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La chariâa a encore de beaux jours devant elle
14/08/2017 | 19:59
6 min
La chariâa a encore de beaux jours devant elle

L’annonce présidentielle du 13-Août a suscité un vif débat. Le discours prononcé à l’occasion de la fête de la femme a comporté des mesures jugées « progressistes » et « allant dans le sens de l’égalité homme/femme », tant réclamée par les défenseurs de la cause féminine et des droits humains. Elles se sont pourtant heurtées à un attachement à la chariâa si cher à la frange conservatrice de la population tunisienne.

 

 

« Nous sommes désormais deux peuples, il ne faut plus se leurrer », écrivait Yassine Ayari sur sa page Facebook hier, dimanche 13 août 2017. Le bloggeur, habitué des propos controversés et politiquement incorrects, a tapé dans le mille avec sa récente publication.

En effet, le flot de réactions qui a suivi le discours du président de la République le 13 août, montre que ses propos ont divisé les Tunisiens. Béji Caïd Essebsi a annoncé, lors de la fête nationale de la femme, deux mesures phares : l’égalité successorale entre l’homme et la femme et la liberté, pour toute Tunisienne, d’épouser désormais un étranger de confession non-musulmane.

Jugées « avant-gardistes » dans une société patriarcale qui applique encore des textes de loi s’inspirant de la Chariaa, ces annonces ne sont pourtant, pour l’instant, que de simples propositions. Pour l’égalité de l’héritage, une commission a été constituée afin d’étudier la faisabilité de la proposition et pour le mariage avec un non-musulman, une deuxième circulaire devra venir remplacer la caduque circulaire 73. Et pourtant, même au stade de théories, ces annonces se sont répandues comme une trainée de poudre et elles ont eu le mérite de susciter un débat qui gagnerait à être abordé.

 

La Constitution de 2014 consacre deux principes chèrement défendus par les progressistes. La liberté de conscience et l’égalité entre l’homme et la femme. Pourtant, dans les faits, les femmes tunisiennes continuent d’hériter uniquement la moitié de ce qui revient aux hommes, comme le prévoit le Coran. Elles sont aussi, dans bien des cas, privées d’épouser des étrangers si ces derniers ne montrent pas patte blanche en se faisant convertir à la religion musulmane.

Dans les faits, si les députés de la Constituante ont renoncé à une inscription franche de la chariâa dans la Constitution de 2014, certains textes en restent pourtant inspirés. La Constitution tunisienne indique, dans son article premier, que « La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l'Islam est sa religion, l'arabe sa langue et la République son régime ». Un article sur lequel de nombreuses personnes se basent pour justifier des lois inspirées de la chariâa islamique. Des lois qui sont pourtant devenues, depuis 2014, inconstitutionnelles en vertu de l’article 6 qui énonce que « l'État garantit la liberté de conscience » aux Tunisiens, mais aussi l’article premier du deuxième chapitre qui prévoit que « les citoyens et citoyennes sont égaux en droits et devoirs ».

 

Dans la chariâa islamique, l’égalité de l’héritage n’existe pas. Le Coran indique clairement que l’homme devra hériter le double de ce qui est dû à la femme. Si le texte coranique est souvent sujet à nombreuses interprétations, les savants de l’Islam semblent s’être mis d’accord sur ce point et n’admettent aucune équivoque. Une base religieuse qui a inspiré les articles relatifs à la succession (de 85 à 152) du Code du statut personnel (CSP) qui énonce que la fille hérite de la moitié de la part du garçon.

A l’époque, si plusieurs autres textes d’inspiration charaïque ont pourtant été abandonnés avec l’avènement du CSP comme l’interdiction de la polygamie et de la répudiation, l’opinion publique était encore réfractaire à toute modification des dispositions touchant l’héritage. 61 ans après la promulgation du CSP, elle semble encore l’être.

Idem pour l’interdiction pour la femme tunisienne d’épouser un non-musulman. Cette disposition pourtant inconstitutionnelle, est dictée par la circulaire 73, jugée « caduque » par de nombreux juristes mais qui reste encore appliquée. Ainsi, pour qu’une femme tunisienne puisse épouser un étranger venant d’un pays non reconnu comme étant musulman, ce dernier devra se convertir à l’islam et apporter un certificat délivré par un organisme religieux qui le prouve. Cette disposition représente plus une formalité qu’autre chose étant donné qu’elle est, dans bien des cas, faite uniquement afin de légaliser l’acte de mariage et n’engage aucunement l’époux à un quelconque devoir spirituel ou religieux.

 

L’argument religieux brandi comme étant une ligne rouge à ne pas franchir, vacille lorsqu’il s’agit de dispositions qui sont entrées dans les mœurs, prouvant ainsi que c’est la tradition qui prime et non pas l’islam comme religion d’Etat. En plus de la polygamie et de la répudiation, qui sont désormais abolies en Tunisie, nombreuses dispositions dictées par la chariâa n’ont pas trouvé preneur dans la loi tunisienne comme l'esclavage par exemple.

Aujourd’hui plus que jamais, la question délicate de l’égalité de l’héritage dérange encore dans une société patriarcale dont elle risque de chambouler l’équilibre fragile et de, surtout, déranger les intérêts de nombreuses personnes. Cette question a donné du fil à retordre à un Habib Bourguiba qui a dû céder aux pressions  en 1974 et a renoncé à amender le CSP afin d’instituer l’égalité de l’héritage.

La question a aussi été abordée en 2016 au sein du parlement lorsqu’un projet de loi a été proposé par des députés afin d’instituer la légalité de l’héritage. Une proposition qui a rapidement suscité l’ire d’une bonne partie de l’opinion publique. A l’époque, le mufti de la République, Hamda Saïd, avait affirmé que « l’égalité de l’héritage est proscrite par la Chariâa » insistant sur le fait que le « texte coranique est clair à ce sujet ».

 

La Constitution stipule clairement que la Tunisie est un Etat civil, et pourtant, beaucoup restent attachés aux préceptes de la religion musulmane clamant haut et fort que les Tunisiens sont en majorité musulmans. Si aucune statistique claire n’existe pour trancher enfin cette question épineuse, les articles de loi rejetant une tradition charaïque vieille de plusieurs dizaines d’années dérangent encore. Elles titillent les réfractaires au changement.

Pour ce faire, le président de la République se montre prudent : «  Nous ne voulons pas aller dans des réformes qui choqueraient le peuple tunisien », a affirmé, dimanche, Béji Caïd Essebsi. Raison pour laquelle, à l’heure actuelle, les choses se font doucement. En matière d’héritage, le seul changement qui a été apporté, c’est la création d’une commission qui se chargera d’étudier la question des libertés individuelles et d’établir un rapport…

 

Synda TAJINE

14/08/2017 | 19:59
6 min
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Commentaires (35)

Commenter

belko
| 16-08-2017 12:21
Paralysie mentale de tous ces ignares qui refuse d'avancer par paraisse et peur d'oser. Le monde se développe et lit ses textes avec intelligence et ijtihad, alors que les autres s'agrippent au passé et refusent de voir le monde évoluer car, ils n'ont pas les moyens de s'attaquer aux lourdes du développement. Trop pénible pour ceux qui sont habitués aux longues siestes anesthésiantes. C'est dramatique, dans cent ans, ils seront au même point de sous développement dans tous les domaines

Nahor
| 16-08-2017 11:46
Monsieur "Char'îa du CSP",

personnellement je n'ai pas la mauvaise habitude de tutoyer avec des personnes que je ne connais pas et qui ne me sont pas familières.

Voici la fameuse "char'îa" qui plait aux Ikhawn de Tunis soumis à leur ayatollah absent dimanche 13 août au discours historique de M. Caïd-Essebsi :

***

L'impolitesse et la barbarie vont apparemment d'emblée avec ceux qui soutiennent en pleine paranoïa la char'îa dans un Pays qui l'a refusée historiquement en barbe à un "Guide Suprême" venu de Londres et se faisant chanter la louange réservé au prophète en 2011... : c'est bien compréhensible alors pourquoi cet halluciné notoire, qui se pense venu à "ouvrir le chemin de Mhadi mountadhir", n'était pas présent au Rendez-vous de l'Histoire le 13 août passé.

Mais malheureusement pour vous, il faut répéter le fameux adage arabe : "les chiens aboient, et la caravane passe" (avec toutes ses réformes et sans votre "char'îa")

N.G.M. - Activiste pour les Droits de l'Homme (ONU)

DHEJ
| 16-08-2017 08:53
Le titre de l'article dit que "la chari'a a encore de beau jour"

J'ai dit que le mot "chari'a" est cité dans le code du statut personnel tant applaudi par les modernistes;;;


Alors qui va oser toucher au fameux code pour éliminer le mot???


Et pour les exécution en Iran, il y a mieux les exécutions de l'ONU sous l'égide de l'article 7...

Nahor
| 16-08-2017 00:14
Le lien justement n'a pas été publié !



Donc vous isolez mon commentaire du contexte et références PRECIS. Sans même pas les astérisques de CENSURE??

Si non, pas la peine de publier une phrase dépourvue de sens. Merci de l'attention.

B.N : Cher lecteur, merci de renvoyer le commentaire à nouveau.

Nahor
| 15-08-2017 23:18
Voici enfin la shar^'îa réclamée par les islamistes:

"How they love Sharîa" -voici les exécutions publiques de groupe en Iran, et votre belle char'îa qui plait aussi à DAECH


DHEJ
| 15-08-2017 19:44
2004 c'était sous la dictature comme tu aimes l'appeler lors du règne de ZABA maitre absolu de la justice


Une justice qualifié aujourd'hui même par un membre du gouvernement de"mauvaise"!


Le texte est clair sauf pour le juge et toi!

ourwa
| 15-08-2017 19:02
"la Charia n'oblige aucun musulman en son âme et conscience. Seul le Coran oblige.. " (sic), dites-vous, avec la satisfaction d'un meddeb diplômé du quartier Ettadhamin... On se demande où vous puisez votre inculture "musulmane", dans la Pravda ou dans le Figaro?... Vous qui vous dites anti islamo-fasciste...mais musulman "éclairé", "démocrate" etc...comme si l'Islam "modéré" qui vous tient à coeur n'a rien à voir avec sa progéniture, une multitudes d'idéologies islamo-fascistes, rétrogrades, liberticides, anti démocratiques, abjectes... Donc, vous semblez ignorer - à moins que vous faites semblant- que le coran, que vous chérissez, énonce clairement les règles concernant le partage de l'héritage, lesquelles règles accordent explicitement une demi part par rapport à celle de l'homme. Que doit-on comprendre? que vous refusez le changement de ces lois, dans le sens d'une égalité complète entre l'homme et la femme? Ce ne serait pas étonnant de votre part, vous dont l'inconscient difficilement masqué, semble pétri d'un islam réactionnaire ( comment en serait-il autrement?), inégalitaire, sexiste et injuste...
Vous fixez la création de la charia au XIe siècle, alors qu'un semblant de sa mise en forme remonte au XVIII siècle et que son essence première est énoncée clairement par le coran...dont la loi islamique sur l'héritage. Instruisez-vous un peu mieux, au lieu de naviguer dans des eaux glauques...
Et puisque, à propos de charia, dont vous semblez exclure le coran, vous parlez
d'"Oeuvre humaine désuète". C'est exact...mais incomplet, car, ne vous en déplaise, charia, sunna, hadiths, coran sont tous, sans exception, une oeuvre humaine, des histoires, des prescriptions et des lois de fabrication humaine. Et en ce qui concerne les récits "historiques", celles des "prophètes", depuis Adam, ils se trouvent déjà dans l'Ancien Testament...mais surtout bien avant, dans l'épopée de Gilgamesch, au VIIIe siècle avant J.C. Mais que voulez-vous, les faiblesses de l'esprit humain exigeraient, parait-il, le soutien d'un être céleste, divin, tout puissant, rassurant en quelque sorte... C'est ainsi que, sur ce modèle, des idéologies dictatoriales, liberticides, fascistes furent érigées, telles que le fascisme italien, franquiste et nippon, le nazisme, l'islamo-fascisme sunnite et chiite, le totalitarisme soviétique, chinois et cubain etc...

Nahor
| 15-08-2017 19:00
Encore une fois, s'accrocher au texte pour soutenir son opinion, ou l'opinion d'Ennahdha, ne FAIT PAS JURISPRUDENCE;

La Jurisprudence se base sur des arrêts, notamment de la Cour de Cassation, comme celui que j'ai cité plus ne bas (revoir mes commentaires) ///

Même tout l'argent du Qatar qu'Ennahdha pourrait trafiquer ne changera PAS les bases républicaines de la Tunisie, selon la volonté du fondateur de la République, car personne féra oublier aux Tunisiens ce que Habib Bourguiba a crié haut et fort a celui venu ramener la révolution iranienne de 1979 aux Tunisiens:

" PAS DE KHOMEINY DANS MA PATRIE ! "

La Tunisie n'a pas de Shar'îa à appliquer, ni de "Guide Suprême" à suivre, surtout quand cet halluciné notoire se croit en droit d'exercer un "veto" sur les candidatures présidentielles....

C'est TOUT!

N.G.M. - Activiste pour les Droits de l'Homme (ONU)

1/raisonnable
| 15-08-2017 14:36
La religion interdit aux femmes de sortir sans la présence d'un mal à ses côtés, sans demander l'avis de son mari et être en dehors du foyer conjugal en face des hommes. Pouquoi les hypocrites qui se prennent pour conservateurs n'ont pas su ça.