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La Tunisie au bord du précipice : de la nécessité « d’entrer en stratégie »
05/12/2019 | 11:16
17 min
La Tunisie au bord du précipice : de la nécessité « d’entrer en stratégie »

 

« La stratégie, c’est l’art de faire face à son destin », Peter Drucker

Dans le sillage des élections présidentielle et législatives, la Tunisie enregistre une avancée sensible dans sa laborieuse transition démocratique. Cette dernière est saluée par certains en tant que modèle au sein du monde arabe. Néanmoins, toute avancée démocratique, si elle n’est pas maîtrisée et si elle ne répond pas aux aspirations du peuple profond, est porteuse en elle-même des germes de sa destruction. La démocratie n’est jamais acquise, demeure vulnérable et un retour en arrière est toujours possible. En effet, cette dernière est d’abord et avant tout un apprentissage permanent fait d’avancées et de reculs, d’arbitrages, une culture qui doit se diffuser et circuler au sein de l’ensemble du corps social, l’objectif ultime étant l’édification d’un Etat de Droit protecteur des libertés. A titre illustratif, ce processus a pris des siècles en France et au sein des grands pays dits démocratiques, eux-mêmes aujourd’hui en crise. Le concept même de démocratie, concept à géométrie variable ne pouvant être imposé et plaqué au nom d’un certain universalisme sur des réalités locales complexes, est bousculé par la montée en puissance de mouvements réfractaires, réactionnaires, religieux ou populistes. Cette avancée, érigeant la Tunisie en singularité et en îlot démocratique dans son voisinage, l’expose à des risques et à des menaces croissantes en provenance d’acteurs intérieurs et d’acteurs extérieurs soucieux que la Tunisie ne parvienne pas à trouver son point d’équilibre stratégique. Sans aspirer à s’ériger en un quelconque modèle ou à exporter son « modèle démocratique », la Tunisie, du fait même de son existence en tant que démocratie en gestation, constitue une menace existentielle pour des acteurs étatiques et non étatiques dans son voisinage et au Moyen-Orient.

Par ailleurs, cette avancée démocratique est confrontée à une menace majeure : elle peut être compromise et remise en cause à tout instant du fait de la grave crise économique et sociale à laquelle est confronté le pays. Si cette crise n’est pas surmontée dans les meilleurs délais par une prise de conscience des élites politiques et économiques, l’expérience démocratique tunisienne échouera. En effet, crise politique se conjuguant à une crise économique et sociale inédite dans l’histoire de la Tunisie, exacerbation des tensions sociales sur fond de baisse significative du pouvoir d’achat, aggravation de la pauvreté et du chômage, notamment des jeunes, montée en puissance de logiques tribales, claniques et locales marquant une distanciation de plus en plus prononcée entre le peuple profond et les élites induisant une rupture de confiance envers l’Etat, la classe politique et ses institutions, jeunesse désœuvrée en perte de repères sur fond de délitement du secteur éducatif, pressions accrues exercées par les bailleurs de fonds internationaux, manque de visibilité et de stabilité institutionnelle, émiettement et recomposition de la scène politique marquée par des luttes intestines quant à la formation du prochain gouvernement au détriment de la sortie de crise du pays, crise institutionnelle paralysant le pays, absence d’une vision claire, globale et inclusive en mesure de fédérer l’ensemble des forces vives du pays autour d’un avenir partagé, risque sécuritaire incarné notamment par le terrorisme et le crime organisé transnational, poids de l’économie informelle et évolution dans un voisinage stratégique tourmenté, voire hostile, constituent autant d’éléments d’incertitude et de volatilité devant interpeller les autorités tunisiennes.

La Tunisie est à la croisée des chemins et au bord du précipice. Il n’est plus concevable de gouverner comme par le passé. La longue transition tunisienne a directement contribué à l’affaiblissement de l’Etat, au relâchement de la discipline et du civisme, à la montée consécutive des revendications corporatives et régionales ainsi qu’au ralentissement économique. Les retards dans la lutte contre la corruption et contre les pratiques frauduleuses ont eu pour conséquence un inquiétant délitement de la cohésion nationale et un effritement du contrat social menant à de profonds questionnements quant à l’identité nationale, à l’enracinement des trafics et du crime organisé transnational sur fond de menace terroriste permanente, ce qui constitue autant de freins dans la stratégie de redressement politique et économique longtemps attendue et fermement promise par les gouvernements successifs. Troublée, la Tunisie a perdu ses repères. Les multiples résultats de sondages révèlent le profond pessimisme, l’impatience et la perte de confiance généralisée des citoyens en l’avenir. La restauration de l’autorité de l’Etat dans sa netteté et sa probité et le rétablissement de la confiance entre les autorités, les politiques et les citoyens s’érigent en impératif et en priorité. L’Etat se doit d’assumer son rôle central, qui reste à définir, et de répondre à l’angoisse et aux attentes du Tunisien.

Dans ce contexte, l’analyse prospective et la culture de l’anticipation s’érigent en impératif de bonne gouvernance. En effet, décoder la complexité croissante afin d’orienter les politiques publiques et la prise de décisions autour des questions stratégiques est un enjeu majeur de politique publique et de conduite du changement.

Cette réalité appelle un nouveau paradigme stratégique : lever les incertitudes, fixer le cap, affirmer une vision. La Tunisie a besoin d’un projet stratégique fédérateur, mobilisateur, inclusif et résolument moderne afin de transcender les crises qui l’entravent et menacent la pérennité du processus démocratique. La conjoncture nationale, régionale et internationale appelle un sursaut, dicte un changement d’attitude et d’état d’esprit. Pas de relance sans lucidité et ambition mais pas de stratégie possible sans liberté et autonomie d’action. Il s’agit d’être en mesure de donner du sens à l’avenir pour mieux éclairer l’action présente et proposer une stratégie permettant la matérialisation d’une vision pour le pays.

[2]

Afin de surmonter les obstacles et les divers écueils, il convient, avant toute chose, d’élaborer des scénarios de sortie de crise, d’identifier les leviers de l’avenir et de mobiliser l’ensemble des forces vives de la nation autour d’une stratégie fédératrice sur les plans politiques, économiques, sociaux et culturels. Les atouts de la Tunisie doivent être valorisés afin de faire face aux risques, de juguler les menaces et d’initier une dynamique vertueuse de changement. En définitive, il s’agit de mobiliser l’expertise et le savoir au service de l’action présente tout en forçant le destin, en provoquant les changements souhaités tant au niveau des politiques publiques que de l’ensemble des forces vives de la nation et du citoyen afin d’ancrer la Tunisie dans la modernité de son temps. La dynamique du vouloir et le volontarisme stratégique doivent être au cœur des décisions politiques.

A ce stade, la révolution opérée par les urnes révélant la rupture entre le peuple profond et le système profond ne semble pas entendue par une classe politique autiste et prisonnière de luttes intestines pour la sauvegarde ou la conquête du pouvoir sur fond de généralisation, telle une pieuvre, de la corruption, du népotisme et d’une culture de la médiocratie. Ce sursaut, s’il n’est pas entendu, risque à tout instant, à la faveur d’une étincelle, d’allumer un brasier social aux conséquences incalculables et imprévisibles quant à la stabilité de la Tunisie. L’avenir et la pérennité du processus démocratique sont en jeu.

La Tunisie est travaillée par des lignes de fracture et de vulnérabilités offrant autant d’opportunités aux acteurs intérieurs et extérieurs aspirant à une déstabilisation du pays et à l’avortement du processus démocratique. A titre illustratif, nous pouvons citer :

La confiscation de ressources stratégiques du pays, à l’instar du phosphate, puis du pétrole et très probablement à l’avenir de l’eau, portant gravement atteinte à l’économie nationale, révèle l’accumulation de frustrations et de tensions locales et régionales issues de la volonté d’une élite et des gouvernants de préserver à tout prix le modèle économique héritée de Carthage. De manière schématique, ce modèle est fondé sur l’accaparement, à moindre frais, par les régions côtières tournées vers la mer et donc la richesse, des ressources humaines et des richesses du « hinterland » tunisien. Toutes les politiques engagées depuis la révolution de 2011, qui fut un coup de tonnerre et un signal d’alerte, n’ont œuvré qu’à sauvegarder ce modèle moyennant quelques ajustements de façade. N’est-il pas temps de songer à l’élaboration d’un nouveau modèle de développement économique rompant avec le passé, préservant le système tout en répondant aux enjeux et défis du présent et de l’avenir ? Une vision prospective globale s’impose plus que jamais. Une véritable réflexion de fond, sans dérobade et sans tabous, devra être menée avec lucidité et pragmatisme. Dans un monde caractérisé par son affolement et son imprévisibilité, il s’agira, non pas de « rafistoler les modèles du passé », mais d’innover, de penser et réfléchir autrement sans pour autant « renverser la table ». La bascule dans l’inconnue est sans lendemain.

La montée en puissance des trafics en tous genres et du crime organisé transnational, en mesure de s’assurer de solides relais locaux, a abouti à la cristallisation d’une ligne horizontale, contrastant avec la verticale caractérisée par nos relations à l’Union Européenne, reliant la frontière libyenne à la frontière algérienne. Cette ligne virtuelle brisant en deux la Tunisie est caractérisée par la généralisation des trafics et de l’économie informelle échappant ainsi, dans une grande mesure, au contrôle de l’Etat sur le plan économique. Dès lors, nous assistons à un renversement de souveraineté économique qui pourrait ouvrir la voie, à la faveur du jeu d’acteurs internes et des stratégies malveillantes d’acteurs externes, à un renversement de souveraineté politique. La carte électorale des dernières élections confirme le clivage Nord-Sud et régions côtières et hinterland déjà constaté lors des élections de 2014. La cohésion et la souveraineté nationales sont plus que jamais exposées à de multiples risques et menaces. Toute dynamique de fragmentation du tissu social et économique tunisien et d’affaiblissement du pouvoir de l’Etat doit être rapidement contenue et « étouffée dans l’œuf » ;

L’aveuglement et les luttes intestines de la classe politique tunisienne frôlant l’indécence face à un peuple de plus en plus impatient révèlent une crise ou un fourvoiement de la démocratie naissante en Tunisie ;

La constitution de 2014 ayant abouti à un régime de partis a épuisé ses vertus. Le fonctionnement des institutions, notamment centrales, ne peut permettre, en l’état, d’initier les réformes indispensables au redressement économique et social du pays. Trois pilotes dans un avion en perdition n’ont jamais été en mesure d’éviter le crash. La Tunisie, ingouvernable à l’image de la IVème République française, navigue ballotée au gré des vagues, sans vision, ni cap. Une réforme de la constitution de 2014 et de la loi électorale s’érige en priorité nationale absolue ;

L’incapacité des dirigeants depuis janvier 2011 à construire une vision d’avenir conjuguée à des scénarios de sortie de crise suffisamment inclusive et fédératrice pour insuffler un élan national permettant d’amorcer une dynamique vertueuse de sortie de la crise économique et sociale hypothèque l’avenir du pays. Au contraire, l’aggravation de la pauvreté et du chômage, la détérioration du pouvoir d’achat d’une classe moyenne de plus en plus paupérisée, ont ébranlé la confiance du peuple envers ses dirigeants. L’attente est devenue inacceptable et insupportable face à une classe politique se limitant à énumérer une série de promesses non tenues. Certains n’ont pas pris la juste mesure du fossé grandissant aboutissant ainsi aux résultats des élections présidentielles et législatives marquant le réveil du peuple profond aspirant à être étroitement impliqué dans le processus décisionnel au risque de « renverser la table ». L’appel à la dignité, le « dégagisme », le succès du slogan « le peuple veut », l’aspiration à la justice et à la lutte contre la corruption s’inscrivent dans cette dynamique de fond. Le peuple profond n’est plus disposé à tergiverser et s’impatiente. Pire, certains perdurent dans leur aveuglement coupable ou feignent de ne rien voir, l’essentiel étant de demeurer au pouvoir. Pourtant, si « la table est renversée », la Tunisie s’expose à des lendemains obscures scellant le sort de la transition démocratique ;

Une jeunesse désœuvrée et sans perspectives d’avenir prenant de plus en plus ses distances avec la classe politique, les institutions de l’Etat, l’Ecole, l’Université et les référentiels classiques pour opter soit pour « les paradis artificiels », soit les terres du jihad, soit les théories révolutionnaires ou anarchistes. L’incapacité à ériger cette jeunesse au cœur des politiques publiques en lui ouvrant des perspectives d’avenir et en lui redonnant foi et espoir en sa patrie, tels sont les éléments non exhaustifs justifiant son attirance pour les mouvements extrémistes, qu’ils relèvent du divin ou de l’anarchisme. « A 20 ans, ne croyons-nous pas que nous sommes en mesure de refaire le monde, de renverser la table ? ». Cette dynamique dopée par la formidable puissance des outils de la révolution numérique et digitale conjuguée aux subtiles théories de manipulation des foules va continuer à redessiner la carte socio-politique tunisienne au risque de nous exposer à de profondes ruptures susceptibles de menacer la transition démocratique et la sécurité nationale du pays ;

Sommes-nous en mesure d’apporter une réponse sans ambiguïté à cette interrogation qui constitue le socle de la nation tunisienne : « qu’est-ce qu’être tunisien aujourd’hui ? ».Quel récit national avons-nous en partage ? Ce récit national constitue le substrat et la colonne vertébrale de la nation tunisienne. Un épais brouillard l’enveloppe progressivement dans l’indifférence des uns et les certitudes trop ancrées des autres. Le résultat des élections ne fait que révéler l’épaisseur grandissante de ce brouillard jetant un trouble sur l’identité du tunisien. Dans ce contexte, de nouvelles formes de contestation émergent et bousculent les schémas traditionnels en optant pour des modalités d’expression et d’action s’affranchissant des cadres traditionnels. « L’archipellisation des sociétés » marquée par l’effritement du référentiel commun et l’atomisation du corps social est une dynamique planétaire qui vient de frapper durement la jeune démocratie tunisienne en gestation. En géopolitique, un concept est au cœur de toute analyse : le concept de représentation, c’est-à-dire, la manière dont un acteur local ou international perçoit son environnement, se le représente, défend une thèse et ses croyances, etc. Quelles sont les représentations portées par la jeunesse tunisienne ? Pourquoi un tel vote ? Quels sont ses ressorts ? Est-ce une dynamique de fond et durable marquant une rupture ? Il conviendra d’être en mesure de décortiquer tous les éléments qui composent ces représentations, leur articulation, la manière dont elles sont utilisées, leurs perspectives d’évolution dans la dynamique d’une rivalité de pouvoir s’installant durablement sur le territoire tunisien. Un observatoire de la jeunesse fédérant l’ensemble des acteurs impliqués devrait être mis en place afin de répondre efficacement à ces interrogations ;

L’agriculture, l’industrie, la révolution numérique et digitale et son corollaire l’innovation scientifique et technologique, la lutte contre la corruption, l’économie informelle, le pouvoir d’achat, les inégalités régionales, la santé, l’Ecole, le transport, l’édification d’une nouvelle politique étrangère multivectorielle prenant acte des bouleversements régionaux et planétaires, une politique de défense et de sécurité répondant aux défis du présent et de l’avenir, la réforme de l’administration, la réforme des institutions, etc. constituent autant de chantiers prioritaires. Il s’agit de libeller les priorités. Une certitude : nous ne pouvons pas manquer « le train » de la quatrième révolution numérique et digitale au risque de disparaître. Parallèlement, des Tunisiens ne mangent pas à leur faim, vivent en dessous du seuil de pauvreté dans des conditions précaires et inacceptables : la stratégie sera l’art de conjuguer ces contraires et ces impératifs paraissant inconciliables. 

La Tunisie de 2019 est complexe, fragmentée, contradictoire, contrastée et marquée par de profonds clivages[3]. Face à cet état de fait, les grilles d’analyse simplistes s’avèrent réductrices et dangereuses. Il convient de plonger dans notre complexité en valorisant les études stratégiques, seules à même, via les approches participatives et inclusives associant les forces vives du pays, d’apporter les éclairages qui font défaut. Il nous appartient de « casser les modèles mentaux », tout en sauvegardant le système, et de bâtir, en impliquant l’ensemble des forces motrices du pays, une vision stratégique d’avenir pour la Tunisie suffisamment innovante, fédératrice et inclusive, pour insuffler un élan national vertueux brisant les idéologies révolutionnaires nihilistes tout en rompant avec le passé. Redonner espoir à la jeunesse tunisienne devra également être érigé en axiome dominant.

La Tunisie doit « entrer en stratégie », cultiver et diffuser la pensée stratégique et prospective. Compte tenu de la situation présente, plus que jamais « gouverner, c’est prévoir ». Stratégie, prospective et vision combinant les impératifs du court et du moyen terme doivent guider la gouvernance et les politiques publiques. Il n’est plus acceptable de naviguer au gré des vagues et de gérer au jour le jour dans l’urgence en subissant les évènements. Plus que jamais, il convient d’anticiper les crises ou opportunités par la valorisation de l’attitude prospective et de l’anticipation opérationnelle en privilégiant la pro-activité. Soit nous sommes maîtres de notre destinée, des acteurs de l’Histoire, soit nous n’en sommes que des objets manipulés par d’autres. Comme le souligne le Général Vincent Desportes, « la stratégie naît d’un besoin, d’un désir d’avenir : elle est une nécessité émergeant d’une situation. Je rentre en stratégie car je sais ne pas pouvoir me contenter de ce que je suis aujourd’hui, sauf à accepter le dépassement puis la disparition dans un monde qui évolue constamment. Cela suppose d’avoir une vision de long terme et de bien comprendre que dans notre monde moderne extrêmement volatile, si vous restez sur place vous disparaissez »[4].

En Tunisie, l’Institut Tunisien des Etudes Stratégiques, devrait assumer pleinement cette mission de Vigie, d’incubateur de la réflexion stratégique et prospective, de pivot d’élaboration des politiques publiques du présent et de l’avenir en prenant de la hauteur par rapport aux contingences dictées par la gestion des crises dans l’urgence. L’institut devrait permettre le rayonnement de la pensée stratégique et prospective dans le pays en impliquant les ministères, les universités, les Hommes d’affaires, les acteurs sociaux et la société civile afin de valoriser une réflexion participative et inclusive fédérant autour d’une vision d’avenir vertueuse et portée par tous. La Tunisie, perdue, troublée, sans boussole, au bord du précipice, a besoin d’un cap, d’une vision traçant le chemin d’une sortie de crise et ciblant un scénario normatif souhaitable à l’horizon 2030.

[5]

Plus précisément, une double vision prospective s’impose : une étude fondée sur le moyen terme, dégageant des scénarios de sortie de crise à activer immédiatement et des orientations stratégiques permettant la matérialisation d’une vision pour le pays à l’horizon 2030. L’étude déjà menée au sein de l’ITES, « La Tunisie en 2025 », certes perfectible et devant être actualisée, pourrait constituer un excellent point de départ. A ce stade, elle demeure inexploitée. Une seconde étude valorisant l’approche exploratoire devra s’interroger sur la Tunisie que nous souhaitons à l’horizon 2050 ? Quels sont les faits porteurs d’avenir, les signaux faibles à ne pas manquer ? Quels sont les enjeux et défis de l’avenir ?, etc. Ainsi, seraient articulés les impératifs du court terme (2030) et du moyen terme (2050). A cet effet, il convient de libérer les initiatives et de créer des espaces de dialogue et de liberté. Je finirai sur cette phrase : « n’oublions pas que la première logique de l’univers stratégique, c’est la logique du grain de sable ! ».

 

Mehdi Taje

Expert senior en géopolitique et en prospective

Directeur de Global Prospect Intelligence



 

[3]Pour de plus amples détails, lire l’excellente tribune de Mustepha Benchenane, RDN, « Les Tunisiens ne s’en sortiront pas tout seuls », tribune N°1123, 4 novembre 2019.

[4]« La Faiblesse des démocraties, c’est le court terme », Général Vincent Desportes, Thomas Romanacce, Capital, 22 novembre 2019, consultable au lien suivant : https://www.capital.fr/economie-politique/general-vincent-desportes-la-faiblesse-des-democraties-cest-le-court-terme-1355934.

05/12/2019 | 11:16
17 min
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Commentaires (5)

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URMAX
| 05-12-2019 18:19
... "la démocratie, c'est faire ce qui te plait" ...
Voilà - mot à mot - à quoi se résume la compréhension du terme démocratie chez - quasiment - tous nos compatriotes.
...
L'explication est "là" ; toute simple, mais en même temps tellement compliquée ... par ce qu'elle implique !
...
Le problème "unique" est d'ordre CULTUREL !
Tout ce que vous soulignez dans vos lignes, Mr Taje (et qui est véridique), est étroitement lié à "culture et discipline" :
- L'aspect grégaire de l'opinion populaire et leur attrait (refuge) derrière les (la) religion(s).
- Les comportements criminels : trafics de contrebande; trafic fiscal (recels, détournements de fonds, escroqueries, falsification et faux et usage de faux ; crime organisé (mafia) ...
- Les incivilités et manquements (négligences) en tout genre ...
...
Tout cela est du à quoi, selon vous ?
Ces [bonnes manières citoyennes] et tout ce que cela implique, s'apprend, dans d'autres contrées lointaines, dès le primaire [où l'on sensibilise dès le plus jeune âge "à faire ce qui est juste et bon"], non pas pour soi-même (!!) , mais surtout - et avant tout - pour l'ensemble de la société dans laquelle nous évoluons.
"L'être" émanant de telles institutions est mûr ; équitable et juste ... ce qui précisément nous fait cruellement défaut, ici.
...
L'instauration d'une démocratie - de "LA" démocratie - nécessite un certain niveau sociétal et culturel, nécessaire pour que chaque individu faisant partie intégrante de ladite société, se comporte de manière "responsable" de part son comportement !
...
Et puis, l'instauration d'une démocratie est toujours une bonne chose ....... mais .... tel un arbre qui fleurit, il faut laisser le temps au fruit de se former puis de mûrir "en le protégeant des agressions extérieures d'insectes" pour qu'il ne devienne pas "véreux" !
Puis, enfin, il conviendra de le cueillir "à temps [avant qu'il ne pourrisse] !

Skander Ounaies
| 05-12-2019 17:01
Mehdi,Bravo pour le papier qui évoque des pistes de compréhension de l'évolution trés incertaine de notre pays actuellement,évolution que beaucoup ne saisissent pas dans son ampleur et surtout dans son grand pouvoir destructeur.Cet article rejoint celui que j'ai ,en toute modestie ,publié dans le Monde /Afrique du 11/09/2019: " il y a une incomréhension reciproque entre l'Europe et la Tunisie" à propos de l'ALECA,,et où j'évoque une socièté tunisienne divisée et recalcitrante aux effets fedérateurs (Ecole,Histoire,Etat).
Hélas trés peu sont conscients de cette fracture en construction destructrice pour le pays.
Professeur Skander Ounaies

Abou Walid
| 05-12-2019 15:24
Le titre "La "Tunisie au bord du précipice" m'évoque une histoire réelle qui parle d'un responsable politique d'un pays voisin qui, venant d'obtenir son indépendance, haranguant la foule, leur dit " Hier on était au bord du précipice, aujourd'hui on a fait un pas en avant " ! Je vous laisse imaginer le reste de la scène.

Rationnel
| 05-12-2019 15:02
"l'Institut Tunisien des Etudes Stratégiques, devrait assumer pleinement cette mission de Vigie, d'incubateur de la réflexion stratégique et prospective"
Il n'y a aucun pays ou un instrument politique a la responsabilité d' élaborer une stratégie. l'ITES est une agence rattache a la présidence qui sert a récompenser un fidèle du Président.

Tous les pays du Golfe ont une stratégie : 2030 ou 2025:
Arabie Saoudite: Saudi Vision 2030
Koweit: Kuwait Vision 2035
Qatar ; Qatar national Vision 2030
Liban: Lebanon Economic Vision
EAU : UAE Vision 2021
Egypte: Egypt Vision 2030
...
Je travaille sur un programme d'intelligence artificielle base sur le OpenAI GPT-2: un système de synthèse de texte. L'algorithme peut apprendre des texte et puis produire un texte original en se basant sur des "prompts" et des données pour rendre le nouveau texte plus original. Avec Monsieur Mehdi Takje, on donne a ce programme tous les documents de "visions 2030" des divers pays et le programme va nous produire un beau document "Tunisia Vision 2030".

Mais ce document restera théorique puisque les forces du mal et les groupes familiaux en Tunisie vont toujours réussir a manipuler l'opinion pour tuer toute initiative et préserver leurs monopoles et la misère de la majorité.

Léon
| 05-12-2019 12:07
Monsieur Taje, vous devriez étudier les ensembles d'intérieurs vides, bien connus en mathématiques. On a l'impression que c'est plein; mais rien, c'est aussi pourvu que le vide. C'est trop poreux et inconsistant. Comme l'est votre texte et comme le sont vos analyses.
La seule analyse qui vaille, c'est que tous ceux qui vous ressemblent n'y ont vu que du feu le 14 janvier. Jour qu'ils ont considéré comme libérateur et porteur d'espoir.
Bien contrairement que votre serviteur Léon qui a tout compris dès le départ.
Léon, Min Joundi Tounis Al Awfiya;
Résistant.

VERSET 112 de la SOURATE des ABEILLES.