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Chroniques
La politique monétaire de la BCT a-t-elle un sens ?
03/11/2017 | 08:37
4 min

Alors que le mandat de Chedly Ayari, Gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), ne s’achève juridiquement qu’en juillet 2018, à moins d’un improbable limogeage qui signifierait qu’il a été lâché par la seule personnalité qui aurait pu y faire obstacle,  le président de la République, Béji Caïd Essebsi, voila que l’on commence déjà à spéculer et parier sur son successeur. Curieux. Car, bien téméraire est celui qui prétendrait aujourd’hui pouvoir tenir les rênes de l’institut d’émission et y conduire la politique monétaire et de change idoine pour sortir le pays de la crise économique. La compétence de Chedly Ayari n’a déjà pas suffit. Son successeur devra l’avoir aussi et plus encore avoir la capacité d’affronter la bourrasque lorsque les nécessités obligent. Durant ces dernières années, Chedly Ayari a mené la BCT sur un délicat chemin de crête. La politique expansionniste qu’il a dirigé n’a pas fourni les résultats escomptés. La croissance est demeurée molle et la trajectoire de l’inflation est restée toujours incertaine. Plus encore, la stabilité du système financier et la défense de la monnaie, ces deux missions dont la BCT était en charge et qui ne le sont plus en vertu de la nouvelle loi bancaire modifiant les missions de l’institut et réduisant les priorités sur le seul ciblage de l’inflation. Aujourd’hui, ce n’est pas seulement les perspectives de croissance, d’investissement, d’exportations et d’emploi qui causent des soucis, mais également la fragilité du système financier et la valeur de la monnaie. Malheureusement, on n’a pas donné une « bonne politique » au Gouverneur de la BCT pour qu’il fasse de « bonnes finances ». Ce serait effectivement le cas cette année.

 

La volte-face opérée par l’institut d’émission à travers le relèvement de son taux directeur successivement aux mois d’avril et mai dernier fournissait déjà un signal d’alerte. Sans la mise en œuvre des réformes structurelles dont a besoin l’économie pour se redresser, une politique monétaire accommodante va nécessairement réveiller les tensions inflationnistes et pire encore va opérer de sérieux travers dans la politique financière du pays.

 

Le constat est amer. C’est le calendrier économique du gouvernement, toujours incertain, qui a eu raison de la politique monétaire accommodante de la BCT.  Elle est devenue inutile dès lors qu’elle a plus servi à creuser les déficits jumeaux du budget et des paiements courants qu’à booster la croissance. Les liquidités injectées par l’institut d’émission pour répondre aux besoins des banques n’ont pas été canalisées vers l’investissement productif  comme cela pouvait être espéré. La décision prise par l’autorité monétaire de plafonner le montant de ses intervention sur la marché monétaire à hauteur de seulement 7 milliards de dinars deux mois après avoir relevé le taux directeur d’un point de pourcentage à 5% pour rectifier le tir ne semble pas avoir suffit pour apaiser la demande de liquidité. Actuellement, le taux moyen du marché monétaire frôle le plafond du corridor de 25 points de base par rapport au taux directeur fixé par la BCT, à 5,24% alors qu’il affichait un taux de 4,94% à la fin du mois de juin 2017. Et ce n’est pas tout puisque les banques se sont massivement ruées vers les « facilités de prêt à 24 heures » auprès de la BCT, dépassant les 1 200 MD en moyenne au cours du mois de juillet 2017 pour retomber sous la barre du milliard de dinars à fin du mois d’octobre 2017. On est très loin des données de l’année dernière durant laquelle le recours à cet instrument dépassait à peine 100 MD. Même les recours au swap de change ont enregistré un accroissement remarquable.

 

Las, tout cela a été consenti pour un maigre résultat en termes d’investissement. Depuis le début de l’année, les crédits recensés par la centrale des risques de la BCT n’ont augmenté que de 5,4%. Ce qui est plus remarquable est que les crédits de court terme ont augmenté plus vite que les crédits de moyen et long terme, traduisant les besoins de trésorerie des entreprises pour maintenir leur activité, respectivement 7,5% et 2,6%. Quant aux crédits à la consommation octroyés, ils ont augmenté de 7,7%.

 

Tout cela a été consenti aussi pour creuser davantage le déficit de la balance commerciale fragilisant dans son sillage la balance des paiements extérieurs courants et le niveau des réserves en devises que tente de préserver l’institut d’émission à coup de dépréciations successives qui creusent par elle-même davantage le déficit. A la fin du mois de juillet 2017, le creusement du déficit commercial de 1,5 milliards de dinars supplémentaires par rapport au déficit affiché par la même période de l’année dernière serait dû à hauteur de plus de 66% à la dégradation du taux de change du dinar, à 28% à un effet de volume et seulement 4% à un effet prix, selon des données publiées par l’Observatoire tunisien de l’économie qui cite comme source la BCT. Cette spirale infernale risque de s’amplifier encore avec l’alourdissement du service de la dette et le gonflement implicite de l’endettement.

L’héritage que lèguera Chedly Ayari séduit-il encore des prétendants ?

03/11/2017 | 08:37
4 min
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Commentaires (4)

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Nephentes
| 05-11-2017 05:56
Je suis vos articles avec beaucoup d'intérêt Si Houcine, tant ils sont pertinents et bien construits.

Je souhaiterais souligner l'impact extrêmement négatif de la dévaluation de notre monnaie sur
l'EVASION FISCALE DE MASSE,
le déficit des paiements courants
et la faiblesse de l'investissement productif.

Ces trois éléments jouent un rôle majeur dans les perspectives de résilience de notre économie

Notre pays se retrouve depuis PLUS DE 30 ANNÉES amputé d'une grande partie de ses recettes en devises en raison de la fuite des capitaux et de l'émergence d'un marché de change parallèle HORS DE CONTRÔLE, depuis 2005, et non pas, comme le pensent certains, depuis 2012.

Depuis 2013, suite au passage calamiteux de la maudite Troika, la BCT doit faire face à une explosion des dépenses liées au déficit de la balance commerciale et au service de la dette.

La fuite de capitaux représente un problème systémique vieux d'au moins 30 années : des investissements COLOSSAUX sont réalisés en Europe, en Afrique Subsaharienne, dans les pays du Golfe, voire en Amérique du Sud par le biais de la fuite de capitaux émanant de nos principaux hommes d'affaires.

Tous y participent, sans exception.

Ce phénomène est ÉTONNAMMENT PASSE SOUS SILENCE.

C'est POURTANT un des principaux facteurs qui ont freiné le développement de la Tunisie.

Depuis 1998, en moyenne, 950 millions de dollars par an quittent la Tunisie via des circuits illicites et très BIEN ORGANISES, par les plus hautes sphères de l'ETAT.

Il faut absolument se rendre compte qu'au fil de ces 30 dernières années le flux de capitaux ayant quitté illicitement le pays représente un montant hallucinant, inconnu par l'immense majorité des pauvres citoyens :

On évoque...130 OOO millions de Dinars !!!

C'est un fléau aux conséquences tragiques pour ce pauvre pays : un tout autre visage de la Tunisie, en termes de qualité des infrastructures, de PIB, de qualité d'éducation, de soins etc..., aurait pu se dessiner sans la mafia prédatrice de cette oligarchie économique et bureaucratique qui a détruit durablement notre potentiel de développement.

Entre 1970 et 2010, la Tunisie a perdu la somme de 38,9 milliards de dollars (33 milliards d'euros) en fuite de capitaux, soit presque le double de sa dette publique (21,6 milliards de dollars en 2010).

C'est ce qu'a révélé le rapport « Capital Flight from North African Countries » du PERI, l'institut de recherche sur l'économie politique de l'Université du Massachussetts.

Ce rapport évoque notamment le cas tunisien comme une « exception » dans la région, dans la mesure où durant le régime de Ben Ali, 33,9 milliards de dollars (28,7 milliards d'euros) ont quitté le pays, soit plus de 87 % de la fuite cumulée de capitaux enregistrée sur ces quatre décennies.

Durant le régime de Ben Ali, 33,9 milliards de dollars (28,7 milliards d'euros) ont quitté le pays, soit plus de 87 % de la fuite cumulée de capitaux enregistrée sur ces quatre décennies (AFP)
Selon le PERI, la fausse facturation des transactions commerciales internationales constitue l'un des principaux mécanismes de fuite de capitaux.

Cela se produit via la sous-facturation des exportations (en minimisant la quantité et les prix), dans le but de dissimuler les revenus réels et de maintenir la différence dans des comptes à l'étranger.

Autre procédé : la surfacturation des importations, qui permet aussi d'obtenir des devises supplémentaires auprès des autorités bancaires et de dissimuler la différence dans des comptes privés ou d'autres actifs.

Le montant de ces fausses facturations est estimé en comparant les statistiques d'importations et d'exportations déclarées par la Tunisie à celles de ses partenaires commerciaux.

Par exemple, les importations tunisiennes en provenance de France sont comparées aux exportations de la France vers la Tunisie pour la même catégorie de produits ou de services.

Le rapport indique une certaine accélération de la fuite des capitaux durant l'année 1984.

Pour l'expert en économie Jamel Aouididi, cette période correspond à la crise qui a secoué l'économie tunisienne avec une forte dévaluation du dinar ayant entraîné les émeutes du pain.

L'expert estime par ailleurs qu'il y a une forte corrélation entre la dévaluation monétaire et la fuite de capitaux : « Lorsqu'il y a une dévaluation, les gens cherchent à sauvegarder la valeur de leur argent en le transformant en devises. C'est ce qui se passe actuellement en Tunisie ».

Selon de récentes statistiques douanières, sur les 2,5 milliards de dinars (850 millions d'euros) de devises qui ont été déclarés aux frontières en 2016, uniquement 25 % ont intégré le système formel.

Autrement dit, trois-quarts des devises qui entrent dans le pays échappent aux canaux officiels de la Banque centrale et finissent dans le réseau de change parallèle.

L'État se retrouve ainsi privé de ressources essentielles pour assurer ses approvisionnements et honorer ses engagements envers ses bailleurs de fonds, au moment où il en le plus besoin.

le scénario argentin ou grec se confirme.

DHEJ
| 03-11-2017 17:17
Mais cette mission de CANALISATION n'est pas a la portée d'un ex-communiste!

Alors MILLIME DE CROISSANCE VS le MILLIME DE LA STAGNATION VOIRE RÉCESSION!

Mais HIMAR mangeur de HIMAR ne produit que de la BHAMA!

Bienvenue dans le BHAMA-LAND!

Admin iktissad belfellaki
| 03-11-2017 13:14
Respects pour la finesse de votre réflexion.

Himar
| 03-11-2017 09:31
BCT ou Bhim Con et Tartour, est une institution d'un autre âge, qui pratique des taux d'intérêt d'un autre âge (le crédit immobilier au Maroc se négocie à 4%, en europe à 1% et chez nous à 10% !) et qui offre des cadeaux aux banques (1% de TMM en plus c'est 100 milliards de profits en plus pour la Biat, cadeau du ciel, qui sera réinvesti en biscuits et chocolats et séjours de golfe à miami), et qui rechigne à mettre le dinar à sa vraie valeur (soit 1 euro = 20 dinars), etc.... Himar en rigole