ses supposés bienfaits, le délabrement de l’Etat, la misère économique et sociale, l’insécurité sous toutes ses formes, l’impunité, la corruption, la rupture du lien social, la perte des valeurs, et bien d’autres symptômes aujourd’hui bien visibles en Tunisie, rendent possible l’émergence d’un apprenti dictateur. En plus du contexte général, il faudrait ajouter l’absence d’une alternative crédible à même de fournir de nouveaux repères politiques, économiques, culturels et sociaux susceptibles de constituer un référentiel fiable et rassurant. Dans un tel contexte, la nostalgie pour les anciens systèmes (gloire religieuse et civilisationnelle) ou pour des systèmes plus récents (l’autoritarisme et la dictature postindépendance), cette nostalgie devient pour certains l’alternative à l’anarchie ambiante.

 

Le facteur humain : Dans un tel contexte le facteur humain devient très important du moment que le peuple encore « enfant » n’est toujours pas prêt à assumer ses responsabilités de citoyen « adulte » et cherche désespérément une figure tutélaire capable de lui procurer un sentiment de sécurité même au détriment de ses libertés. On voit les intégristes islamistes de tout poil rêver d’instaurer une dictature religieuse d’un côté, et de l’autre les nostalgiques de la dictature espérer le retour de Ben Ali voire l’émergence d’un autre apprenti dictateur pour « mettre de l’ordre » dans un pays à la dérive. Les deux perspectives sont à la fois dangereuses, obsolètes inopérantes et anachroniques.

 

Les manœuvres politiciennes et l’incompétence ont donné du crédit à la thèse de l’émergence d’un apprenti dictateur. Pour ce faire, il fallait trouver une personne très moyenne à tout point de vue et l’investir d’un pouvoir exorbitant au point de la rendre ivre de puissance en lui donnant l’impression qu’elle est à la fois « indispensable » et « compétente ». Dépourvu de moyens intellectuels pour se rendre compte de sa médiocrité, entouré de sbires aussi serviles que vicieux pour l’entretenir dans son illusion de puissance, l’apprenti dictateur se prend au jeu et entame alors son entrée dans l’impasse de la dictature.

 

Bertold Brecht nous apprend que le fascisme ne se décrète pas. Il est la somme totale de petits actes fascistes ; une fois mis bout à bout, on se rend compte alors qu’on a changé de système. Si on observe ce qui se passe en Tunisie aujourd’hui, on se rend compte que la première digue contre la dictature qu’est la justice, donc l’Etat de droit, est déjà bien fissurée. Si la justice se met aux ordres du pouvoir politique ou mafieux, on rentrera alors dans la fameuse impasse de la dictature. D’aucuns savent aujourd’hui qu’on est passé de la république bananière à la république des dossiers. Lesquels dossiers n’ont de sens que s’ils sont utilisés pour régler ses comptes avec ses adversaires ou pour monnayer ses soutiens. Pour ce faire, il faut maîtriser au moins une partie de l’appareil judiciaire et rendre effective la stratégie du racket politique. Cette maîtrise passe au préalable par la stratégie d’entrisme dans l’administration civile, dans l’appareil de sécurité et finalement dans le judiciaire.

 

Les différents détenteurs de pouvoir en Tunisie qui sont, le parlement, les deux grands partis politiques, l’exécutif, et les syndicats ont chacun ses soutiens dans les trois niveaux (administration, police, justice) et s’en servent à des fins partisanes, corporatistes ou personnelles et probablement le tout à la fois. Chacun détient pratiquement autant de pouvoir de nuisance que les autres et se maintiennent tous dans un équilibre précaire de peur de commettre l’irréparable. L’irréparable est le fameux point de rupture quand par exemple, l’apprenti dictateur, poussé dans son dernier retranchement, commence à avoir l’impression qu’il n’a plus rien à perdre, qu’il joue sa carrière, qu’il ne se voit plus en dehors du pouvoir et se trouve contraint d’utiliser tous les moyens pour s’y maintenir.

 

Après avoir rompu le lien avec son mentor dans l’exécutif, mis la main sur une partie de l’administration et la justice, utilisé les dossiers pour éliminer ses adversaires réels ou potentiels, soudoyé des parlementaires aussi corruptibles qu’opportunistes, s’être assuré du soutien de certains hommes d’affaires rompus à l’exercice de soutenir le vainqueur du jour, et un soutien étranger aussi précaire qu’incertain, enregistré quelques petites victoires sur ses adversaires et s’être attribué les services de certains journalistes peu scrupuleux, notre apprenti dictateur peut se lancer alors, vers la conquête du graal, l’Olympe de la puissance : la présidence de la « ripoublique ». C’est à pleureur quand on pense aux martyrs morts pour qu’on puisse être libre et reconquérir notre dignité d’Homme, quand on pense au potentiel de ce magnifique pays en proie aujourd’hui, à la voracité des incompétents et des mafieux !

 

En revanche, ce que l’apprenti dictateur ignore, c’est le fait que de la même manière que les circonstances l’ont servi pour arriver là où il est sans avoir la moindre légitimité, ces circonstances et ces mêmes personnes qui le soutiennent aujourd’hui, peuvent se retourner contre lui aussi brusquement que lâchement. Ce qu’il ignore, c’est le fait que ses ambitions personnelles et cette attitude suicidaire qu’il arbore vont lui jouer des tours comme ce fut le cas pour ses prédécesseurs. Ce qu’il ignore, c’est le fait que désormais les Tunisiens ont des acquis que plus personne ne peut leur retirer et ce, quelles que soient les circonstances et les vicissitudes du moment. Ce qu’il ignore, c’est qu’il a contracté le même virus du pouvoir qui prolifère dans les corps malades et habités par les complexes. Il vient d’emprunter le chemin qui va le condamner soit à la radicalisation dictatoriale soit à des poursuites de toutes sortes. Sur la base de quoi ? Je vous le donne en mille : des « dossiers » !

 

Reste à savoir maintenant, comment va réagir la société civile et les forces encore vives de la nation. Rappelons que le patriotisme est la somme totale des indignations mobilisatrices des consciences et génératrices d’actions. Plus les motifs d’indignation se multiplient et plus forte sera la réaction. Or, les motifs d’indignation sont nombreux, parmi lesquels l’extraordinaire paradoxe d’un pays de jeunes gouvernés par des grabataires et un pays qui recèle la plus forte densité de compétences en Afrique, gouvernés par des médiocres. De tels paradoxes ne peuvent résister à l’épreuve de l’indignation qui ne va pas tarder à se manifester. Espérons qu’elle emprunte les chemins les plus pacifiques pour épargner à notre cher pays l’irruption du big bang final. Il est grand temps de sortir de ce système politique aussi nuisible qu’obsolète, pour mettre en place un nouveau système qui prend en compte les changements profonds dans le système de gouvernance pour que ce dernier soit innovant, transparent et juste. Et pour que l’éthique, les valeurs et l’exemplarité soient aux fondements de ce système. Un système que la jeunesse tunisienne, férue de nouvelles technologies et au fait de tous ses changements, peut et doit mettre en place pour redonner espoir à une Tunisie lassée par 8 années d’atermoiements et d’amateurisme.

14/10/2018 | 18:15
6 min
Suivez-nous

Commentaires (23)

Commenter

Mannou
| 16-10-2018 21:05
Deux poids, deux mesures...ça devient non crédible.
Avec tout ce qu'a fait l'auto proclamé directeur exécutif HCE au sein de Nidaa depuis mars 2015 jusqu'à ce jour, vous ne voyez pas que c'est "l'apprenti dictateur" !! Vous le considérez peut être "le confirmé dictateur" c'est pour cela.

TETEM
| 15-10-2018 21:37
Sacrée charge contre YC.... ça manque de preuves concrète mais ça invite quand même à la réflexion.

Ceci dit, pour moi l'apprenti dictateur c'est HCE. Le fils à papa, a été projetté à la tête de son parti politique, au forceps. L'homme n'a jamais été élu par personne au sein de son parti, il a réussit à faire fuir tous le monde de Nidaa Tounes mais il est toujours à la tête de son parti politique. Il rêve de Carthage et vient de s'allier avec un homme d'affaire notoirement corrompu pour mieux servir ses propres intérêts personnels. Mais non ça on en parle pas, c'est pas grave. Le mal c'est YC qui cherche à offrir un semblant de stabilité politique à la Tunisie...

Cet article nous fait détourner notre regard contre le vrai apprenti dictateur...

Monia
| 15-10-2018 19:37
Le commentaire de Jamel n'est pas un appel à la prière mais plutôt un appel à la méditation et au positivisme!

Hannibal
| 15-10-2018 19:31
Je suis choqué de voir businessNews publier cela? Fini la propagande ?

Tunisino
| 15-10-2018 19:18
En utilisant votre logique, il est aussi bien de penser à son pays et de lever les mains à dieu pour demander de l'aide. Penser à soi même est bien, mais il faut aussi penser aux autres/à son pays. Si chacun ne voit que sa personne, on risque de devenir comme les gens qu'on critique actuellement!

Tunisino
| 15-10-2018 18:50
Ce qui est à noter:
1. Une leçon en sciences politiques, en sciences sociales.
2. Des médiocres qui gouvernent des compétences.
3. -Big bang- ou -Système politique-: BIG BANG

Aucune planification stratégique n'a été faite depuis 60 ans, ce pays n'a pas de projet, son projet actuel est le désordre puisque la dictature est devenue difficile!

Monia
| 15-10-2018 18:28
Les Tunisiens ont complètement oublié qu'il y a d'autres dimensions que le matérialisme, la concurrence avide et la haine!


@Si Hédi Ben Abbes, évitez le négatif, ce n'est pas bien pour votre santé et pour votre entourage!

Lamia
| 15-10-2018 17:41
Il ne faut pas être croyant afin d'observer les étoiles!

Et l'article de votre idole Hédi Ben Abbes est pour les nuls que se vendent pour des intellectuels. J'ai commencé à le lire et j'ai failli vomir tellement il est caduc.

Je partage, Il n'y a pas de plus beau que de se relier- à l'univers la nuit, de contempler les étoiles et l'infini tout entier, et de plonger son regard dans son immensité!

Mr. Hédi Ben Abbes, Il n'est rien qu'un pseudo-intellectuel qui a trouvé une scène sur BN afin de se défouler!

Et pour terminer, le commentaire de Jamel Tazarki est une réponse intelligente à Hédi Ben Abbes qui est victime de sa propre haine, de son animosité, de sa méchanceté envers une autre personne (envers YC) qu'il attaque dans son article et dans tous ses articles sans donner aucune raison convaincante (irréfutable). Le message de Jamel est simple: Allez Mr. Hédi Ben Abbes, reliez-vous à l'univers la nuit, contemplez les étoiles et l'infini tout entier, et plongez votre regard dans son immensité afin de vous libérer de votre haine et de vos sentiments de destruction envers ceux qui ont réussi alors que vous avez complétement échoué!

Mais vous êtes trop limité d'esprit afin de comprendre l'intelligence!

Et toi aussi, je vous conseille d'aller méditer afin de vous libérer de votre médiocrité et de votre haine envers les autres!

Et n'allez pas prétendre que je suis une islamiste, non j'ai seulement une allergie contre les pseudo-intellectuels de votre genre et du genre de Hédi Ben Abbes.

Encore une information, ne vous donnez pas la peine afin de me répondre. Je ne passerai plus par cet article à la con et destructif!

@Hédi Ben Abbes, Libérez-vous de votre haine, c'est vraiment fatiguant de vous voir polluer l'atmosphère sur B.N. Faites plutôt des propositions constructives au lieu de ne critiquer directement/indirectement ceux qui réussissent! Vous n'avez pas honte d'étaler votre haine et vos idées destructives sans faire des propositions intelligentes!


Pour tout ceux qui n'ont pas compris l'article: Mr. Hédi Ben Abbes est probablement un islamiste qui comme tous les autres islamistes qui voudraient tant limoger Youssef Chehed afin de laisser le passage libre à ses confrères!



Universitaire
| 15-10-2018 17:33
Si Hédi toutes vos analyses sont théoriques et bien loi de la réalité. N oublies jamais que vous avez bien échoué lorsque vous étiez responsabilité. soit une fois positive.

Maxula
| 15-10-2018 15:52
"Mon message est très simple"
Et je dirais même "simpliste et toujours hors sujet" !
De la part d'un prétendu "douctour" (comme certains appellent toujours l'ex-provisoire-dérisoire "triple-M-le-maudit") c'est pour le moins "simpliste", dérisoire sinon risible !
Hé ! mon brave, redescendez sur Terre, il ne sert à rien d'avoir toujours la tête dans les étoiles ! Faut être "poète" pour ça !
Vous en aurez bien l'occasion plus tard de les côtoyer (les étoiles) lorsque vous serez, en tant que croyant-crédule, dans la ouate des cieux paradisiaques, en si belle compagnie*** et tout un aréopage d'autres beaux esprits comme vous !
Dites-nous plutôt ce que vous en pensez de l'éditorial de Hédi Ben Abbes, vous savez, le monsieur qui a écrit l'article que vous êtes censé commenter'?'?'.autrement qu'en tirant dans plans sur la comète !
Maxula.