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La discontinuité de l'Etat, cette faucheuse à gouvernements !
03/03/2017 | 19:59
7 min
La discontinuité de l'Etat, cette faucheuse à gouvernements !

Le principe de continuité de l’Etat, voici un concept qui donne bien du fil à retordre à la Tunisie post-révolution.  Par continuité de l’Etat on désigne l’engagement d’un gouvernement à honorer ceux du gouvernement sortant. La passation entre l’équipe gouvernementale partante et les nouveaux arrivants, constitue un rendez-vous d’une extrême importance.

 

 

Si l’on recense le nombre de gouvernements qui se sont relayés depuis le 14 janvier 2011, sept en tout, nous sommes tentés de déduire que les décisions, les réformes amorcées et les projets esquissés par les responsables qui se sont relayés au pouvoir, ont été accomplis. Que si certains ont été abandonnés, d’autres, plus « consensuels » ont rapidement abouti.

 

Le bilan de la situation, nous pousse néanmoins à nuancer le propos. Les dossiers traînent et les réformes mettent des années à voir le jour, si elles ne sont pas jetées dans les oubliettes. On pourrait expliquer cette lenteur par le mécanisme de l’alternance au pouvoir. Or, en Tunisie nous ne pouvons réellement parler d’alternance dans la mesure où il n’y a pas eu de rupture entre les gouvernements qui se sont succédé. Mieux encore, nous avons eu un gouvernement consensuel, puis, plus récemment un gouvernement d’union nationale, issu de l’accord de Carthage. Logiquement cela devrait induire une continuité dans la politique et la vision de l’Etat.

Alors, où se situe le blocage à l’origine de cette lenteur ? Dans la passation entre les équipes du gouvernement, diront certains analystes et dans l’attitude des nouveaux arrivants au pouvoir vis-à-vis du travail accompli par leurs prédécesseurs expliquent-t-ils.

 

Ce « problème » est largement illustré par l’exemple du code d’investissement. Entamé en 2009, l’instabilité politique et les gouvernements, qui se sont succédé, ont ralenti le processus, de telle sorte que le code n’a finalement été adopté par l’ARP que le 17 septembre 2016 pour une entrée en vigueur à partir du 1er janvier 2017.C’est que durant toutes ces années, le projet a connu plusieurs versions, chacune portant la vision du ministre de l’Investissement de l’époque. De Abderrazak Zouari à Fadhel Abdelkefi en passant par Jameleddine Gharbi,Riadh Bettayeb et Lamine Doghri et enfin, Yassine Brahim.

Il aura fallu que les délais soient fixés par les institutions financières internationales, qu’arrive la conférence sur l’Investissement « Tunisia 2020 » pour que soient mises les bouchées doubles et que le code soit adopté, in extremis. Heureusement, diront certains, autrement il aurait été remis sur le métier par Fadhel Abdelkafi, fraîchement nommé. La stratégie à adopter pour relancer l’investissement et remédier aux points faibles de l’attractivité tunisienne en la matière n’est pourtant un secret pour personne.

 

Le gros problème réside dans ce comportement qu’ont les ministres successifs à s’ériger en messie venue expier « les pêchés » commis par leurs prédécesseurs. Là encore, la passation est bâclée, les échanges sur les dossiers achevés, ceux en cours et ceux en préparation sont expédiés en un tour de main, au mieux au fonds d’un tiroir et au pire à la poubelle.

Tout ce qui importe au nouvel arrivant est de se démarquer de son prédécesseur. L’exemple du ministère de la Santé est symptomatique pour illustrer un tel phénomène. Saïd Aïdi a été éjecté en moins de deux lorsqu’il a engagé un bras de fer avec les lobbies gravitant autour du secteur de la santé. Arrive alors Samira Meraï qui caressera ces mêmes lobbies dans le sens du poil. La passation entre les deux ministres, rapporte Aïdi, se fait dans un couloir et ne dure que quelques minutes. Plus tard sur les plateaux télé, Samira Meraï l’accusera publiquement de s’être retourné les pouces pendant son mandat.

Aucune stratégie n’a été élaborée dira-t-elle, nous avons trouvé un ministère avec des directions vides et d’énormes manquements, déclare la ministre à la télévision. Propos qui pousseront Saïd Aïdi à sortir de sa réserve et à traiter l’actuelle ministre de « menteuse ». Il rappellera en outre que « les personnes qui ont été limogées, lorsque j’étais à la tête du ministère, en raison de lourds soupçons qui pesaient sur elles, ont été appelés à réintégrer leurs postes par Mme Meraï ». Evidemment, il n’y a pas lieu ici de parler de continuité, pire encore il s’agit d’une rupture consommée. Ici,  on est très loin du concept de destruction-créatrice cher à Joseph Schumpeter. A tout le moins, on serait en présence d’un de ses avatars.

 

Si la passation a posé problème dans le cas du ministère de la Santé, cela n’a pas été le cas du ministère de l’Enseignement supérieur où elle a été accomplie dans les règles de l’art, entre Chiheb Bouden, le sortant et Slim Khalbous le nouveau venu.

Ce n’est pas donc un problème de passation que décrient les anciens membres de l’équipe du ministère de l’Enseignement supérieur, mais l’attitude qui prête à équivoque du nouveau ministre envers le travail de ses prédécesseurs.

Slim Khalbous, qui a d’ailleurs été interrogé sur la question par Myriam Belkadhi, a souligné que le travail entrepris par son ministère repose sur les stratégies, plans et rapports, fruit d’un travail colossal, entrepris depuis 2012. Il n’en demeure pas moins, qu’à son arrivée au ministère, M. Khalbous a commencé par limoger quatre directeurs généraux, ceux là même, qui ne font pas partie du cabinet du ministre et qui devaient assurer la continuité administrative au sein du ministère. Résultat des courses, des projets ont pris du retard, à l’instar de la représentation universitaire tunisienne en Allemagne.

Adel Ben Amor, l’ancien chef de cabinet de l’ex ministre de l’Enseignement supérieur, Chiheb Bouden, a tenu à apporter quelques éclaircissements concernant l’annonce le 14 février de la création de cette représentation.

Il explique, documents à l’appui, que suite à une requête de notre ambassadeur en Allemagne relative à la mise en place d’une mission universitaire à Bonn, et à la rencontre du ministre Chiheb Bouden, lors de sa visite en Allemagne en Mars 2016, avec un groupe d’étudiants tunisiens en Allemagne, la décision de créer cette mission à Bonn a été arrêtée et approuvée par le chef du gouvernement Habib Essid (par écrit). Démarche qui vise à mieux encadrer les étudiants tunisiens en Allemagne dont le nombre prévisionnel pour 2020 s’élèverait à 10.000, mais également pour se rapprocher des pays scandinaves dont le système est réputé être parmi les meilleurs au monde.

« Ce projet a été inscrit dans le plan quinquennal et le budget 2016 du ministère. Un arrêté ministériel a été signé le 2 Août 2016 instituant sa mise en place et désignant le Professeur Radhouane Boukhris (germanophone) Directeur de la mission et Mr Moez Gobtni (Directeur Général de l’inspection au ministère) régisseur de la mission. Parallèlement, un courrier a été adressé le 11 Août à notre ambassadeur sous couvert du ministre des affaires étrangères pour leur faciliter cette implémentation. Les concernés ont finalisé les formalités administratives nécessaires (visas, passeports diplomatiques, réservations, locations, …) et s’apprêtaient à prendre leurs fonctions lorsque l’actuel ministre, fraîchement nommé, décida d’arrêter la procédure, sans aucune raison » a-t-il poursuivi.

Le retard, pourtant dénoncé par Slim Khalbous lui-même et expliqué par une totale reconfiguration du projet.

 

Les gouvernements se suivent et ne se ressemblent pas. Le dernier et énième remaniement ministériel, entrepris par Youssef Chahed, confirme la tendance. Après avoir limogé Abid Briki, ministre de la Fonction publique, et nommé Khalil Ghariani au poste, le renoncement de ce dernier, dû aux tensions provoquées par l’UGTT, poussent le chef du gouvernement à supprimer le ministère.  Les structures et les institutions qui relèvent du département seront dorénavant rattachées à la présidence du gouvernement.

 

L’issue de cette affaire est une conséquence claire de la « discontinuité » de l’Etat. Cette fêlure du gouvernement ouvre la brèche aux forces politiques « parallèles » représentées notamment par les syndicats qui se renforcent de plus en plus, au détriment de gouvernements minés par des tensions internes. La désunion, la « désolidarisation » et les ruptures successives, finiront par mettre à genoux ce gouvernement, comme ce fut le cas des précédents et comme il en sera des suivants, si le même état d’esprit perdure.

 

Myriam Ben Zineb

03/03/2017 | 19:59
7 min
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Commentaires (6)

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takilas
| 04-03-2017 21:08
Avec des phénomènes comme ceux de troïka, comment voulez-vous travailler ce pays massacré tant par le RCD puis par Nahdha. Une terrible stagnation est alors survenue et ce depuis environ 1984-1985 lorsque des profiteurs voulurent suppléer Bourguiba, sauf que d'autres profiteurs plus malins, mais aidés par de tierces personnes arnaqueuses parvinrent à les coiffer au poteau en 2011.
Donc il ne peut y avoir ni continuité ni évolution, tant que ces médiocres sus-mentionnés continuent, par contre, leurs arnaques et ne veulent jamais reconnaître qu'ils sont incompétents et incultes, que de prétendre connaître l'islam s'est révélé insuffisant, dont et de même, ils ne connaissent pas du tout cette religion. Même ceux qu'ils ont du engager dans leur min le secte formée entre leurs villes adoptives Paris et Londres, dans lesquelles villes ils ont pu former des entreprises lucratives et s'acheter des appartements standing entre avenue Foch et la Villette, soit un comportement dit d'Alarme et de collaborateurs avec RCD et Bwen Ali. Et ils osent accuser l'honorable peuple des accusations qui sont plutôt propres à eux-mêmes. Un peuple qui est resté en Tunisie, souffrir le martyr et se faire escroquer et massacrer par le RCD contrairement à ceux (nahdha) qui ont fui La Tunisie et pris refuge politique de luxe, royalement payé et choyé, à Londres et à Paris,

DHEJ
| 04-03-2017 20:25
N'est-ce pas l'esprit de la CONSTITUTION?

Dr. Jamel Tazarki
| 04-03-2017 13:55
Dans l'article ci-dessus on peut lire:' Par continuité de l'Etat on désigne l'engagement d'un gouvernement à honorer ceux du gouvernement sortant.' ==> ceci n'est pas vraiment la définition exacte de la continuité de l'Etat! Certes, certains engagements peuvent et doivent être même annulés si l'intérêt du pays l'exige!

Nous avons eu plusieurs différents gouvernements depuis 2011, et ceci ne serait pas devenu un problème, si l'arrivé de chaque nouveau gouvernement n'avait pas abouti à limoger et neutraliser l'intelligence à l'intérieur de nos institutions. En particulier notre ex-troïka a placé partout ses fidèles qui étaient souvent incompétents et elle a ainsi neutralisé l'intelligence à l'intérieur de nos institutions. Au temps de notre troïka il n'y avait qu'une seule règle: 'Un haut fonctionnaire, ça ferme sa gueule ou ça dégage'

La continuité de l'Etat signifie que le changement de gouvernement ne doit pas se traduire par un changement de l'élite et de nos hauts fonctionnaires. Oui, il faut garder nos fonctionnaires pour leur qualification professionnelle précieuse.

Dans l'article ci-dessus Mr. Aïdi nous dit: 'les personnes qui ont été limogées, lorsque j'étais à la tête du ministère, en raison de lourds soupçons qui pesaient sur elles, ont été appelés à réintégrer leurs postes par Mme Meraï" ==> Oui Mme Meraï a complètement raison de ne pas renoncer à nos fonctionnaires qualifiés et d'une très grande expérience rien que pour des soupçons sans fondement.

Le renouvellement du personnel administratif à chaque changement de gouvernement est absurde et ne peut que ruiner notre pays et notre Administration. Il nous faut un article dans notre constitution (comme en Allemagne) qui reconnaît aux fonctionnaires la liberté d'association politique comme tous les autres citoyens. Nous ne pouvons pas nous permettre de changer tous les directeurs de nos institutions à chaque changement de gouvernement.

Ce qui manque en Tunisie est une organisation à l'échelle nationale pour la défense et la protection des droits de nos hauts fonctionnaires des nominations aléatoires et absurdes. Il faut que cette organisation bloque toutes les réformes déraisonnables et de s'imposer ainsi comme une force face à l'idiotie. Il s'agit en particulier de l'intérêt supérieur de l'État tunisien qui doit être apolitique.


Les hauts fonctionnaires en Allemagne:
Je vous propose de lire l'article apparu le 22.08.2013 dans le journal allemand "Stern" sur les pages 48 à 57 "Europa macht ernst". On lit dans cet article que ce sont les hauts fonctionnaires qui définissent et préparent les plans de sauvetage du système bancaire européen, alors que le ministre allemand fédéral des Finances Mr. Wolfgang Schäuble "s'ennuyait" pendant plus que 8 heures dans le Bureau à côté. Afin de tuer le temps, Mr. Wolfgang Schäuble jouait au sudoku sur son laptop (d'après le journal Stern).

Bien sûr que Mr. Wolfgang Schäuble est un ministre d'une très grande intelligence et d'une très grande expérience. Mais la chancelière allemande, Madame Angela Merkel, fait plutôt confiance aux hauts fonctionnaires des institutions allemandes et européennes qu'à son propre ministre de finance pour leur expérience et leur savoir-faire. A la fin de la page 54 du journal Stern du 22.08.2013, on peut lire: "Die Kanzlerin traut ihrem eigenen Finanzminister nicht mehr zu." En d'autres termes: La chancelière ne fait plus confiance [sur la base des compétences] en son propre ministre des finances. Et ainsi Madame Merkel, d'après le journal Stern du 22.08.2013, a préféré écouter les fonctionnaires des institutions allemandes et européennes plutôt que de se limiter à l'avis de son Ministre des finances. Et c'est tout à fait normal'

Jamel Tazarki

Zaz - Je Veux
https://www.youtube.com/watch?v=Tm88QAI8I5A&index=15&list=RDVDJWD2PBMrw

DHEJ
| 03-03-2017 22:10
Continuité de l'intérêt de la famille de l'état ...


Histoire de droit de l'homme


Tiré profit de l'État c'est la continuité sous l'effet du lobbying ...

takilas
| 03-03-2017 21:19
Les plus corrompus, les plus profiteurs dans ce pays tunisien c'est nahdha.
A chaque accusation à chacune des critiques à leur encontre, ils énervent et redeviennent agressifs, et dès lors, ils ne savent que répondre :
- Alors on va retourner à dictature.
Donc si l'on comprend bien, ils font ce qu'ils veulent à leur guise et avec banditisme, et doivent arnaque, duper et profiter de tout ce qu'ils espèrent conquérir, sinon ils accusent le peuple de dictature.
- Cela s'appelle une dictature composée. Alors, à ce moment, on préfère la dictature de Ben Ali, dont ils ne connaissent rien sauf ils menaient la vie de château à Londres et à Paris, que cette dictatures avec en plus le banditisme et la négligence des autres gens. Leurs animosité (dépassant Ben Ali en ce point de vue)c'est de mettre main basse sur la capitale et de dédaigner avec grande haine les originaires des grandes villes surtout les tunisois ; et pour chaque groupement d'habitants, ils utilisent une tactique bien déterminée pour servir entre autre à leur populisme,pour se faire plus parti santé à part ceux alléchés et corrompus par des connivences indécentes, au Sud.
Pour ce qui est de l'argent envoyé à la BCT cet argent est destiné à nahdha et GHannouchi pour duper plus de gens, et certainement pour corrompre davantage Mohsen Marzouk.
Mais, le peuple ne pourra jamais être dupé comme ils espèrent, et la victoire de l'honneur et de la dignité se répétera. Ce n'est que pure perte d'argent et de temps,La Tunisie restera libre comme depuis quatorze siècles..



takilas
| 03-03-2017 20:21
Nahdha ne fais depuis sa venue de Londres en 2011 que massacrer La Tunisie de jour en jour.
Continuez !
- Laissez-les faire !