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Chroniques
La pauvreté malmenée par les statistiques
12/01/2017 | 15:59
4 min

 

Un nouveau concept est aujourd’hui à la mode dans le milieu médiatico-politique : la post-vérité. Une vérité qui balaie toutes les prévisions. La victoire du Brexit, au Royaume-Uni ou le succès de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine, sont les illustrations les plus marquantes de cette post-vérité.

 

On pouvait s’attendre à ce que la publication des statistiques de pauvreté par l’INS (Institut national de la statistique) suscite des réactions de l’opinion publique et de la société civile. Il ne fut curieusement rien. Un silence lourd de sens tant il suggère que l’opinion publique a une meilleure perception de la pauvreté et qu’elle n’a cure de statistiques. C’est à longueur de journaux et de débats télévisés qu’on l’étale. Cependant, sa mesure demeure une contraignante nécessité.

 

La pauvreté en Tunisie existe. Il ne faut pas s’en cacher. Toutefois, c’est son ampleur qu’on n’arrive pas à cerner. Les résultats des deux dernières enquêtes de l’INS sur le budget, la consommation et le niveau de vie des ménages, celle de 2010 et celle de 2015, ont généré chacune une polémique. Non point au sein de l’opinion publique, mais auprès de la communauté des statisticiens. S’agissant de l’enquête de 2010, on avait exprimé de fortes réserves sur le taux de pauvreté car il sous-estimait largement la réalité. L’INS, assisté par la Banque africaine de développement et la Banque mondiale, retraita l’enquête proprement dite en adoptant une nouvelle méthodologie. C’est sur cette base que l’Institut national de statistique publia alors ce qui devait devenir la donnée officielle : le taux de pauvreté en 2010 est de 15,5% de la population. Une donnée qui devenait implicitement une référence pour toutes les études menées ultérieurement, aussi bien sociodémographiques que socioéconomiques.

 

Les résultats de l’enquête sur le budget, la consommation et les conditions de vie des ménages de 2015 a réveillé les vieux démons de la polémique. Le plus curieux est que celle-ci ne porte pas sur le taux de pauvreté de 15,2% en 2015 tel que le révèle l’enquête, mais sur le taux de pauvreté de 2010 qui passe étrangement de 15,5% à 20,5%  et qui agite aujourd’hui la communauté des statisticiens. Et même si le débat en son sein demeure feutré, il n’en demeure pas moins sec entre ceux qui estiment que cette modification ruine la crédibilité des données statistiques de pauvreté et ceux qui considèrent que cette modification était nécessaire pour redresser les erreurs d’approches constatées dans l’enquête de 2010.

 

Face à une telle situation, l’Association des ingénieurs statisticiens tunisiens ou le Conseil national de la statistique auraient pu sinon dû monter au créneau, d’arbitrer ou de concilier. Et surement d’éclairer. Eclairer particulièrement le gouvernement qui à l’évidence cherche à éviter toute instrumentalisation politique des données sur la pauvreté. Malheureusement, ni l’une, ni l’autre n’a fait preuve de réaction.

 

Pendant ce temps, pourtant, la Banque mondiale n’a pas chômé. Partie prenante dans les résultats de l’enquête de 2010, elle a tenté d’en actualiser les données sur les années 2011, 2012. L’institution de Bretton Woods a publié en mars 2016 une « Evaluation de la pauvreté en Tunisie » à travers laquelle elle indique, en substance, que « les chiffres les plus récents sur la pauvreté – basés sur des simulations et des projections - donnent à voir que les taux de pauvreté ont augmenté en 2011, tout de suite après la Révolution. Ils ont ensuite reculé, en 2012. (…). La reprise du PIB et de l'emploi, enregistrée en 2012, a permis d'atténuer l'exacerbation de la pauvreté de l'année d'avant ».

 

Tendances de la Pauvreté et de l’Extrême Pauvreté, 2000-2012

Source : Estimations du staff de la Banque Mondiale et INS, BAD et Banque Mondiale (2012)

 

Le rapport ajoute que « les profils de pauvreté les plus récents sont très similaires à ceux d'avant la Révolution » et qu’en 2012, « les pauvres ont continué à vivre dans des logements surpeuplés, comparativement aux non pauvres ; que la part de pauvres vivant en milieu rural a dépassé de loin celle de pauvres vivant en milieu urbain ; que les pauvres sont concentrés dans la région de l'Ouest du pays (60%), où ne vivent que 25% seulement des non pauvres ; que la proportion de pauvres au chômage était 3,5 fois plus élevée que celle des non pauvres au chômage et que le secteur d’activité et la profession du chef de famille importent encore beaucoup dans l’explication du profil de pauvreté du ménage ».

 

 

L’INS n’aurait-il pas pu s’inspirer de cette démarche analytique pour présenter les résultats de la pauvreté en 2015 au lieu et place de malmener les statistiques de pauvreté de 2010 pour être à la mode « post-vérité » ?

12/01/2017 | 15:59
4 min
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Commentaires (13)

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Fehri
| 14-01-2017 20:06
Pas à Tunisis Mall! Ni chez les concessionnaires de voitures de luxe. La pauvreté n'existe qu'au centre et au sud du pays. La bourgeoisie Tunisienne s'en foutent pas mal. D'ailleurs elle ne veule plus qu'on importe des bananes pour la classe "moyenne". Il y tellement de classe sociales en Tunisie importée du Sud, région vraiment pauvre.

BABA Sanfour
| 13-01-2017 13:25
Je veux juste savoir si monsieur Ben Achour a un lien de parenté avec le cinéaste,Américain,Woody Allen !
Merci,par avance,de satisfaire ma curiosité!
Ps:c'est la énième fois que je pose la même question!

l'idiot du bled
| 13-01-2017 11:09
et les statistiques sont malmenées par les riches

DHEJ
| 13-01-2017 11:03
Un mot magique qui échappe à notre classe politique dite DEMOCRATIQUE


Alors quelle est l'unité d'oeuvre de la pauvreté en Tunisie démocratique?


TND/Km²???


Ben qui sait tracer le plan de la PAUVROMETRIQUE?


Oui Si H.B.A c'est une question d'ANALYSE mais combien de nos DEMOCRATES POLITICIENS détiennent se pouvoir d'analyse?


ANALYTIQUE de la pauvreté passant par l'ANALYTIQUE DE LE JUSTICE!!!

Tunisienne
| 13-01-2017 09:47

Cher Monsieur Ben Achour,

"Post-vérité" réfère aux différentes manipulations de l'opinion et des vérités par les matraquages politico-médiatiques et les manipulations sans états d'âme des faits (par les rumeurs, les alertes lancées et les propositions avancées sans fondement, voire avec mauvaise foi et l'intention de manipuler). L'influence de cette manipulation (ex ante) sur les émotions, les perceptions, les opinions et les intentions (de vote en l'occurrence, pour s'en tenir aux exemples que vous avez donnés) devient une partie de la vérité elle-même en prenant une place considérable dans sa construction.

Quant aux chiffres de la pauvreté, ils constituent une vérité crue et tenace qui n'a rien de volatil, qu'il convient de qualifier, de quantifier et de typologiser avec le plus de précision possible, pour en permettre une compréhension fine y compris dans ses déterminants et ses manifestations et pour rendre envisageables les leviers de son traitement. Mais à partir du moment où cette mesure est imprécise, incomplète, non recoupée, livrée brutalement et non pertinemment interprétée, on peut également parler dans ce cas d'une manipulation ex post (même si inconsciente et inintentionnelle) des vérités, parce que tout ce qui va être construit sur et autour de ces vérités tronquées aura force de vérité et de réalité.


slalom
| 13-01-2017 07:06
est passe mon commentaire S. V. P?

B.N : Votre commentaire a été publié.

slalom
| 12-01-2017 23:04
Je suis pas specialiste mais j'ose affirmer que l'I. N. S raconte des sornettes ses critères sont douteux sinon comment expliquer
1-le seuil de pauvreté est calculé 1280d en ville contre 820d en zone rurale c'est une aberration qui fausse tous les calculs
2-une personne qui travaille une seule journée par semaine n'est pas chômeur (sic!)
3-suivant le recensement de 2014 la ville de Jendouba ne compte que 33000 habitants(resic!)
et il y a beaucoup d'autres couleuvres qu'ils veulent nous faire avaler et que j'ai découvert par inadvertance alors si on ferait une recherche approfondie tout le "bazar statitien"s'écroulera à bon entendeur salut

zohra
| 12-01-2017 21:20
Bonsoir,

Merci beaucoup pour votre très émouvante analyse. C'est très triste et malheureux.

Je vous une belle soirée

N.Burma
| 12-01-2017 20:46
« moins de pauvres en Tunisie En 2017, la Tunisie démocrate, on arrive à mourir de froid et de faim, sans ça l'INS nous raconte sa salade, il y a moins de pauvres, on est presque tous riche en Tunisie. c'est une honte » zohra




Zohra
C'est la colère qui vous sort de vos gonds et vous fait dire des propos qui dépassent votre pensée ?
J'essaie d'échanger avec vous sur vos propos,
La Tunisie démocrate avec un hizb ettehrir qui aboie matin et soir qu'il se contrefiche de la démocratie alors qu'il a usé de l'arme démocratique pour exister légalement, avouez qu'une démocratie digne de ce nom n'aurait jamais admis que les assassins de la démocratie puissent respirer aussi confortablement que les hommes '.et les femmes de Hizb ettehrir.
Mourir de froid et de faim, est indigne d'une démocratie car le principe même de la démocratie est l'égalité des hommes et des femmes et l'obligation pour un Etat de tout faire pour que cette égalité soit réelle et non virtuelle face au froid et face à la faim.
L'INS n'est pas un organe agricole pour raconter des salades mais un institut d'études statistiques.
Demain avec des critères de définition de la pauvreté, on pourrait parfaitement atteindre le chiffre de 30 % de la population qui vit sous le seuil de pauvreté.
Il se peut qu'il y ait moins de pauvres, comme il se pourrait qu'il y ait une croissance de la pauvreté, tout est de définir à partir de quels critères objectifs on parle de pauvreté, d'extrême pauvreté, de seuil de la pauvreté, de population qui vit sous le seuil de pauvreté.
La richesse existe en Tunisie elle n'est pas également répartie, c'est ce qui fait dire à beaucoup que c'est bien parce qu'il y a des milliardaires que les pauvres sont de plus en plus pauvres car l'argent des milliardaires provient bien de quelques parts.
La honte chère Zohra, c'est la couverture sous laquelle se cachent tous ceux et celles pour qui meurent de faim et de froid ne leur fait ni chaud ni froid, parce qu'ils ont perdu cette valeur humaine de la solidarité.
En d'autres temps, la porte de la maison restait ouverte pour accueillir la veuve ou l'orphelin, en d'autres lieux, lorsque la table est mise, il y a toujours un couvert de plus, pour éventuellement offrir le repas à la personne qui a faim et qui toque à votre porte.
On aurait pu croire à l'illusion islamiste de la fraternité et du partage du peu qu'on a, mais vous voyez, par vous-même qu'ils sont pareils aux fauves qu'ils partagent la criminalité pas autre chose !
Pauvre peuple si naïf, si crédule, mais attention à l'eau qui dort et il se pourrait que le réveil n'aurait plus aucun rapport avec les chiennes de télévisions qui lui ont miroité le bonheur d'être Tunisien démocrate, mourant de faim et du froid.

versus
| 12-01-2017 20:23
Vous avez l'air de vous débattre pour éviter la noyade dans une mare de 2 cm d'eau.
Si vous me le permettez, je vous enverrai autant de lignes que votre article, de mon diagnostic sous vingtaine, via BN.
En attendant, juste une remarque, un, dirigeant ne fait un peuple.