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La nouvelle Fédération du textile tisse sa toile
13/12/2017 | 19:59
7 min
La nouvelle Fédération du textile tisse sa toile

La représentation patronale du secteur du textile et de l’habillement devrait connaître une  nouvelle configuration. Dimanche 17 décembre 2017, aura lieu le 1er congrès de la Fédération tunisienne du textile-habillement (FTTH). Un nouvel acronyme qui regroupe les chefs d’entreprise du secteur qui ont quitté brutalement la Fédération nationale du textile, relevant de l’UTICA, en mars dernier. Une décision qui intervient en réponse à l’accord conclu entre Wided Bouchamaoui, présidente de la centrale patronale historique tunisienne et l’UGTT sur les augmentations de salaires dans le secteur privé de 6% respectivement en 2016 et 2017 et prévoyant un nouveau round de négociations au mois de mars 2018. En fait c’est la goutte qui a fait déborder le vase.

 

 

 Les patrons du secteur ont eu le sentiment qu’on ne se rappelle d’eux que lorsqu’il s’agit de contribuer à l’effort national de redressement économique du pays et qu’on ne les écoute nullement lorsqu’il s’agit de relever le secteur du textile et de l’habillement du marasme dont lequel il se morfond depuis une décennie, s’accentuant particulièrement depuis 2011.

 

Il est loin l’âge d’or du textile-habillement, du temps où on le qualifiait de secteur au trois 50 : 50% de la valeur ajoutée des industries manufacturières, 50% de l’emploi industriel et 50% des exportations des industries manufacturières. A la crise financière mondiale de 2008 et ses répercussions sur la demande émanant des pays partenaires et surtout de l’Union européenne, à l’agressivité concurrentielle de la Chine et plus généralement des pays d’Asie, est venu s’ajouter l’impact des événements du 14 janvier 2011 et les politiques hasardeuses conduites depuis lors, censées, visiblement à tort, répondre à la crise économique du pays.

En 2015, déjà, les opérateurs du secteur avait tiré la sonnette d’alarme sur la perte de performances et donc d’emplois du secteur. Les fermetures d’entreprises se sont multipliées, les délocalisations aussi. Selon l’Institut national de la statistique (INS), plus de 20%,  des entreprises du secteur du textile-habillement créées en 2010 ont fermé leur porte depuis. Durant cette période, la valeur ajoutée du secteur n’a cessé de décroître, ses exportations  en volume aussi. Quant à l’investissement, il a affiché une baisse de 3% par an entre 2011 et 2016.

 

Une nouvelle gouvernance

Il est clair dans ces conditions que l’accord sur les augmentations de salaires, conclu entre l’UTICA et l’UGTT le 10 mars 2017, signait probablement l’acte de décès de plusieurs centaines d’entreprise du secteur.

La réaction des patrons du secteur a été immédiate puisque le lendemain même de la signature de l’accord, un rassemblement, spontané, des plus imposants industriels du textile-habillement se tient à Hammamet, à l’issue duquel est publiée une motion où ils exprimaient leur ras-le-bol et leur refus catégorique de l’accord ainsi que leur disposition à exploiter touts les formes de lutte allant jusqu’à adopter la possibilité de se séparer de l’UTICA.

 

La menace est vite saisie par Wided Bouchamaoui qui y a vu un risque d’effet boule de neige sur les autres fédérations risquant de fragiliser irrémédiablement l’organisation patronale. Les chefs d’entreprise du secteur du cuir et de la chaussure n’ont-ils d’ailleurs pas été tentés de suivre le chemin des textiliens, mobilisant leur Fédération pour signaler le profond malaise du secteur, lesté par  des charges fiscales, sociales et salariales de plus en plus lourdes ?

En tout cas, le processus de création d’une fédération autonome était lancé. C’est ainsi que le 4 mai 2017 se tient, à Sousse, le Congrès fondateur de la Fédération tunisienne du textile-habillement (FTTH) en présence de plusieurs centaines de chefs d’entreprise ; congrès au cours duquel sont exposés les projets de statut et de règlement intérieur qui rompent totalement avec le système de gouvernance prévalant au sein de l’UTICA. Pour la création de la nouvelle Fédération les fondateurs ont veillé à consacrer, à plusieurs niveaux, l’union et la solidarité des opérateurs du secteur. Ainsi ont-ils veillé à garantir la représentativité de toutes les régions dans le Conseil national et d’assurer la solidarité des entreprises en octroyant automatiquement un siège au Conseil national à celles qui emploient plus de 2 000 salariés. 

Wided Bouchamaoui  tentera de renouer le contact avec les réfractaires. Elle fournira même des gages de bonnes volonté en amenant l’UGTT a un compromis  sur les augmentations de salaires concernant les entreprises du textile-habillement.

C’est ainsi que la hausse de 6% des salaires devant intervenir à partir du 1er mai 2017 a été gelée et que le nouveau round de négociations prévu en mars 2018 a été reporté d’une année. « C’était  la seule voie permettant aux industriels du secteur d’avoir une meilleure visibilité », concède d’ailleurs Néjib Karafi, Directeur général de la FTTH. Plus encore, elle amènera également le gouvernement à tenir un Conseil ministériel restreint dédié au secteur qui aboutira à l’annonce de plus d’une vingtaine de mesures pour soutenir le secteur et favoriser sa relance. « Ce n’est pas tant le nombre de mesures qui importent, mais l’intérêt que l’on a enfin porté sur le secteur », explique encore Néjib Karafi.

 

Un potentiel intact

Un dialogue est entamé entre la FTTH et l’UTICA par le biais de la constitution d’un comité de rapprochement. L’hypothèse d’une réintégration est envisagée. Mais elle est assortie d’une condition de taille que l’intégration de la nouvelle Fédération inclut les nouveaux statuts et le nouveau règlement intérieur. Malheureusement, ce rapprochement va être mis entre parenthèse à la suite de la publication du projet de loi de finances 2018 et la fameuse liste de produits objets d’une limitation des importations.

 

Cela n’a pas empêché la FTTH de poursuivre son travail, s’imposant dans les discussions sur les dispositions du projet de loi de finances ou sur les décrets d’application de la loi sur les avantages fiscaux ou encore sur les procédures de vente sur le marché local et plus particulièrement sur les franchises.

A propos des franchises, la position de la FTTH n’est pas de  stopper l’octroi de franchises aux marques étrangères de prêt à porter mais de soutenir les franchises  locales.

« Il faut donner leurs chances aux Zen, Hamadi Abid et toutes les autres marques locales de prêt à porter. Dans le même temps, il est souhaitable de demander aux marques étrangères d’achalander leurs franchisés en produits fabriquées en Tunisie », explique le Directeur général de la FTTH.

 

Ce n’est pas sur ce seul terrain que la nouvelle Fédération semble mener le combat. Les exportations de textile-habillement constituent également un axe d’action.

Il s’agit là de regagner les parts de marché perdus en raison d’une compétitivité défaillante qui renvoie à l’instabilité sociale et à l’absence de visibilité dans la politique économique des gouvernements qui se sont succédé ces dernières années.

Il s’agit aussi d’enrichir l’argumentaire du gouvernement ans ses discussions avec l’Union européenne pour une révision des règles d’origine et des conditions d’accès au marché devenues handicapantes parce qu’obsolètes.

 

La contrainte dite de la « double transformation » est, à cet égard, symptomatique de cette désuétude des règles européenne imposées au textile-habillement tunisien et le désavantage en termes concurrentiel.

Aujourd’hui, la part de marché du textile-habillement tunisien au sein de l’espace européen n’est que de 2% alors qu’elle atteignait 4% en 2005. Cette chute n’est pas irrémédiable, soutient-on du côté de la FTTH. « Gagner un point de part de marché européen équivaudra à 60 000 créations d’emploi dans le secteur », plaide Néjib Karafi. Pour peu que…  Cela ne concerne pas seulement le marché européen. Le marché américain est aussi un espace de conquête pour peu qu’on réduise les droits de douane à l’entrée des produits tunisiens du secteur. Rares sont ceux qui savent que 17% du marché américain du jean est accaparé par les industriels tunisiens. La Tunisie est le 4e fournisseur des USA en produits denim. « Si les Etats Unis exonère des droits de douane, qui varient entre 12% et 28%, les produits textiles tunisiens, on a le potentiel de gagner 3 points de pourcentage supplémentaires du marché américain du jean. Cela représente environ 30 000 créations d’emploi dont profiteraient particulièrement les zones prioritaires de développement régional », soutient le Directeur général de la FTTH.

 

L’appel à la mobilisation lancée par cette nouvelle structure de représentation du patronat textilien s’inscrit dans cette perspective. Le congrès de la FTTH en sera le creuset d’adhésion. L’intégration ou pas à l’UTICA viendra par la suite. Immanquablement d’ailleurs.

 

Raouf Ben Hedi

 

 

 

 

13/12/2017 | 19:59
7 min
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Commentaires (2)

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chou
| 14-12-2017 14:04
Bravo à la FTTH , une jeune fédération qui a pu faire autant de choses en si peu de temps et en silence !

URMAX
| 14-12-2017 08:27
...
Nous, consommateurs, tuons notre industrie !
Des importations - légales ou non - en masse.
...
Des produits arrivant dans les bagages des voyageurs (voyageuses), valises archi combles de vêtements, provenant, en particulier, de :
...
- Le pays de "harim el-soltane" ....
- Celui de la pizza
- Et celui des mandarins (à ne pas confondre avec les mandarines !)
...
Les friperies ne font pas exception.
...
Voilà, à nous, consommateurs, de jouer :
Que préférons nous ?
- Frimer avec des produits d'importation ?
- Etre fier d'oeuvrer pour le bien du pays ?
...
Réfléchissez-y !
...
URMAX