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Tribunes
La Tunisie n'a besoin que d'amour !
09/11/2016 | 11:32
9 min
La Tunisie n'a besoin que d'amour !

Par Hédi Ben Abbes

 

La décadence d'une société commence quand l'homme se demande : Que va-t-il arriver, au lieu de se demander : Que puis-je faire ?”, disait Denis de Rougemont.

 

Une phrase pleine de bon sens qui évoque l’esprit d’Al Moukadima d’Ibn Kholdoun lorsqu’il décortiquait les raisons de la gloire et de la décadence d’une civilisation. Plus proche de notre époque, le poète irlandais Yeats et son ouvrage A Vision dans lequel il décrit le cycle de l’Histoire qui oscille entre subjectivité et objectivité, entre gloire et décadence, entre liberté et tyrannie. Plus proche de nous encore, l’excellente étude juridique et civilisationnelle du tunisien  Riadh Guerfali, intitulée : « Le Maghreb et le monde arabe : entre gloire, décadence et espoir ». Dans son essai, l’auteur expose les principaux paradigmes qui expliquent les raisons de la décadence de la civilisation musulmane. Pour lui, elle est due principalement à son repli sur elle-même et à son incapacité d’intégrer les systèmes de valeurs qui l’entourent dans un monde en interaction de plus en plus complexe.

 

Le point commun entre ces différentes périodes de l’Histoire - du XIVème siècle d’Ibn Khaldoun, au XXIème siècle de R. Guerfali, en passant par le XIX/XXème de Yeats -, est le rapport à l’évolution du monde et à la contextualisation. En d’autres termes, pour ces différents auteurs et essayistes, la décadence marque une rupture avec un mouvement inéluctable et fige le mouvement, entraînant le repli et la nostalgie.

 

La Tunisie d’aujourd’hui vit une nouvelle fois encore, cette tentation passéiste avec une certaine nostalgie. Qu’elle soit inspirée d’un passé immédiat, comme le fut l’ère bourguibienne, ou plus lointain encore, comme la gloire émanant de l’Islam conquérant du XIIème siècle. Cette tentation emplie de nostalgie s’explique tout autant par le besoin de sécurité que par l’absence de repères positifs face à la « décadence » d’un inquiétant quotidien. En perte de vitesse, le Tunisien moderne semble constamment osciller entre deux moments de son Histoire, entre subjectivité et objectivité, comme dirait Yeats, à la recherche de points d’ancrages nouveaux qui lui permettraient de mieux appréhender l’avenir.

 

Plus explicite encore, le Tunisien semble pourtant saisir l’importance du moment historique mais peine à trouver les outils qui lui permettront d’embarquer sur le vertigineux paquebot de l’Histoire pour y trouver sa place. Et les raisons de cette tergiversation historique déstabilisante sont multiples.

 

Quand les repères structurants volent en éclat, que les projets de rechange tardent à venir, il en résulte un mouvement oscillatoire comme celui dont parlent Yeats et Ibn Kholdoun, un moment qui fige le mouvement et rend possible la nostalgie d’un glorieux passé. Il y en a même qui tentent de reproduire avec obstination un système normatif vieux de plus de 14 siècles avec toutes les dérives qu’un système inadapté au monde moderne peut engendrer. Convoquer le passé pour conjurer le présent, induit la manifestation d’un traumatisme du présent qui engendre la peur de l’avenir. Le présent qui est indicible, angoissant et vertigineux, ressemble à une piste d’envol d’aéroport, au bout de laquelle, il n’y a pas d’autre choix que de décoller ou se cracher.

 

La Tunisie est prise aujourd’hui dans cette phase entre effondrement et décollage. Pour que ce décollage tant espéré par les uns - ceux qui regardent l’avenir - et tant redouté par les autres - ceux qui sont obnubilés par la nostalgie - puisse réussir avantageusement pour tout le monde,  il faudrait pouvoir se remémorer constamment notre première citation, celle de Denis de Rougemont, qui fait appel à notre devoir, à notre responsabilité individuelle et collective. Que sommes-nous disposés à donner à notre pays ? Quelle énergie sommes-nous capables d’injecter dans les artères sclérosées de notre chère vieille civilisation ? La punchline de J.F Kennedy résonne encore dans nos oreilles« Ask not what your country can do for you, ask what you can do for your country”.

 

Jamais une telle phrase n’a eu autant de pertinence qu’elle ne l’a aujourd’hui dans cette Tunisie qui se cherche, perdue entre un avenir incertain et un présent parfois inquiétant. Une Tunisie qui a souvent était insouciante et paisible, invulnérable aux soubresauts de son Histoire. On lui demande aujourd’hui de s’assumer, de devenir adulte et responsable, de prendre sa destinée en main et d’opérer un choix tout cornélien, entre envol et nostalgie, entre modernité et décadence.

 

Si la décadence n’est pas une fatalité alors que la volonté de puissance est chez l’Homme une réalité, il faut alors changer de paradigme, opérer un renversement des valeurs et envisager la révolution dans tout ce qu’elle peut introduire de moderne. Notre Tunisie a la capacité de se libérer du local pour envisager l’universel. Le secret ne réside-t-il pas dans l’immense nuance entre « donner » et « prendre » ?

 

La Tunisie, notre Tunisie, ce joyau punique, ce formidable grenier pour plusieurs civilisations, a nourri le monde méditerranéen, cette terre propice et généreuse, est aujourd’hui à bout de souffle, épuisée par le pillage culturel, par l’inversement des valeurs, par l’ignorance, par l’esprit insulaire et étriqué. La Tunisie est aujourd’hui dévorée par ses propres enfants, par l’ingratitude et l’égoïsme suicidaire de certains. Je ne peux m’empêcher de contempler la carte géographique du pays et être saisi de frustration quand je vois comment elle tend les bras pour accueillir le monde, comment elle présente son ventre bedonnant, prête à donner encore et encore de la vie et de l’espoir. Je suis tout aussi effrayé de voir que ses propres enfants tentent chaque jour de la faire avorter en lui administrant de la corruption, en lui lacérant la figure (pollution), en oubliant qu’on ne peut exister qu’en la préservant et en lui donnant de l’amour.

 

La Tunisie a besoin qu’on l’aime et qu’on le lui prouve à travers des actes responsables. Qu’on prenne soin d’elle, pour qu’elle puisse nous le rendre. Injecter de l’amour dans ses artères et elle le rendra sur plusieurs générations, elle n’est pas ingrate elle ! Oui, il est grand temps de donner de l’Amour à notre terre nourricière, cette Artémis, déesse de la fertilité, qui de ses multiples seins, n’a jamais cessé de nourrir l’humanité. Comment le lui donner ? C’est simple : être responsable, se comporter en adulte et sentir le poids de l’Histoire. Travailler pour son pays tout en travaillant pour soi. En étant chacun de nous investi de la mission de prendre soin de notre pays et de ses enfants : "كلكم راعٍ وكلكم مسئولٌ عن رعيّته" . 

 

Viser les sommets, se départir de la médiocrité et des manoeuvres de bas étage est un devoir envers notre magnifique pays. Changer de paradigme et faire de la politique autrement est le minimum que l’on puisse faire. Sortir, un tant soit peu, du cercle étouffant et sclérosant de son égo et se rendre utile pour le pays au lieu d’être seulement utile à soi-même. Autour de moi, je ne vois que de l’étroitesse d’esprits, y compris dans la jeune génération d’hommes politiques. Jeunes dans leur corps et déjà vieux dans leurs têtes. A leurs côtés, une classe politique plus âgée, sans sagesse et sans générosité.

 

 

A l’heure où il faudrait tout donner pour bâtir une nouvelle Nation, ils n’ont d’horizon que leur propre personne, accablés par leurs complexes et l’obsession d’être important au lieu d’être utile. On croyait qu’après l’expérience amère de la décevante génération post soixante huitarde, celle du trio pourfendeur de l’espoir d’une Tunisie nouvelle et leur état d’esprit moribond, les choses allaient changer. Hélas, on constate que la génération censée prendre la relève, celle qui s’autoproclame moderniste, se trouve incarnée d’un côté par un apprenti-dictateur, et de l’autre, par un obsédé de la présidentielle, celui qui croit que l’on peut devenir président par un deuxième miraculeux alignement des astres. Quelle misère. Quel manque de générosité et de perspicacité !

 

 

Nous l’avons vu, la ruse, la roublardise, les manœuvres et les raccourcis ne peuvent se substituer au travail, à l’intérêt général, à l’utilité publique, à la probité et à la responsabilité. Il faut donner pour recevoir. Le chemin le plus sûr pour assouvir cet égo hypertrophié est la générosité à l’égard du pays et à l’encontre de nos concitoyens, sans complaisance, ni populisme.

 

Dire la vérité, identifier le mal, pointer les responsabilités et y apporter des remèdes et des réponses, sans prétention, ni excès d’assurance. Oui, certains de nos concitoyens sont en proie à la fainéantise, au manque de civisme, à l’obsession égoïste, engagés dans un rapport conflictuel avec l’Etat. Que dire de leur manque d’ambition, de leur défaitisme, de l’inversion des valeurs, de l’absence du sens de la collectivité, de l’attentisme et de l’assistanat.

 

Non, le chemin le plus sûr pour assouvir ses ambitions, n’est pas la ruse ou la roublardise, mais le travail et la probité. Des valeurs qui sont devenues dans cette Tunisie post-dictature, une insulte aux yeux de ceux pour qui l’argent est roi, pour qui les valeurs morales, l’éthique et le respect des règles sont synonymes de naïveté et de faiblesse.

 

Au jeu de la roublardise et de la médiocrité, les prétendants se comptent par millions dans notre pays. Mais à celui de l’abnégation, du don de soi, de la reconnaissance envers son pays qui a fait de nous ce que nous sommes, du sentiment profond de la responsabilité historique qui nous incombe, il y a très peu de candidats.

L’espoir ne peut venir que de notre jeunesse qui observe et se désole de voir leurs ainés si peu responsables et si victimes d’eux-mêmes. Une jeunesse qui doit se prendre en charge et affirmer sa volonté de puissance, en transformant le soulèvement de 2011 en révolution, consciente qu’elle est du fait que le soulèvement n’est que le rejet de l’existant et que la révolution est l’introduction du nouveau.

 

L’heure de la rupture a sonné, le choix entre Ovide et Lucrèce doit se faire, entre changement dans la continuité ou changement en éliminant les traces du passé. Dans les deux cas il s’agit bel et bien d’une métamorphose sans laquelle le nouveau ne peut voir le jour. Pour qu’on puisse accéder au rêve d’une Tunisie joyau de la Méditerranée, il faut une rupture générationnelle et paradigmatique.

 

09/11/2016 | 11:32
9 min
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Commentaires (14)

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amal
| 11-11-2016 09:12
comme tu as pu le remarquer du haut de ton QI nanométrique que tout le monde passe à côté de tes com. sans les voir même lorsque tu les interpelles. Tu n'intéresses décidément personne..j'avais 5 minutes à perdre mais pas plus !

" l'imbécillité est art qui s'entretient au quotidien ! " et c'est ce que tu fais chaque jour..tu as raison continue à muscler ton QI.

Letranger
| 10-11-2016 22:25
"...Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet..."
Courteline

amal
| 10-11-2016 19:52
mais je vais te rassurer :
tu es plus con que moi parce que je m'amuse de ton cerveau et tu es tombé comme un bleu dans mes pièges.
Pauvre bête au QI aussi petit qu'un nanomètre.
Letranger, tu es vraiment ridicule !

Tounsi BLid
| 10-11-2016 15:16
Croire que les années post ben ali vont nous apporter comme par miracle des dirigeants competents honnêtes et réellement patriote est une vraie connerie.
Tous des pourris en cravates qui font leurs beurres sur le dos des électeurs
Et pour qui le fric passe avant la Tunisie ......

El GHOUL
| 10-11-2016 14:18
Le mal du 21 ème siècle dans le monde et principalement dans les pays Arabes vient de l'islamisme dans toutes ses formes. Rien que de constater l'état de déchéance du monde Arabe montre que nous vivons une schizophrènie générale.

Letranger
| 10-11-2016 13:07
T'es aussi con que tu le parais pour tomber dans des pièges aussi grossiers.

adel
| 10-11-2016 12:38
Aucun commentaire. Le titre, à lui même, suffit. Déjà ça donne matière à réfléchir pour des générations à venir.

amal
| 10-11-2016 11:09
letranger a acheté sa femme, esclave contre : " j'ai payé ma femme nettement moins cher ( un seul chameau et quatre moutons plus un mouton pour le marchand)".
( cf : Letranger| 10-11-2016 07:52 article : Selma Elloumi Rekik : 2 milliards de dinars de recettes touristiques pour les 10 premiers mois de 2016 "

Et il veut nous donner des leçons de morale et de gestion.
C'est la meilleure !
Et l'esclave qui dort dans ton lit, tu lui verses quel salaire pour toutes les tâches ménagères ???
Shame on you !

Letranger
| 10-11-2016 07:59
Elle a surtout besoin de pognon et si possible de pognon gratuit, quitte à le quémander mais surtout pas à le gagner, c'est trop fatigant.

Dr. Jamel Tazarki
| 09-11-2016 18:06
Vous connaissez la chanson des Beatles: 'All You Need is Love' tata,tata,tata...
https://www.youtube.com/watch?v=sWEEaH3QZoI

Eh bien, c'est faux! L'amour seul ne suffit pas. La Tunisie a besoin plutôt de respect et d'amour!

Le respect d'autrui est l'un des premiers principes pour que la vie en société soit possible. Le respect d'autrui a été énoncée par le philosophe allemand Kant: "Agis de telle façon que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans celle d'autrui, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen"

Très Cordialement

Jamel Tazarki