« Il y a l’art de bien faire les choses et l’art de tout gâcher ! ». Le 5 mars 2018, à une heure de grande écoute, la vice-championne du monde d’escrime titulaire de 45 médailles dans des compétitions internationales, Azza Besbes, fond en larmes. L’incapacité de son autorité de tutelle à subvenir à ses besoins est en train de mettre en danger sa carrière. Un mois plus tard, le champion du monde de natation, Oussama Mellouli reçoit un courriel l’informant qu’il est exclu de la Fédération. Quand les deux champions les plus titrés de la nation subissent des préjudices, c’est tout le pays qui s’inquiète. Que ce passe-il avec nos sportifs d’élite ?
« Lorsque je décroche mes médailles, on m'appelle du ministère de la Jeunesse et des Sport pour prendre des photos telle une bête de foire. On nous promet la Lune, alors qu'il n'en est rien ! Je viens de subir une opération au poignet et je viens d'arrêter la kinésithérapie par manque de moyens. Ma carrière est menacée et je suis criblée de dettes » déclarait le 5mars, Azza Besbes, en pleurs. « Je ne pensais pas que la chose était aussi grave », répondit stupéfait le présentateur de l'émission Recap Sport, Abdo.
Tout au long de sa déclaration Azza Besbes a décrit sa vie en France où elle s'entraîne. Une vie faite de durs et couteux entrainements et de compétitions. L’athlète a aussi parlé de ses dettes accumulées au fil des ans, pour pouvoir maintenir son rang, de la nonchalance du ministère et de la Fédération et de mensonges. Elle demande aujourd’hui le respect des responsables et de toucher ce qu'il lui est dû. Elle a aussi dénoncé la mentalité ambiante dans l'administration, qui consiste à casser systématiquement les gagnants et a souligné qu'elle porte de bon cœur le drapeau national malgré le fait qu'elle n'a toujours pas de contrat signé avec la Fédération. Une autorité de tutelle inexistante dans le quotidien de l'escrimeuse détentrice de 45 médailles, dont 32 en Or !
A l’engouement médiatique suscité par cette intervention, le ministère de la Jeunesse et des Sports à réagit par un communiqué chiffré, où l’on fait noter à Azza Besbès qu’elle a bien reçu la totalité des fonds qui lui étaient destinés (240 000 dinars "en devise") pour l’année 2017. Le communiqué ministériel indique en outre que 68 mille dinars ont été débloqués exceptionnellement pour répondre aux besoins logistiques de l’escrimeuse. De l'argent qu'elle assure ne jamais avoir reçu. « Les 240 mille dinars pour le remboursement de mes frais, on me les a envoyé avec 10 mois de retard ! J’ai dû m’endetter auprès des banques pour survivre et garder mon rang » a commenté l’escrimeuse.
Cette situation précaire et de blocage avec l’autorité que vit Azza Besbes n’est pas isolée. A l’approche de la date des Jeux méditerranéens de 2018 de nombreux Athlètes de haut niveau n’ont toujours pas reçu les contrats les liants à leurs fédérations respectives. Certains ont même été exclus, comme l’a été le champion du monde de natation, Oussama Mallouli. En effet ce 2 avril 2018, l’un des plus grands nageurs de sa génération a déclaré dans plusieurs médias avoir reçu un courriel de la Fédération Tunisienne de Natation, l’informant de son exclusion. Dans son intervention, il a accusé le président de la Fédération de compromettre la signature du contrat et ce, malgré un accord de partenariat préétabli. « Le président de la fédération de natation a également refusé de signer les procès-verbaux de l’accord », a-t-il dit avant de souligner qu’aucun justificatif à cette expulsion n’a été fourni.
Oussama Mellouli a aussi tenu à préciser que le plus grand problème que rencontrent les athlètes aujourd’hui est le manque de communication avec la Fédération et le ministère de tutelle dont le rôle est de faire en sorte que l’athlète soit serein et bien préparé pour réussir. Car la logique veut que l’élite sportive soit préservée pour lui permettre de se préparer au mieux aux compétitions, déjà stressantes, afin qu’elle puisse donner le meilleur d’elle-même.
Etant donné la gravité des manquements décrits et le communiqué ministériel qui est tombé comme une confirmation de ces mêmes manquements, ces deux affaires sont une première dans l’histoire du sport tunisien. La bienséance aurait voulu que ces litiges soient résolus autour d’une table entre les concernés comme cela se passe dans les pays qui respectent leurs symboles.
En Tunisie, et « comme pour les punir d’avoir dénoncé publiquement les injustices qu’ils ont subi », les deux champions ont vu leurs dossiers gelés et subissent actuellement des pressions, du moins c’est ainsi qu’ils le ressentent. Punis !
Azza Besbes fait, quant à elle, l’objet d’une enquête pour déterminer la somme qu’elle a perçu depuis 2012 et n’a jusqu’à aujourd’hui pas encore encaissée les primes relatives à plusieurs de ses médailles.
Dans cette bataille engagée avec les champions du monde, les seuls vrais perdants seront les Tunisiens qui ne verront plus le drapeau rouge de la nation hissé au sommet. Le 4 avril, il y a deux jours, ont débuté les Championnats du monde juniors de taekwondo, à Hammamet, en avez-vous entendu parler ?
Sofiène Ahres
