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Chroniques
La politique et le jeu des chaises musicales
17/08/2014 | 16:22
3 min
Par Sofiene Ben Hamida

L’universitaire Olfa Youssef a annoncé sa démission de Nidaa Tounes. Elle s’est dite ne pas être faite pour la politique et qu’elle a été déçue par le manque d’éthique et les comportements des femmes et des hommes au sein des partis. Elle a avoué en somme qu’elle avait fait une interprétation erronée du concept gramscien de l’intellectuel organique et que la pensée, libre par excellence, s’accommode mal à la discipline partisane.

Courageuse, Olfa Youssef n’est pas la première à faire ce constat amer. De prestigieux intellectuels avant elle ont fait une expérience partisane et ont vite déchanté. Jean Paul Sartre, Albert Camus, Jacques Brel, Jean Ferrat et bien d’autres ont vite fait de choisir leur liberté de pensée à l’idéologie et à l’engagement partisan. D’autres n’ont pas eu ce courage et sont passés à côté d’une grande carrière de penseurs. Du côté de chez nous, Mahmoud Messadi et à un degré moindre Habib Boularés en font partie.

Mais eux au moins ils peuvent se targuer d’avoir réussi une grande carrière politique. D’autres n’ont même pas cette latitude. Le « philosophe » islamiste, Abou Yareb El Marzouki, dont la contribution à la pensée humaine est peu vérifiable n’a rien apporté à la politique qui ne lui a rien rendu en échange. Il a vite quitté la scène, en silence, sur la pointe des pieds. L’historien de Carthage Adnène Mansar se cramponne encore à son poste de porte-parole officiel. Pour cela, il n’hésite pas à tordre le cou à la vérité historique ce qui fragilise fortement son statut de chercheur. Aujourd’hui, il ne lui reste à faire valoir qu’un piètre statut de voix de son maitre.

Olfa Youssef semble par ailleurs offusquée par le manque d’éthique, les guerres fratricides et les querelles de positionnement au sein du Nidaa. Il est vrai que ce qu’y se passe et choquant et très loin des espoirs portés dans ce parti au départ. Il est vrai aussi que les tensions sont exacerbées à l’approche des élections. L’acharnement à parachuter le fils du chef du parti à la tête d’une liste électorale est désolant et symptomatique d’une culture anti démocratique qui règne au sein du Nidaa. La génétique ne pouvant en aucun cas remplacer le mérite et la compétence. Du moins pour les intellectuels, comme Olfa Youssef. Car pour les autres, ces hordes de béni oui-oui qui pullulent au sein des partis politiques, au Nidaa comme ailleurs, la seule logique qui compte est celle qui les rapproche du but, celui de figurer en bonne position sur les listes électorales de leurs partis.

Prenons l’exemple du vice président d’Ennahdha, Abdelfettah Mourou. Il a été longtemps malmené, humilié par ses pairs mais a continué à faire le dos rond pour se faire nommer finalement à la tête d’une liste électorale. Pragmatique à souhait, le plus important pour lui c’est que le but soit atteint. Et peu importe si au passage, sa dignité d’homme l’a été à plusieurs reprises elle aussi.

Pour ceux qui n’ont pas eu la chance de Abdelfettah Mourou, ceux qui ont rencontré sur leurs chemins plus forts qu’eux dans le petit jeu des combines et du positionnement, ceux qui sont les victimes de l’anthropophagie politique régnante comme Néjib Mrad, Sonia Ben Toumia et beaucoup d’autres au sein d’Ennahdha comme ailleurs, il ne leur reste que leurs yeux pour pleurer et se donner en spectacle et leurs voix pour crier à la trahison.

Mais ces perdants ont tort de se lamenter pitoyablement sur leur sort, tout comme l’universitaire Olfa Youssef a tort de croire à une pratique politique saine. En Tunisie comme ailleurs, le champ politique est miné par les ambitions personnelles et les querelles de positionnement. Seulement ailleurs, ce champ est mieux balisé et les règles du jeu politique sont plus claires et respectées par tous. Un jeu qui s’apparente au jeu des chaises musicales : celui qui perd se doit de quitter la scène.

17/08/2014 | 16:22
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