Toute la scène nationale a été frappée de plein fouet suite à l’attaque terroriste de Ghardimaou. Cet attentat lâche, ayant fait 6 morts parmi les agents de la Garde nationale et 3 autres blessés a fait remonter en surface la réalité de la menace terroriste permanente. Or, et malgré la profondeur du drame, certains esprits ont tenté de le récupérer et de l’exploiter pour des fins purement politiques.
A peine quelques heures passées depuis l’annonce de l’attentat de Ghardimaou perpétré dans la journée d’hier, que voilà on assiste à des tentatives de récupération fusant de toute part. Les détracteurs du gouvernement de Youssef Chahed n’ont pas raté l’occasion pour pointer du doigt l’échec de sa formation et la nécessité de procéder à un remaniement total et radical. La tâche leur fût aisée, d’autant plus que l’attaque coïncide avec le limogeage de l’ancien ministre de l’Intérieur Lotfi Brahem, et la vague des nouvelles nominations au sein du corps de la Garde nationale.
Sans aucune considération pour les victimes et leurs familles, sans le moindre respect du deuil de l’institution sécuritaire, les esprits intéressés se sont lancés dans tous les scénarios possibles et imaginables. Glorification de l’ancien ministre, accusation de manquement et de paresse, théorie du complot, tous les moyens étaient bons pour frapper le gouvernement de Youssef Chahed et justifier la nécessité de son éviction.
Sauf que la réponse est parvenue par les techniciens, et les hommes de la Garde nationale. En effet, le secrétaire général du syndicat de la Garde nationale, Sami Gnaoui a indiqué que cette attaque n’est pas due aux récents remaniements au sein du ministère de l’Intérieur ajoutant que le limogeage de certains responsables n’a en aucun cas entravé l’activité habituelle de l’appareil sécuritaire. « Le ministère de l’Intérieur ne dépend pas des personnes et les derniers limogeages n’avaient aucun effet sur le déroulement normal des activités des sécuritaires. Cependant, on a écarté certaines compétences ce qui a compromis l’efficience de l’appareil sécuritaire. Il faut établir une coordination entre les services de renseignements civils et ceux militaires. Il est nécessaire aussi de mettre en place une unité conjointe entre la Garde nationale et les militaires afin d’optimiser la vigilance et anticiper les attaques ». Cependant, il existe selon lui, une nécessité de changer le dispositif sécuritaire, devenu obsolète, déplorant le manque de moyens matériels alloués à la Garde nationale à l’instar des véhicules blindés et des détecteurs de mines. Une défaillance qui est en partie responsable des dégâts de cet incident.
Les mêmes propos ont été affirmés par le porte-parole du même syndicat, Mehdi Bouguerra qui a ajouté que la guerre était une guerre de nomination entre l’ancien ministre et la présidence du gouvernement, précisant que le dernier mouvement était un pourvoi des postes vacants. Il a ainsi souligné que les responsables intérimaires n’ont pas été limogés, et ont retrouvé leurs postes au sein de la Garde nationale : « Il y avait un grand vide au niveau de plusieurs districts et des zones frontalières. Le problème aujourd’hui, c’est qu’on assiste à l’ingérence des partis politiques et des lobbys qui veulent imposer leurs choix à travers les désignations dans certains postes clés ».
D’ailleurs, même au niveau des réactions, se sont « les dirigeants » de certains partis politiques et autres organisations, qui se sont exprimés. Le porte-parole de Nidaa Tounes, Mongi Harbaoui, a ouvert le bal jugeant plus important, en ces moments difficiles, de pointer « l'échec du gouvernement qui doit quitter, sans être regretté la scène politique »
Le secrétaire général de Machrouû Tounes, n’a pas raté l’occasion en affirmant : « Nous allons d’abord porter le deuil de nos valeureux martyrs de la Garde nationale qui ont donné leur vie pour protéger la nation et leur dire adieu comme un Etat doit saluer ses héros. Mais celui qui porte la responsabilité de cette tragédie, de ceux qui jouent avec le pays comme un enfant avec un jouet, nous en reparlerons. Sachant qu’ils n’ont jamais eu le courage d’assumer leur responsabilité auparavant, ils ne le feront pas aussi cette fois je pense ».
Le secrétaire général de la centrale syndicale, Noureddine Taboubi a, bien évidemment, rebondi sur la question réitérant sa position revendiquant le départ du chef du gouvernement, Youssef Chahed.
Pour le parti Ennahdha, outre son communiqué officiel, deux de ses responsables se sont exprimés sur le sujets. Il s’agit, en l’occurrence de la valeureuse Yamina Zoghlami et le progressiste Lotfi Zitoun. Sur la même longueur d’ondes, les deux figures du parti islamistes ont estimé qu’il est temps de reprendre le dialogue national : « Regardez où sommes-nous lorsque nous avons arrêté le dialogue », indique Yamina Zoghlami. Pour Lotfi Zitoun « le conflit politique nourrit le terrorisme ; notre pays a réussi grâce au consensus et on ne peut avancer sans ».
Indignée de ces deux interventions, la jeune Nidaisite Rabeb Sebaï s’est interrogée : « J’aimerais bien comprendre le rapport des terroristes avec le dialogue, encore moins avec le consensus. Si on s’accorde, vous leur demanderez de se calmer ? Soit le consensus, soit la guerre civile ? Soit le consensus, soit le terrorisme ? Soit le consensus, soit un bain de sang ? Les menaces se font au grand jour maintenant ».
En tout état de cause, la récupération est devenue le sport favori de notre classe politique. Sans respect ni d’égard aux martyrs de la nation, certaines personnes se sont laissées aller dans cet élan de calculs étroits pour tenter de profiter d’une occasion en or, afin d’acculer le gouvernement en place. Et si certains usent des interprétations et des extrapolations, d’autres vont même jusqu’à la menace.
Sarra HLAOUI