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Chroniques
La sûreté de l'Etat soupçonnée d'atteinte à la sûreté de l'Etat….
06/11/2017 | 15:59
6 min

C’est sans aucun doute l’un des week-ends les plus houleux de l’Histoire de l’Arabie saoudite avec l’arrestation de 11 princes, 4 ministres et des dizaines d'ex-ministres au motif de lutte contre la corruption. Pour le moment, ils sont tous logés dans la « prison » feutrée du Ritz de Ryadh, un des meilleurs palaces du pays. Une première ! Parmi les plus connus chez nous, on cite notamment Al Walid Ibn Talel et Salah Kamel, deux grands amis de la Tunisie qu’ils ont aimée et où ils ont investi à leur manière. Une manière qui ne plait pas forcément à tous, notamment en ce qui concerne les Berges du Lac où Salah Kamel a conditionné son investissement par l’interdiction d’alcool dans la zone, mais ceci n’empêche que leurs investissements ont gardé des traces positives dans notre pays. Ce même week-end, dans la même Arabie saoudite, on a vu le Premier ministre libanais Saad Hariri, fils du martyr et leader Rafik Hariri, présenter sa démission. Une première mondiale qui a surpris tous les observateurs ! Le Premier ministre d’un Etat souverain qui annonce sa démission depuis un autre pays sur une chaîne étrangère concomitamment avec la purge politique sans précédent, il y a de quoi s’interroger sur ce qui se passe dans cette région. Et on se tromperait lourdement si l’on croit que la Tunisie n’est pas touchée ou concernée, car la fin de semaine a été également houleuse chez nous, même si c’était moins spectaculaire, avec ce qu’on peut appeler un véritable scandale d’Etat.

 

Vendredi 3 novembre vers 13 heures, les médias les plus sérieux de la place relaient, quasiment en même temps, la nouvelle du mandat de dépôt émis par un juge d’instruction du Tribunal militaire contre Najem Gharsalli, ancien ministre de l’Intérieur et qu’on croyait encore ambassadeur de Tunisie à Rabat. Moins d’une demi-heure plus tard, les mêmes médias (dont Business News) rétropédalent en annonçant qu’il n’y a pas eu de mandat finalement et que M. Gharsalli est en liberté. Une erreur ? Il est toujours possible qu’un média, aussi sérieux soit-il, commette une erreur en publiant une information insuffisamment vérifiée, personne n’y échappe. Mais que tous les médias se trompent en même temps, cela est impossible. Chaque média a ses propres sources et chacun croise ses propres informations avec ses différentes propres sources et il y en a au moins deux. Ceci était valable pour Business News, mais également pour quelques autres confrères qui n’ont pas l’habitude du plagiat et qui sont réputés pour leur sérieux. Qu’est-ce qui s’est alors passé ce fameux vendredi dans le dossier de Najem Gharsalli ?

Le matin, avant 10 heures, le président de la République reçoit le ministre de la Défense. Quelques heures après, on annonce le mandat de dépôt d’un ancien ministre par un juge militaire théoriquement indépendant de son ministre de la Défense. Quelques minutes après, on annonce que le mandat a été contesté parce que ledit ancien ministre est techniquement encore juge et il ne saurait être privé de sa liberté sans l’aval du Conseil supérieur de la magistrature. En milieu d’après-midi, des conseillers du président de la République appellent quelques journalistes et patrons de presse pour tenter de redorer le blason de Najem Gharsalli et dire qu’il y a beaucoup de contrevérités dans son histoire, telle que relayée par plusieurs médias qui ont l’habitude de vérifier et revérifier leurs infos. En fin d’après-midi, le ministère des Affaires étrangères (organiquement dépendant de la présidence) publie un communiqué laconique faisant part du limogeage, depuis quelques jours déjà, de M. Gharsalli de son poste d’ambassadeur à Rabat.

Pourquoi le ministère des Affaires étrangères n’a pas communiqué plus tôt sur le limogeage ? Pourquoi le ministère de la Défense n’a pas  communiqué sur l’évolution de ce dossier brûlant sans pour autant violer le secret de l’instruction ? Quelle est la position de la présidence de la République dans toute cette affaire ? 

Najem Gharsalli n’est pas le seul cité dans cette affaire. Avant lui, le même juge a auditionné et fait arrêter Saber Laâjili, directeur général de la Sûreté touristique et Imed Achour, directeur général des services spécialisés du ministère de l’Intérieur. En bref, trois hautes personnalités de l’Etat, mastodontes de son appareil sécuritaire qui, le moins que l’on puisse dire, sont impliquées dans une affaire de sûreté de l’Etat. L’Etat menacé par l’Etat en somme…

Les informations controversées et les points louches dans cette affaire ne datent pas de vendredi dernier. Précédemment, Mohamed Abbou, ancien député, avocat militant et dirigeant au sein du parti Attayar, a déclaré que Saber Laâjili, arrêté depuis le mois de mai, subit une grande et grave injustice dans ce dossier. La famille de Imed Achour est allée dans le même sens, vendredi dernier lors d’un point de presse quasiment boycotté par tous les médias.

 

Quelles conclusions tirer ? Du cafouillage à plusieurs niveaux. Judiciaire d’abord, car le parquet et/ou le juge d’instruction se doit de donner un minimum d’informations au public puisque cette affaire n’est pas anodine et touche la sûreté de l’Etat et de hautes personnalités de l’Etat. Le secret de l’instruction n’est pas suffisant pour justifier le mutisme. Il n’y a que dans les dictatures militaires où l’on considère que les affaires de l’Etat (et ses scandales) ne concernent pas les citoyens.

Il y a ensuite le cafouillage de la présidence de la République qui suit le dossier de très près. Bon à rappeler, les hauts dirigeants cités n’ont pas été nommés par Ennahdha ou la troïka, mais par l’équipe de Béji Caïd Essebsi. Bon à rappeler aussi, le premier à être cité dans cette affaire est le très controversé Chafik Jarraya, qui, avant son arrestation, fut très proche de Nidaa Tounes, parti dirigé par le fils du président de la République.

Deuxième cafouillage de la présidence, l’intervention supposée dans la « libération » de Najem Gharsalli. C’est quand même étrange que le président de la République reçoive le ministre de la Défense presque au même moment où ses services devaient procéder à son arrestation.

Tout le monde sait par ailleurs que Khemaïes Jhinaoui est un diplomate très discipliné qui n’oserait jamais limoger un ambassadeur ou publier un tel communiqué laconique, sans avoir consulté au préalable le président de la République. Comment donc expliquer que cette même présidence défende et enfonce le même Gharsalli en un seul après-midi ?

Y a-t-il eu  cafouillage du MAE avec la publication de ce communiqué ? Fort improbable… N’empêche, il y a eu quand même cafouillage quand on sait que M. Gharsalli est cité dans cette affaire depuis longtemps et qu’on l’a quand même maintenu à son poste. Pour beaucoup moins que cela, Fadhel Abdelkefi a dû démissionner des deux ministères qu’il dirigeait ! Le limogeage de l’ambassadeur aurait dû se faire depuis l’été et le communiqué l’annonçant aurait dû se faire le jour même de la prise de décision. Mais comme le MAE ne décide rien sans consulter le palais de Carthage, on peut soupçonner ce dernier d’être à l’origine du cafouillage. Avec tout cela, il commence à en faire un peu trop et il faudrait mettre un terme. Une seule solution prévaut : la bonne communication de la vérité, ce qui n’est plus le fort de la présidence (depuis le départ de Moez Sinaoui) ni du MAE et encore moins de l’appareil judiciaire militaire. 

 

Maintenant, la question qui se pose est faut-il voir un lien entre ce qui s’est passé en Arabie saoudite ce week-end et cette affaire impliquant Chafik Jarraya et Najem Gharsalli ? Tiré par les cheveux? Peut-être... Le moins que l’on puisse dire est que les deux scandales portent un seul titre générique, la lutte contre la corruption. C’est la mode en ce moment et différentes ONG payées de l’étranger en font leur porte-drapeau et le gagne-pain principal de leurs « militants ».  

06/11/2017 | 15:59
6 min
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Commentaires (9)

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Ataturk
| 09-11-2017 22:55
Vous dites: "les hauts dirigeants cités n'ont pas été nommés par Ennahdha..."
Non, mais vous savez bien que depuis 2012 aucun ministre de l'intérieur n'a été nommé sans l'accord d'Ennahdha" sauf peut-être le ministre actuel.
Vous savez aussi très bien que Chafik Jarraya était un fervent soutien d'Ennahdha pendant le règne de la troika, avant qu'il n'adhère à Nida Tounès.
Ceci d'une part, d'autre part je ne vois aucun rapport entre la lutte contre la corruption en Arabie Saoudite (menée pour imposer l'autorité du jeune prince Mohamed Ben Salman le futur roi) et celle menée en Tunisie

Zine Yahia
| 07-11-2017 11:21
Zine reviens STP, Tous le peuple t'aime ( a part les traîtres larbins des beniya3reb ) ! Les microbes nous ont envahi avec leur révolte de la brouette boazizienne ! les boulahias prolifèrent et tuent nos soldats et nos policiers tout les jours. Les gauchistes et les droit de l'hommistes les ont relâchés de leur habitat naturel : des prisons ou ils logeaient et des grottes ou ils se cachaient. Ils se sont approprie de toutes les ressources du Pays qui agonise. De Pays pauvre en voie de développement nous sommes passes au statut de Pays misérable en voie de d'extinction. Notre niveau de vie est passe au niveau de la Somalie et du Bangladesh. Des énergumènes déambulent dans nos rue vêtus de haillons afghans et des fantômes de femmes bâchées par des torchons préhistoriques. SOS reviens STP remettre de l'ordre dans le chaos. Si tu te présente comme candidats tu auras 80/90% des voix car on en a marre de leur dimoucratie digagiste de ploucs. On veut un régime fort, laïc et compétent comme celui que tu nous a fait sur mesure. C'est le seul régime viable pour mater la horde. Ce peuple de loques a un besoin vital de la Matraque Salvatrice !

DHEJ
| 06-11-2017 19:49
Héritier du Bey et héritier du Monarch... "froukhs"!

eshmoun
| 06-11-2017 19:44
des "Gaîtés de l'escadron" on passe carrément , chez nous , à celles des escadrons ; çà résonne de cliquetis de toutes sortes et çà promet ! c'est gai ! gai gai comme une gigue entamée sur fond de lutte anti- corruption s'il vous plait... grotesque !
Voilà un article édifiant et particulièrement bien vu !chapeau l'artiste !

MT
| 06-11-2017 19:42
Puisque il y a deux vieux têtes qui tiennent la corde de décisions,rien ne se décide,rien ne ce réforme,rien n'avance,Allah lè trabah Ettawafec!!!!

Nephentes
| 06-11-2017 19:15
L'épisode n'étonnera pas les avertis et notamment les diplomates étrangers

La Tunisie, Beji Caid Essebsi en tête, nage en eau trouble depuis longtemps : la souveraineté de ce pays est l'exception, son instrumentalisation par des tierces parties étrangères est la règle.

Il est de notoriété publique qu'un nombre considérable de hauts fonctionnaires ce pays sont à la solde de services secrets étrangers, dont le mossad ( le parrain de notre bien aimé ZABA),la DGSE,la CIA etc .

Cet épisode peut cacher un complot benaliste, qui chercherait à profiter du chaos libyen et des résidus -conséquents- de l'ancien système encore opérationnels pour déstabiliser le pays.

Il ne faut pas oublier les rôles de fidèles serviteurs du régime benaliste joués par GHARSALLI et ACHOUR.

On voit bien à la lumière de cet épisode que la révolution du 14 janvier est et reste en grande partie un décor de carton pâte, maintenu à grande peine par des pantins conscients d'être instrumentalisés ou pas.

Zohra
| 06-11-2017 18:25
Effectivement, cafouillage des médias sur la communication de l'ancien ministre de l'intérieur entre ceux qui racontaient qu'il était prison et ceux qui racontaient qu'il était entre fuite et l'asile politique , qui dit mieux, Beaucoup d'ambiguïté. Peut être s'il tombait, beaucoup de têtes tombaient avec lui qui sait ? "Rabi yaster Ça nous cache quoi tout ça ? Ya min taht essayahi dawahi

fethia
| 06-11-2017 18:00
En Arabie Saoudite La volonté politique est très présente pour prendre des décisions comme celle d'arrêter des émirs et des ministres ainsi que des hommes d'affaire influents. Des personnages qui pèsent très lourds au Royaume et dans le monde tel que El Walid Ibn Talel ,Salah Kamel et le président de la prestigieuse chaîne MBC. En Tunisie on cafouille et on bafouille et on n'arrive pas à dire la vérité aux tunisiens. La volonté politique est complètement absente et on ne sait pas si le ministre concerné est coupable ou pas.

Mouzal
| 06-11-2017 17:14
Mieux vaut ne pas se poser trop de questions à ce sujet.
De toutes les façons aucune réponse n'est à espérer...
Quant à l'information, il y a 7 ans que l'on s'est, encore mieux, assis dessus (sans compter les 53 précédentes)!