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Laisse faire ton père !
Par Marouen Achouri
08/04/2019 | 15:59
4 min
Laisse faire ton père !

 

Le congrès de Nidaa Tounes poursuit ses travaux pour élire un nouveau leadership. Pour être plus précis, il s’agira sans doute du même leadership que l’on a connu auparavant mais avec une nouvelle légitimité obtenue à travers des élections internes. Aucune surprise, aucun bouleversement profond n’est attendu à la suite de ce congrès, ni dans le casting ni dans la ligne du parti.

Par conséquent, le temps fort de ce congrès est et restera le discours prononcé par le président de la République, Béji Caïd Essebsi, à l’ouverture des travaux. Une allocution durant laquelle il a exprimé sa volonté de voir le gel de Youssef Chahed levé. Une vraie peau de banane magistralement balancée par Béji Caïd Essebsi sur le chemin du nouveau parti Tahya Tounes.

A travers cette demande, le chef de l’Etat fait écho à une demande largement partagée au niveau du parti concernant le retour du fils prodigue, Youssef Chahed. Dans un deuxième temps, Béji Caïd Essebsi joue l’ouverture après avoir tenté par tous les moyens d’évincer son chef du gouvernement. Il propose un choix cornélien à Youssef Chahed en lui faisant miroiter le soutien de Nidaa Tounes à la présidentielle. Ce qui serait bien plus confortable pour Youssef Chahed que le soutien d’Ennahdha. Encore une fois, Béji Caïd Essebsi agit en parfait tacticien et prend même ses troupes à contrepied puisque eux-mêmes n’attendaient pas qu’il fasse une telle demande. « Laisse faire ton père ! », c’est ce qu’il aurait dit à Hafedh, son fils, qui a exprimé sa surprise par rapport à la demande formulée par le chef de l’Etat.   

 

Par la demande formulée au congrès, Béji Caïd Essebsi change son fusil d’épaule et ouvre les bras du parti au « dissident » Youssef Chahed. Il le place ainsi dans la position de celui qui « refusé la main tendue » par le président alors qu’il était dans la position de la victime de l’égoïsme et de l’amateurisme des leaders de Nidaa Tounes. Aujourd’hui, le chef du gouvernement est obligé de se positionner par rapport à cette demande et ce sera à lui d’exprimer son refus de revenir au bercail. Quelle que soit la réponse de Youssef Chahed, Béji Caïd Essebsi sortira grandi de cette manœuvre. Si le chef du gouvernement accepte, le chef de l’Etat aura réussi à la « ramener à la raison » et offrira par la même occasion un candidat crédible à l’élection présidentielle pour Nidaa Tounes. Si le locataire de la Kasbah refuse, il passera pour celui qui ne souhaite pas la réunification de la fameuse famille moderniste bourguibiste, contrairement au discours du parti Tahya Tounes.

 

Par ailleurs, Béji Caïd Essebsi a volé la vedette au congrès en lui-même puisque ses travaux sont désormais sans grand intérêt. De toute manière, il était impensable, même sans cette annonce, que le congrès produise un leadership renouvelé et viable. Hafedh Caïd Essebsi ne lâchera pas le morceau et aucune concurrence crédible n’est venue déstabiliser son règne sur le parti.

Le président de la République a également exprimé sa volonté de ne pas se présenter pour un deuxième mandat présidentiel. Une affirmation directement corrélée au fait de vouloir faire lever le gel de Youssef Chahed au sein du parti comme l’a brillamment démontré Sofiène Ben Hamida sur nos colonnes. Toutefois, il ne faut pas tomber dans le piège évident qui consisterait à penser que Béji Caïd Essebsi est un président fatigué qui souhaiterait céder son poste au plus vite. Le discours qu’il a prononcé au congrès de Nidaa Tounes montre plutôt un président sur le qui-vive et prêt à en découdre. Il faut se méfier de l’eau qui dort et Béji Caïd Essebsi nous a habitués aux retournements de situations et aux manœuvres bien ficelées.

Béji Caïd Essebsi démontre encore une fois qu’il s’agit d’un acteur politique de premier plan et qu’il faudra compter avec lui dans les prochains mois qui nous séparent des élections. Certains avaient, en effet, commis la bêtise de le croire battu, voire évincé de l’échiquier politique. Sauf qu’ils oublient que Béji Caïd Essebsi devient extrêmement dangereux quand il est acculé. Maintenant, il parait peu probable que Youssef Chahed fasse écho à la demande du président et revienne à Nidaa Tounes. Les tous derniers sondages placent Tahya Tounes devant le parti fondé par Béji Caïd Essebsi d’un côté, et de l’autre il perdrait grandement en termes de crédibilité après le flot d’injures et de critiques qui lui avait été adressé par les leaders de Nidaa. Encore une fois, Béji Caïd Essebsi aura démontré qu’il est un excellent tacticien, mais un mauvais stratège. 

Par Marouen Achouri
08/04/2019 | 15:59
4 min
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Commentaires (6)

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Tunisino
| 09-04-2019 10:42
BCE est un excellent tacticien, mais un mauvais stratège: C'est ce qu'a appris à faire de sa formation, à sa carrière professionnelle, à sa carrière politique, des actions à court terme qui ne tiennent compte ni du moyen terme, ni du long terme, et ce sont les tunisiens qui sont entrain de payer ses mésaventures. Il y a aussi quelqu'un d'aussi dangereux, c'est RG! Ils savent bien qu'ils sont faibles, et ils s'entourent de personnes plus faibles au lieu de s'entourer de personnes fortes, pour contrôler les choses, et ce sont les tunisiens qui payent à la fin les factures, où est le patriotisme dans tout cela?

juvess
| 09-04-2019 07:45
On aurait aimé que Sebsi utilise son génie politique pour l'intérêt du pays et non ses propres intérêts politico-familiaux.
Puis-je rappeler que c'est lui qui porte la première responsabilité de la diplomatie du pays et que sous son règne:
- aucune action de la Tunisie pour résoudre le conflit libyen qui s'empire et risque de tuer une timide reprise économique et toristique
- sous son règne des petits états du Qatar et UAE deviennent maitres de la politique intérieures tunisienne en décalage total avec sa promesse de hayet dawla et état nation fort
- un échec total du sommet arabe où on fut incapable d'aider la reconstruction arabe (et intégrer Syrie) et où la seule "résolution" sur le dialogue national libyen a volé en éclat par Hafter dix jours après.

Niz
| 08-04-2019 20:47
Je trouve l'analyse de Marouen juste et logique. Elle confirme par contre que la classe politique tunisienne joue encore dans une ligue d'amateurs. Je crois que Chahed pourrait s'en sortir aisément en attendant l'issu du congrès de Nidaa, faire le constat que le fils est encore là et justifier ainsi son non retour au bercail... Nous oublierons dans quelques semaines ce fameux discourt de BCE car rien n'aura changé au Nidaa (le médiocre reste médiocre). La possibilité que le fils quitte son poste au Nidaa est très très improbable, pas la peine de se lancer dans ce sénario là!

HatemC
| 08-04-2019 18:02
Le dégel pourquoi ? YC a son propre parti, les déçus apparemment de Nida ont rejoins TT ..

Nida + T T c'est Haj moussa, moussa Haj
Croyez vous que les dissidents rejoindront la nouvelle coalition si YC accepte le retour au bercail

On imagine que OUI, es ce que YC aura le courage d'annoncer qu'aucune alliance ne sera possible avec les TOJJAR EDDINE ? pas si sûr '?'

Le scénario est déjà ficelé '?' les ATOUTS maitres sont entre les mains du gourou, le malin ( faut lire le diable ).

Nahdha remportera les LEGISLATIVES avec une majorité relative surement ( les élections seront truqués ), Nahdha ne gagnera pas avec des scores à la Soudanaise, les scores seront diffusé en temps voulu, quand Nhadha aura reçu les allégeances et disttribuera à l'un 10% à l'autre 25% etc '?' et à d'autres wellou '?' la machine est déjà huilé '?'

Ainsi Nahdha IMPOSERA un chef du GVT de la mouvance, qui formera son GVT selon des critères bien établi autrement dit avec des ministres qui auront prêté allégeance à Nahdha, Nida aura ses ministres, TT aura ses ministres, on est vacciné maintenant, on a bien vu le misérabilisme de nos pseudos politichiens prompt à changer de veste .... et faire alliance en secret '?' secret de polichinelle

Le marionnettiste sera encore une fois Ghannouchi, un vil personnage qui faits et défaits les rois '?' du moment que des crétins se jettent à ses pieds, IL ne se privera pas '?' il a attendu ce moment depuis les années 80 '?' il récolte les fruits de la patience '?' c'est un BOURGUIBISTE dans l'âme, il suit les pas de son MAITRE BOURGUIBA, " la politique des étapes " '?'

Aucune formation du camp dit Laic ne gagnera les législatives, les urnes seront ouverts à Montplaisir et même si un président de ce camp est élu il n'aura qu'un rôle protocolaire '?' HC

Mansour Lahyani
| 08-04-2019 17:41
Ce pauvre Hafedh ! Le 6 avril de cette année, il ne risque pas de l'oublier de si tôt !! Il en avait fait une date fétiche, qu'il cultivait comme on cajole un espoir, déterminant pour sa "carrière" présumée : une sorte de consécration urbi et orbi des propres mains de son papa, un couronnement, une apothéose, quoi !
Mais, tout à coup, sans avoir eu le temps de voir venir ce coup de massue, le voilà renvoyé au sixième dessous sous l'uppercut que lui a asséné ce même père en qui il avait mis tous ses espoirs : non seulement on lui préfère son meilleur ennemi intime, son sur-moi le plus moins défendable, le symbole même de son infortune depuis des mois, mais en plus, on lui intime l'ordre de "laisser faire son papa",comme à un enfant qui essaie de faire tourner sa toupie, mais qui n'y parvient pas...
Non, décidément, ce 6 avril 2019 de malheur, ce ne sera pas le jour de l'apothéose tant espérée, et de la main même de papa!!!

belha
| 08-04-2019 17:24
si Achouri ,

une peau de banane géante , si YC accepte il sera détruit par HCE avec la bénédiction du papa et s'il refuse il y a peut être une autre hypothèse : un rapprochement entre les 2 partis sous conditions.....................
BCE voit beaucoup plus loin , une invitation de Mr Mustapha Ben Ahmed a Carthage pour bientôt.