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La mainmise de Rached Ghannouchi
23/05/2016 | 17:30
5 min
La mainmise de Rached Ghannouchi

 

Le 10ème congrès d’Ennahdha est sans conteste l’événement politique de ce début d’été. Il s’est soldé par certains changements mais surtout par une continuité inébranlable. Cette continuité se matérialise principalement en la reconduction de son chef historique Rached Ghannouchi. Toutefois, il existe plusieurs autres points où un changement est perceptible.

 

C’est tard dans la nuit du 22 au 23 mai 2016 que les travaux du 10ème congrès d’Ennahdha se sont achevés. Comme en apothéose, ces travaux se sont conclus par l’élection de Rached Ghannouchi à la tête du parti. Avec un score de plus de 75% des voix, il s’agit d’un véritable plébiscite en faveur du cheikh. Ce vote consacre, en effet, la main mise du leader historique d’Ennahdha sur le parti. Mais il faut dire que la reconduction de Rached Ghannouchi à la tête d’Ennahdha n’est pas réellement une surprise. Il n’existait pas de vrai suspense par rapport à cela même si Rached Ghannouchi a paru très ému à la suite du vote.

 

Le suspense était plutôt concentré sur la discussion concernant les prérogatives du président du parti. Parmi celles-ci, le point d’orgue du congrès a été le mécanisme selon lequel le bureau exécutif serait désigné. Trois options étaient sur la table : un bureau exécutif élu au suffrage direct par les congressistes, adoption du bureau exécutif par le conseil de la Choura sur proposition du président du parti ou une fusion entre les deux options précédentes. C’est sur ce point que Rached Ghannouchi s’est montré inflexible. En effet, il a refusé catégoriquement les options impliquant un vote des congressistes. Selon certains échos il aurait même menacé de quitter les travaux du congrès si la nomination du bureau exécutif ne restait pas l’apanage du président du parti.

 

Sur ce point, Rached Ghannouchi a réussi à garder le contrôle des structures du parti. Il faut savoir que le réel centre du pouvoir à Ennahdha est le bureau exécutif. En gardant l’avantage de pouvoir nommer ses membres avant de les soumettre au conseil de la Choura, Rached Ghannouchi garde le contrôle du principal levier d’influence du parti. La justification d’une telle tournure est venue très vite de la part du porte-parole du congrès, le 23 mai 2016 sur le plateau de Wassim Ben Larbi sur Express FM. Selon Oussama Sghaier, il est logique que le président du parti choisisse son équipe comme le ferait Habib Essid en choisissant l’équipe gouvernementale. C’est ensuite au conseil de la Choura, qu’il apparente à l’Assemblée des représentants du peuple, d’entériner ce choix.

 

Plusieurs autres décisions ont été prises et ont été intégrées dans les nouveaux statuts du parti. Celle qui fera sans douter couler beaucoup est celle qui fait désormais du président du parti son candidat naturel pour les postes électifs à savoir les trois présidences : celle du gouvernement, celle de la République et celle de l’Assemblée des représentants du peuple. Comme nous l’avions révélé dans notre article « Secrets exclusifs du prochain congrès d’Ennahdha et de sa stratégie d’avenir », cette disposition n’est pas absolue et reste une possibilité. En effet, le président du parti est son candidat naturel «sauf cas de force majeure ou pour un intérêt considérable évalué par les instances ». Cela fait-il de Rached Ghannouchi le prochain candidat d’Ennahdha à ces postes électifs ? Cela reste une probabilité mais rien n’est actuellement tranché. Le flou sur cette question est maintenu par les ténors d’Ennahdha.

 

D’autres décisions d’ordre organisationnel ont été prises au cours du congrès. Ainsi, il n’est plus nécessaire d’être parrainé par un membre du mouvement pour pouvoir adhérer au parti et les conditions d’adhésion de manière générale ont été allégées. Ceci traduit une réelle volonté d’ouverture du parti sur l’extérieur et son souhait d’élargir ses bases. La suppression de la condition de parrainage entre également dans le cadre de la volonté du parti de se transformer en structure purement politique avec la fameuse séparation entre l’aspect politique et l’aspect social, à savoir la prédication.

 

Par ailleurs, Ennahdha, à moins d’un an de la date théorique des élections municipales, apporte un soin particulier à ses structures régionales et locales. Ainsi, il a été décidé que l’élection des secrétaires régionaux et locaux se ferait directement par leurs structures. On notera également la mise en place de conseils de la Choura régionaux. Le motif officiel d’une telle décision est la cohérence avec la Constitution dans son article portant sur la décentralisation. Toutefois, aucun parti politique n’est tenu de l’appliquer puisque c’est l’Etat qui doit se décentraliser. La vraie raison est le début de la préparation de l’échéance des municipales en accordant plus de pouvoir, mais aussi plus de légitimité, aux structures régionales d’Ennahdha qu’un travail colossal attend.

 

Plusieurs critiques ont été exprimées par les adversaires du parti Ennahdha. Deux aspects ont été particulièrement visés : le premier est l’ouverture du congrès. La fête organisée à Radès était fastueuse et a rassemblé des milliers de personnes. Plusieurs opposants du parti islamistes se sont interrogés sur la provenance des fonds qui ont permis une telle démonstration de force. Le deuxième aspect est le score avec lequel Rached Ghannouchi a été élu à la tête du parti, à savoir 75,6%. Ce score a été qualifié de « stalinien » ou de « digne de la dictature de Ben Ali ». Toutefois, il est indéniable qu'Ennahdha prépare minutieusement la prochaine échéance électorale qui est les élections municipales. Même si le changement d’orientation stratégique est indéniable et qu’il existe une réelle volonté de démocratisation du parti, Ennahdha ne perd pas de vue qu’un parti politique existe pour gagner des élections. C’est pour cela que le mouvement, sous la conduite de Rached Ghannouchi, a décidé de donner plus de pouvoir aux structures régionales en attendant le grand test que vont représenter ces élections.

 

Le congrès d’Ennahdha a permis de mettre en scène un réel changement stratégique. Certains observateurs n’y croient pas et disent qu’il s’agit d’un simple lifting destiné aux crédules. D’autres estiment qu’il s’agit d’un revirement de fond grâce auquel Ennahdha se débarrassera de sa dimension « religieuse » et pour, en conséquence, toucher un plus large pan de personnes. Dans les deux cas, le congrès d’Ennahdha a permis de souligner l’importance donnée aux structures du parti et permis également de mesurer le chemin qui reste à faire pour les autres partis.

 

Marouen Achouri

 

   

   

23/05/2016 | 17:30
5 min
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Commentaires (10)

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déja-vu
| 24-05-2016 12:52
L'histoire se répète et je constate un début de conscience que les appellations modernes cachent des concepts anciens sur terrain.

Les Eyalats, à l'époque Ottomane étaient divisées en Sanajiks, divisées en a9qthias, divisées en nawa7is ou régions, divisées en 9ouras ou villages.

Votre futur ressemble à s'y méprendre à votre passé.

Décentralisation et municipales qu'ils disent...
Des gaids est tout ce que vous aurez...
A propos, les pachas ne participent pas aux 'élections'.
C'est une dégradation.

Mouna
| 24-05-2016 11:50
Tu m'as fait vraiment pleurer! Et je ne serais pas la seule!

Dr. Jamel Tazarki
| 24-05-2016 11:13
A Tazarka, j'ai grandi les pieds nus en contact permanent avec la terre de mes aïeux, j'arrosais nos plantes la nuit afin de minimiser l'effet de l'évaporation de la journée et rationaliser ainsi l'utilisation de nos réserves d'eau souterraine. Et ainsi ma passion s'est développée pour les étoiles et la lune. Lorsque je les observais, toutes les choses de la vie se relativisaient et je me sentais bien, extasié devant cet univers immense et je me disais, nous sommes rien du tout à l'échelle de l'univers. Et c'est dans ces moments de communication avec les étoiles et le ciel qu'il m'arrive de penser à l'Éternel, de prier Dieu, et ainsi j'oublie soucis et tourments de la vie. Oui, l'ambiance d'un univers imperturbable (je dis bien univers et non pas nature), la sensation de l'épanouissement, d'éternité, l'impression de saisir quelque chose d'inaccessible m'amène jusqu'à pleurer, et de prier Dieu de me montrer le chemin de la vérité, prier Dieu à ma façon de l'enfant de 10 ans que j'étais, oui c'était ce que je faisais la nuit en regardant les étoiles du ciel de mon village' Je n'avais que 10 ans et je garde, aujourd'hui, ses souvenirs magnifiques d'enfances, du ciel et des étoiles de mon village, Tazarka.

J'aimais me lever la nuit afin d'observer le ciel et ses étoiles, puis voir le jour se lever et la nature se réveiller.

Aujourd'hui, quand je rentre de temps en temps à mon village, je me lève la nuit afin de regarder son ciel et ses étoiles. Oui, elles sont toutes là, les étoiles et la lune, et je les reconnais une par une, et rien n'a changé dans le ciel de mon village, Tazarka, Et c'est dans ces moments de communication avec elles (les étoiles et la lune) , il m'arrive de nouveau à penser à l'Éternel, de prier Dieu, et ainsi j'oublie soucis et tourments de la vie. Oui, l'ambiance d'un univers imperturbable, la sensation de l'épanouissement, d'éternité, l'impression de saisir quelque chose d'inaccessible m'amène, même aujourd'hui, jusqu'à pleurer, et de prier Dieu de me montrer le chemin de la vérité, oui pleurer comme je l'ai fait quand j'avais 10 ans et quand je courrais les pieds nus en contact permanent avec la terre de mes aïeux'

Tunisiens, mon message est très simple, apprenez de nouveau à observer la nuit les étoiles et de prier Dieu, notre créateur, en toute liberté, ça vous aiderait à oublier les soucis et les tourments de la vie' Et croyez-moi, tous ces affamés du pourvoir, ne sont que des pseudo-moralistes, honte à eux!

Jamel Tazarki

https://www.youtube.com/watch?v=bkTLIO2zanM

Bourguibiste nationaliste
| 24-05-2016 11:02
Je suis entièrement d'accord avec vous et votre raisonnement est juste. Pour ma part, je n'ai jamais examiné ce qui n'est même pas une hypothèse. J'ai simplement dit que si Ghannouchi devenait président, ceci « achèvera la destruction assurée de la Tunisie ». Ceci étant dit, il n'y a pas que la présidence de la République ; il y a aussi la présidence du parlement. Et là aussi, ce serait catastrophique d'avoir comme président du parlement, un frère musulman qui au fond de lui n'a jamais accepté la démocratie. Dans tous les cas, l'islamisme sous toutes ses formes doit être combattu.

kameleon78
| 24-05-2016 10:44
Un islamiste ne pourra jamais être président en Tunisie, contrairement à l'Egypte, la Tunisie rejette majoritairement l'idée d'un président islamiste, pour la bonne raison qu'une élection présidentielle se joue à deux tours, au premier tour le candidat islamiste pourrait être en tête mais au second tour il serait battu car plus de 65% des tunisiens rejettent les islamistes, il ne faut pas être doué en mathématiques pour comprendre que le maximum d'un candidat islamiste serait de 40% au second tour quel qu'il soit. C'est la raison pour laquelle les islamistes n'aiment pas le régime présidentiel qui les désavantage, je ne pense pas que le Gourou National prendrait le risque de se présenter, une défaite serait catastrophique pour son parti. On peut comparer l'élection présidentielle en Tunisie avec celle en France, Marine Le Pen passera en tête avec 30% en 2017 au premier tour mais elle sera battue 30% 70% au second tour comme son père d'ailleurs en 2002, en Tunisie ce sera pareil il y aura un Front Uni contre le candidat islamiste au second tour qui ne récoltera que les voix de son parti car un candidat islamiste n'a pas un profil fédérateur mais diviseur comme ce fut le cas pour Marzouki en 2014.

Bourguibiste nationaliste
| 24-05-2016 08:52
On ne le rappellera jamais assez : l'islamisme n'a strictement rien à voir ni avec la démocratie ni avec l'Etat de droit. C'est une mouvance dont l'objectif est d'instaurer un Etat régit par le droit musulman, un Etat islamique avec un cheikh à sa tête. Voilà simplement, ce qu'est l'islamisme, un mouvement rétrograde qui doit être combattu. Le simple idée de Ghannouchi président est un cauchemar qui, s'il devenait réalité, achèvera la destruction assurée de la Tunisie.

Tuesday
| 24-05-2016 08:48
"Winek ya Bajbouj", le tsunami ennahdha est en train de s'amplifier.

Tous ce qui a été fait a été détruit par ennida lui même, aux dépens de milliers de tunisiens en qui il lui ont donné confiance, et y ont cru jusqu'au dernier moment, pour constater le fiasco actuel.

Gare aux élections municipales tant convoitées par ennahdha en vue de sa main mise sur les rouages de la vie courantes des tunisiens; gare aux élections législatives à venir, qui pourraient être emportées largement par ennahdha.

On recule, on recule, grâce à Nida.
"Rabbi yoltef btounes", le pire est à prédire et à venir (La samaha Allah malgré tout).

Fares
| 24-05-2016 02:12
Ce parti est généreusement financé par des pays étrangers. Laarayedh a déclaré il y a quelques mois dans l'émission de El Wafi que Ennahda donnera plus de détails sur ses sources de financement. Apparemment, rien de cela n'a été fait.

Dans une vraie démocratie, une enquête aurait été ouverte pour démystifier les richesses de ce parti et les ressources sans fin de son guru. Une enquête initiée soit par les tribunaux, soit par des journalistes, mais il faut se rendre à l'évidence que la Tunisie est loin d'être une démocratie, c'est bien dommage.

takilas
| 23-05-2016 20:46
Il faut quee ghanouchi sache que les terres domaniales, qu' il veut offfrir à ses amis. et ses minables applaudisseurs dde nahdha ne sont la propriété privée de son père (rrizk oubbbayou). Et que ses terres sont le fruit ddes des sacrifices de nos aïeux . Doncc ce n'est pas parce que des alleché s le soutiennent bêtement qu'il croit quue le peuple tunisienn est pareil a à
eux naifs eet beni oui oui à qui il lors soi- disant son congrès de cirque des chambres d'hôtels pour loger ou des_i spiritueux àgogo pour s'enivrer, qu' il croit que tout le monde. Ceci demontre combien ce debile est ignare et qu' il croit cconquis la capitale de ses seigneurs tout bedouin qu' il est. Londres l'attend pour un imminent retour .

kameleon78
| 23-05-2016 19:01
Etre un parti très structuré ne veut pas dire forcément attirer le vote des électeurs, Nahda pourrait rassurer son électorat mais au contraire elle va susciter la méfiance, le rejet des électeurs en voyant le parti de Ghannouchi comme une machine de guerre dangereuse pour la démocratie, reste à ce que les opposants au projet islamiste se liguent contre ce parti et dénoncent la mainmise sur le pays du Gourou et son mouvement.