Il est des sujets clivants qui représentent des lignes de démarcation claires, permettant à chacun de se positionner idéologiquement et ensuite politiquement. Parmi ces sujets, celui de la Palestine.

Hier, des dizaines de personnes se sont rassemblées pour dénoncer ce qui est supposé être une agression israélienne commise sur les terres tunisiennes. Aujourd’hui, plusieurs politiciens remettent sur le tapis le sujet de la criminalisation de la normalisation avec Israël. Mais tout cela n’est que du populisme.

Ceux qui appellent aujourd’hui à la criminalisation de la normalisation avec Israël sont les mêmes qui accueillaient le sénateur américain John Mc Cain à plein bras et à coups d’embrassades et d’accolades. Ceux qui font ce genre d’appels sont les mêmes qui sont entretenus et financés par des organisations notoirement sionistes. Mais ça, on le met de côté et on se pare des draps vertueux de la justice et on nous bourre le mou avec les discours du genre : « la cause palestinienne est la boussole morale de ce monde ! ».

Parlons-en justement de la Palestine et des Palestiniens. Il existe une représentation officielle palestinienne en Tunisie. A aucun moment cette représentation ne s’est exprimée sur l’assassinat de Mohamed Zouari. L’autorité régissant cette représentation aurait même tendance à le considérer comme un terroriste puisqu’il fait partie du Hamas, l’autre faction qui dirige la Palestine. De toutes manières, l’Etat palestinien n’a pas jugé utile de réagir à cet assassinat. Serions-nous plus palestiniens qu’eux ? Serions-nous plus sensibles à la cause palestinienne que l’autorité palestinienne ?

Par ailleurs, le Hamas palestinien est loin d’être cette noble et immaculée bande de combattants de la liberté. Il n’est nul désaccord sur le fait que la Palestine est un territoire occupé par Israël et qui devrait être libéré. Toutefois, se parer de cette cause ne suffit plus pour cacher ses vices. Les liens du Hamas avec l’islam politique ne sont plus à démontrer. Le Hamas, qui tient le pouvoir dans la bande de Gaza, n’y fait pas que de bonnes choses, particulièrement vis-à-vis de la population palestinienne de Gaza, un endroit où les tribunaux islamiques font la loi.

On revient donc aux sujets clivants et aux lignes de rupture. La cause palestinienne est un inépuisable fonds de commerce dans lequel chacun se sert come il veut en espérant obtenir un semblant de légitimité et quelques points dans les sondages. Des générations entières de pays arabes ont vécu au rythme des agressions israéliennes en Palestine et la Tunisie ne fait pas l’exception. La Palestine reste un sujet qui fait appel à un affect fort, comme la religion, et donc, celui qui pourra être assimilé au farouche défenseur de la Palestine en Tunisie récoltera forcément un dividende politique. Et c’est derrière cela qu’ils courent. Les envolées lyriques sur la cause palestinienne vont être réchauffées et resservies sur les plateaux de télé et sur les ondes des radios, dans l’unique but de gagner de la sympathie.

Ce n’est pas la justesse de la cause qui est en débat où la position que l’on devrait adopter vis-à-vis de la Palestine, c’est l’utilisation qui en est faite chez nous qui est en cause. Cette récupération de la cause palestinienne a quelque chose de nauséabond car il s’agit avant tout de la souffrance d’un peuple et de l’injustice du siècle. Preuve ultime de cette récupération, le nombre de politiciens qui se sont succédé auprès de la famille de Mohamed Zouari alors que nos martyrs, parmi les soldats et les policiers, qui meurent en combattant le terrorisme, n’ont pas droit à tant d’égards.

Les Palestiniens n’en ont cure de nos contestations et de nos gesticulations. Ils savent que leur cause est récupérée, utilisée et employée depuis des dizaines d’années pour des raisons politiciennes inhérentes à chaque pays arabe. Dans l’exemple tunisien, il est facile de s’en assurer : demandez à ces politiciens de dénoncer le fait que le Qatar entretient des relations normalisées avec Israël, vous aurez la réponse à la question.