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Chroniques
La politique de l'autruche de la BCT
06/04/2017 | 15:59
4 min

Si les résultats de la conjoncture des deux premiers mois de 2017 sont calamiteux. C’est le gouvernement qui en est seul responsable. La Banque centrale n’y est pour rien. Ah bon ?

 

La récente publication par la Banque centrale de Tunisie (BCT) de sa note de conjoncture, « Evolutions économiques et monétaires » traduit une réelle inquiétude de l’institut d’émission sur les perspectives de l’économie tunisienne durant l’année 2017.  

 

L’économie réelle ne donne pas franchement de signes solides de reprise, au mieux quelques frémissements émanant de certains secteurs d’activité tels que l’agriculture, le tourisme ou le secteur minier, dont on connait par ailleurs l’extrême sensibilité aux moindres chocs. Le secteur industriel manufacturier souffre, quant à lui, le martyr et ses perspectives sont également loin d’être rassurantes. Les intentions d’investissement déclarées auprès de l’Agence de promotion de l’investissement et de l’innovation (APII) durant les 2 mois de 2017 affichent un recul de plus de 30% par rapport à la même période de 2016. A cet égard, il ne faudra pas trop compter sur la nouvelle législation de l’investissement pour espérer un renversement de cette tendance compte tenu du lourd tribut fiscal et social que consentiront les entreprises (contribution fiscale supplémentaire de 7,5% des bénéfices et augmentation des salaires) cette année. Du côté des exportations, les signaux sont alarmants. A prix constants, nos exportations ont marqué une baisse de presque 5%, durant les deux premiers mois de l’année 2017 alors qu’au niveau des importations, on est en présence d’une hausse de plus de 9%. Les pertes de part de marché au double niveau extérieur et intérieur sont significatives. Elles éclairent amplement sur la détérioration de la compétitivité du produit national. Et plus encore, sur les pressions que subissent les paiements extérieurs. Durant les 2 premiers mois de 2017, le déficit de la balance commerciale dépasse les 2,5 milliards de dinars contre environ 1,35 milliard au cours de la même période de 2016. Les recettes touristiques ont enregistré une baisse de 2,1% durant la même période et la balance des services a continué de dégager un solde déficitaire pour la deuxième année consécutive. Maigre consolation, les revenus de travail ont connu en revanche une légère hausse de 1,1%, par rapport aux deux premiers mois de 2016. Résultat : « le déficit courant a atteint 2,1 milliards de dinars, soit environ 2,1% du PIB, au cours des deux premiers mois de 2017, contre 890 MDT et 1% du PIB une année auparavant », indique la note de la BCT.

 

L’institut d’émission ne se suffit pas de ces seuls indicateurs. Il enfonce carrément le clou en faisant étalage de la dégradation des finances enregistrée à la fin de 2016. « L’examen des résultats provisoires de l’exécution du budget de l’Etat de 2016, fait apparaître un creusement du déficit budgétaire à 6% du PIB contre 3,9% du PIB prévus par la loi de finances 2016 et 4,8% du PIB en 2015 », remarque la BCT. Il est vrai que le déficit est inquiétant. Cependant, les comparaisons établies avec les estimations de loi de finances 2016 et encore plus avec les résultats budgétaires de l’année 2015 ne sont nullement pertinentes. Il aurait été plus judicieux de comparer les résultats budgétaires de 2016 par rapport à la loi de finances complémentaires qui a fixé le déficit budgétaire à 5,7% du PIB. D’autre part, le rapprochement avec les résultats de 2015 peut être sujet à des réserves compte tenu de la conjoncture économique de l’une et de l’autre année et de leurs incidences budgétaires respectives en termes de recettes et de dépenses.

 

Au moment où le gouvernement prépare la revue-programme avec le FMI afin de pouvoir décaisser les tranches, en stand-by, du prêt de 2,7 milliards de dinars accordé par le Fonds dans le cadre du mécanisme élargi de crédit, voilà que la BCT semble suggérer que si les objectifs quantitatifs fixés par l’accord de crédit ne sont pas atteints ou, tout au moins, partiellement atteints, cela est de la seule responsabilité du gouvernement. Pourtant, l’institut d’émission aurait bien des puces à secouer. Sa politique de refinancement a pris ses derniers temps une folle allure. On pouvait la comprendre dès lors qu’elle visait à dynamiser l’investissement. On pouvait fermer les yeux lorsqu’elle servait implicitement à financer les besoins budgétaires du gouvernement. Mais on ne la comprend plus lorsqu’elle servira à financer les besoins des entreprises pour qu’elles s’acquittent de la contribution fiscale exceptionnelle de 7,5%, comme cela semble être le cas. Là, on ne peut plus parler de politique monétaire prudente, ni de « pressions inflationnistes non significatives d’origine monétaire ». Il n’est qu’à constater les raisons des pressions à la dépréciation du taux de change du dinar, pour comprendre.

 

 

06/04/2017 | 15:59
4 min
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Commentaires (6)

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Dr. Jamel Tazarki
| 08-04-2017 11:51
Merci pour votre Feedback,

Je partage votre avis concernant le développement des pays asiatiques et je voudrais rajouter deux principes/règles que se sont imposées les Chinois:
1) ne jamais acquérir une technologie semblable à celle que l'on a déjà dans le pays
2) La technologie importée devrait permettre de fabriquer des produits ayant des effets socio-économiques positifs à l'intérieur du pays et ayant aussi une compétitivité sur le marché international.

Malheureusement, ces deux règles n'ont jamais été appliquées en Tunisie! Et notre économie en souffre énormément! Je me demande ainsi, ça sert à quoi de laisser Orange France ou Qatar/Ooredoo s'installer en Tunisie, si elles risquent de ruiner Tunis Télécom.

Il n'y a pas un seul homme d'affaires millionnaire/milliardaire en Tunisie dont les entreprises n'appartiennent pas en grande partie à des cartels internationaux qui absorbent souvent inutilement nos devises étrangères. Délice monopolise le marché laitier en Tunisie est à 50% française. Avons-nous besoin de Danone afin de produire notre fromage et pasteuriser notre lait? Au juste, on ne produit que très peu en Tunisie par nous même!

Très Cordialement
Jamel Tazarki

adil Boutda
| 07-04-2017 19:51
Mr Jamal Tazarki

L'exemple chinois est intéressant, mais vous remarquerez qu'il se base sur un partenariat public/privé. Il faut à tout prix éviter que des fonctionnaires gèrent l'outil de production. Au XIX siècle les japonais avaient commencé par ça avant de se raviser et vendre les grandes entreprises qu'ils avaient crées à des familles de marchands. l'Autre élément nécessaire, est une prise en charge "systémique" de la problématique de développement! Les japonais et à leur suite, coréens taïwanais puis chinois avaient attaqué de front tous les secteurs de leurs sociétés pour qu'ils aillent au même rythme d'évolution, car quand on laisse de côté un des secteurs (éducation, agriculture...) il finit toujours par handicaper et freiner la marche des autres pans plus développés. Ces pays avaient tous des régimes autoritaires qui n'hésitaient pas à prendre des décisions impopulaires quand il le fallait, comme le remembrement des propriétés agricoles, afin de rendre possible leur mécanisation...

Dr. Jamel Tazarki
| 07-04-2017 10:37
Pourquoi les quatre dragons asiatiques sont devenus des pays développés à part entière, et notre révolution de Jasmin ne nous a garanti que plus de misère????

Nous avons collecté 19 milliards d'euros sous forme d'aide et de dettes extérieures après la révolution de Jasmin et pourtant on n'a pas pu réussir le décollage du sous-développement au développement!

Notre révolution de Jasmin a permis à nos riches de s'enrichir encore plus et à la masse pauvre de s'appauvrir encore plus ===> Seulement l'oligarchie, la bourgeoisie, nos millionnaires et les arrivistes ont profité exclusivement des 19 milliards d'euros et pratiquement rien ne s'est infiltré à la masse pauvre!


Des études sérieuses montrent que les quatre dragons asiatiques sont devenus des pays développés grâce à une stratégie de développement intelligente:

1) Intervention active et très intelligente de l'État ==>un mélange de libéralisme et d'interventionnisme direct, actif et très intelligent: L'État crée les infrastructures, L'État un actionnaire provisoire (voir mon commentaire ci-dessous: une solution à la chinoise), mise en place de mesures protectionnistes, choix des secteurs prioritaires pour le développement, etc., etc., etc.

2) satisfaire les besoins vitaux de la masse pauvre ==> Le décollage socio-économique commence par des réformes agraires importantes afin de créer une classe moyenne nécessaire afin de créer une demande interne.

3) formation par la pratique et pragmatique d'une main d''uvre qualifié (très peu de théorie inutile au décollage mais beaucoup plus de formation universitaire et scolaire par la pratique)

4) l'investissement se fait d'abord par le bat en finançant les initiatives intelligentes pour la création de l'emploi ==> offrir des perspectives et de l'espoir pour une vie meilleure à la masse pauvre

5) L'industrialisation par la promotion des exportations ==> production de biens destinés à l'exportation, destinés en premier lieu au marché mondial en se basant sur les avantages comparatifs.

5) l'appropriation de certaines technologies des pays développés: textile, chimie, électronique, informatique, etc.

6) une meilleur répartition des richesses

7) émancipation de la femme


La Tunisie était très mal dirigée au temps de notre ex-troïka sur le plan socio-économique et il est temps de s'inspirer des dragons asiatiques afin de garantir l'autosuffisance et des jours meilleurs à notre peuple!


Jamel Tazarki

C'est dans l'intensité, la régularité et le renouvellement du débat socio-politique que se forge le gouvernement du peuple. La bonne santé de notre jeune démocratie tunisienne se mesure à ses contre-pouvoirs. Voilà pourquoi l'indépendance des médias, de la justice, l'activité syndicale et la qualité du débat parlementaire concernent tous les Tunisiens.

Dr. Jamel Tazarki
| 07-04-2017 10:35
Il faut se libérer de cette idée absurde de l'entrepreneur tunisien créateur qui serait le personnage central de notre développement économique, qui prendrait des risques pour créer de nouveaux produits et emplois et ne demandant qu'un peu de capital-risque et d'être libéré des charges fiscales. Une idée platonique que voudrait nous imposer l'UTICA. Même un taux directeur négatif ne pourrait pas motiver nos hommes d'affaires affairiste à investir. Le rêve de développement d'un Silicon Valley en Tunisie ne serait possible qu'avec l'intervention directe de l'État.

Il n'y a pas un seul homme d'affaire millionnaire/milliardaire en Tunisie dont les entreprises n'appartiennent pas en grande partie à des cartels internationaux. Même délice qui monopolise le marché laitier en Tunisie est à 50% française (avons-nous besoin de Danone afin de produire notre fromage et pasteuriser notre lait???) ! Au juste, on ne produit que très peu en Tunisie par nous même!

Il est temps de réviser les rôles respectifs de l'Etat et des firmes privées dans le processus du développement socio-économique de notre pays. Le véritable entrepreneur qui prend des risques a toujours été le pouvoir public en Tunisie. Il n'y aura pas d'amélioration socio-économique essentielle dans laquelle l'Etat tunisien ne joue pas le rôle moteur, non seulement comme entrepreneur mais aussi comme créateur de marché.

Les firmes privées tunisiennes exigent et obtiennent des baisses d'impôts et des dépenses publiques et privent ainsi l'Etat tunisien des moyens financiers de jouer son rôle d'entrepreneur dans des secteurs économiques indispensables pour la Tunisie où personne n'ose investir, elles assèchent ainsi les moyens de la source d'investissement de l'État sans pour autant apporter de remèdes à notre économie. L'action publique est irremplaçable en Tunisie. Et ça ne sert à rien de jouer avec la valeur du taux directeur afin de motiver nos hommes d'affaires affairistes à investir et de faire ainsi fonctionner notre économie' Il faut faire face à la réalité et l'accepter sinon on risque la faillite totale et le collapse socio-économique!

La seule chose que maitrisent nos hommes d'affaires affairistes est l'industrie touristique et avec la faillite de cet industrie tout un pays risque la faillite.

Non, Il nous faut une politique socio-économique/industrielle qui devrait redonner à l'intervention publique une place centrale, non comme correcteur des échecs de marché ou garant de la libre concurrence, mais comme entrepreneur dans des domaines où personne n'ose prendre le risque et comme créateur de marchés. Cela exige de ne plus financer les firmes tunisiennes privées passivement et indirectement avec des mécanismes ruineux.


Jamel Tazarki
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Dr. Jamel Tazarki
| 07-04-2017 10:33
Je propose pour la Tunisie une solution pragmatique à la chinoise. En effet, le gouvernement chinois a créé une structure organisationnelle par laquelle il peut procéder en tant qu'actionnaire dans tous les grands projets économiques afin d'optimiser la gouvernance et de guider la modernisation. Même si ces sociétés par actions présentent des particularités d'entreprise privées (actionnaires, conseil d'administration, rapports annuels), le gouvernement chinois détient au départ toujours la majorité des actions et il exerce ainsi un contrôle solide sur l'activité de l'entreprise. La privatisation complète se fait quand l'entreprise fait des bénéfices. Le gouvernement chinois a ainsi créé plus que 4 millions d'entreprises privées. Ces entreprises emploient près de 120 millions de chinois. La chine fait pression sur les responsables des banques afin de permettre des prêts à des conditions avantagées aux nouvelles entreprises qui sont au début surveillées par les fonctionnaires des autorités chinoises. Ces prêts hors des conditions de marché ne sont accordés qu'aux entreprises rentables. Les entreprises non rentables n'ont plus le droit d'opérer ou d'investir car les règles du marché les forcent à arrêter leurs activités ou du moins de ne pas réaliser de nouveaux investissements. Lors de la privatisation complète des entreprises fonctionnantes, les banques reçoivent leur argent de nouveau. Le stock des créances est à plus de 1200 milliards de dollars. Les dirigeants chinois sont conscients de la fragilité de ces investissements. C'est pour cela que les banques chinoises reçoivent du budget de l'Etat. Le gouvernement chinois cherche aussi des capitaux privés, chinois et étranger afin de recapitaliser ses banques. Par contre l'Etat chinois (contrairement aux américains et aux européens) n'accorde pas de crédit hors conditions de marché (très faible taux d'intérêt) aux ménages et à la consommation. Les ménages chinois doivent préalablement épargner les sommes nécessaires pour l'achat d'une voiture ou d'un appartement. De même de nombreux produits d'assurance ne sont pas disponibles. Les ménages doivent également épargner pour se protéger contre les risques de la vie courante. On comprend ainsi pourquoi le taux d'épargne des ménages chinois est très élevé et d'ailleurs il ne cesse pas de croître. Le taux d'épargne des chinois est de 50% du BIP. Ce taux d'épargne contribue à l'investissement. Les banques d'Etat dirigent l'essentiel de l'épargne chinoise vers les entreprises. Ces prêts soutiennent la production et favorise l'investissement. Ce qui augmente le taux de croissance du PIB.


La question est comment assurer l'autosuffisance et la stabilité des prix dans un temps record. Pour cela, il suffit de transformer notre agriculture traditionnelle, en la dotant d'équipements et de techniques d'avant-garde. L'agriculture moderne nécessite des techniques avancées, des équipements de haute performance et des agriculteurs qualifiés. Il nous faut un haut rendement, une excellente qualité, une grande rentabilité et un bon écosystème. Le développement de la productivité agricole est un but primordial de la construction de la nouvelle Tunisie. Le mode de production agricole caractérisé par les systèmes d'irrigation classique et de labour traditionnel n'est plus suffisant afin de nourrir 13 Millions de Tunisien. Afin de développer une agriculture moderne, il est important de la transformer et la doter des techniques modernes de l'hydro-culture. Puis, il faut augmenter les investissements dans les régions rurales, soutenir financièrement les agriculteurs.

Parallèlement, il faut pratiquer des politiques économiques structurelles qui ont une action à long terme. Par exemple une politique industrielle comme l'encouragement de la production artificielle des engrais agricoles et de l'industrie chimique.

De même, je propose de déterminer les potentialités de notre pays et de mettre en oeuvre les projets correspondants. Nous privilégions lors de la réalisation de nos projets d'abord le savoir-faire et les compétences locales. Et pour combler les compétences manquantes, on va rechercher les personnes susceptibles d'être recrutées partout dans le monde. Il y a énormément d'ingénieurs et scientifiques sur le marché international qui pourraient nous aider, mais ils ont un prix. C'est toujours une question d'argent. Les Américains, les Chinois, les Allemands et tous les autres font pareils, ils captent les meilleurs scientifiques et les meilleures capacités du monde. Nous ne sommes pas encore au plus haut niveau, mais on veut l'être. Nous sommes juste sur le bord d'y arriver. C'est une question de temps et de choix politiques. On ne cherchera pas seulement à séduire les entreprises étrangères à investir dans notre pays mais nous définiront nos projets en fonction de nos besoins et on cherchera sur le marché international de travail les compétences manquantes et peu importe le prix que l'on aura à payer

Jamel Tazarki

Tunisienne
| 06-04-2017 18:32




La BCT alerte à demi-mots (et même à mots pleins !) sur l'état catastrophique de l'économie (et -vraisemblablement- sur son incapacité de continuer à refinancer massivement et indéfiniment des banques et un système qui tournent dans le vide), et se désolidarise ouvertement du Gouvernement. Oubliant au passage qu'elle avait soutenu (ne serait-ce que par le silence) le pouvoir et les gouvernements précédents dans leurs politiques d'insouciance, d'irresponsabilité et de suicide économique.


En tout cas, si la BCT dit tout celà et en ce timing précis (c'est-à-dire juste avant l'arrivée des responsables du FMI qui décideront du déblocage ou non des deuxième et troisième tranches du crédit FMI), c'est que l'heure est vraiment grave.