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Chroniques
Jomâa, Marzouk, Ghannouchi et la nuit du destin
Par Inès Oueslati
14/07/2015 | 15:59
6 min
Jomâa, Marzouk, Ghannouchi et la nuit du destin

 

Trois photos partagées ces derniers jours traduisent, à elles seules, l’avenir politique tunisien. Mehdi Jomâa au marché, Mohsen Marzouk au mausolée de Sidi Sahbi et Rached Ghannouchi à la mosquée Zitouna. Une mise à exécution des ABC de la com’ dupliquée de trois manières différentes, c’est ce qu’on aura vu, à travers ces clichés. Trois protagonistes, donc, et non des moindres : le premier a été chef de gouvernement et aspirerait encore à un poste à la tête de la Tunisie. Le deuxième est perçu comme « le » candidat potentiel à la magistrature suprême. Le dernier est le chef d’un des mouvements politiques les plus influents en Tunisie. Celui qui peut faire basculer la balance vers l’une ou l’autre partie.

 

Sur les réseaux, les internautes ont partagé en masse la photo de Mehdi Jomâa achetant des pommes de terre. Pensait-on qu’un homme politique devenait un surhomme à la fin de sa mission ? Plusieurs Nidaïstes ont critiqué ladite photo prétextant y déceler une mise en scène maladroite. A-t-on vite oublié, par ici, que la communication politique est un véritable jeu d’acteur ? Ceux-là mêmes qui critiquent l’aspect travaillé de la spontanéité affichée de Mehdi Jomâa, en savent pourtant quelque chose sur l’art de faire comme si, en période préélectorale. On aura, du moins, appris que la mauvaise foi se fait, au besoin, désigner comme de la perspicacité et que nos propres travers ne sont pas beaux à voir, dès lors que c’est l’adversaire qui s’en empare.

 

C’est donc tout sourire, en short et tee-shirt, que notre ancien chef du gouvernement et potentiel futur président s’en est allé acheter des patates. Quoi de plus prosaïque ? Quoi de plus parlant ? Première brique d’une image qui prendra, petit à petit, forme, cette scène immortalisée et très partagée laissera, en les électeurs potentiels, l’impression d’un dirigeant simple, humain et semblable à eux. Un politicien est, avant tout, un homme et un homme en qui on se reconnaît. La stratégie est définie et le jeu ne fait que commencer. Celui qui fait encore cavalier seul est déjà l’un des hommes politiques en qui les Tunisiens ont le plus confiance (45,9% selon un sondage Sigma datant de mars 2015). La tendance est affichée et il part en position de probable gagnant. C’est peut-être pour cela qu’il dérange. Bon vent, Monsieur Jomâa !

 

Du côté de Nidaa Tounes, l’affaire est toute autre ! On évoquera la loyauté aux Etats-Unis de Mohsen Marzouk qui en est le secrétaire général et le probable candidat à la présidentielle. Sa photo lors de la diffusion de l’hymne national américain à l’ambassade des Etats-Unis en Tunisie fera jaser ceux qui y verront un signe explicite envers le pays de l’Oncle Sam. Une autre photo contrebalancera cet effet négatif. C’est celle d’un Mohsen Marzouk lisant quelques versets coraniques à un mausolée de Kairouan.

 

Que l’âme de Sidi Sahbi soit avec lui ! C’est ce que chercherait le potentiel futur président de Tunisie ? Un de nos plus grands militaires n’avait-il pas dit, lors d’une interview attendue à l’époque, que la Tunisie est préservée, grâce à ses saints ? Tellement tordu comme idée qu’à l’oral, on m’aurait à coup sûr, comprise autrement ! Quoiqu’il en soit, Mohsen Marzouk a bien compris cette aberration et a mis cela à exécution. Le prototype d’électeur le plus puissant en Tunisie n’étant pas celui qui se croit futé et qui passe son temps à scruter et à critiquer, en bon politicien, il aura compris que le message est à adresser ailleurs que dans cette bulle. A cette cible plus large, choisie stratégiquement et non par affinité idéologique, il est nécessaire de s’adresser régulièrement et avec les codes propres à elle, évidemment. C’est un peu ce que nous appelons, communément, populisme.

 

Plus d’antipodes donc dans cette politique tunisienne qui balançait, il n’y a pas longtemps de cela, entre laïcs et islamiques. Plus d’extrêmes, que des choix divers dans la communication et dans les messages. Mais le tout se complique, quand la cible de ces stratégies de communication n’est plus le peuple, ni la populace, mais la pseudo élite récalcitrante. C’est le cas de Rached Ghannouchi, lors de la prière avec le président de la République à la mosquée Zitouna, la nuit du Destin, celle que nos politiciens célèbrent comme on célèbre une circoncision, avec la famille élargie. Tous en habits traditionnels. On se croirait presque à un concours de « jebba ». La blanche, la beige, la marron, la rayée, la grise, la bleutée et le costume ! Cherchez l’intrus ! Il est bien visible : le seul à n’avoir pas respecté le « dress code » du concours du plus prestigieux homme politique en traditionnel tunisien !

 

Ah l’horreur ! Notre cheikh national était hier le plus moderne de tous, plus que Mohsen Marzouk et sa chemise Mc Gregor et sa prétendue Rolex (Nous ne l’avons pas vue de près, mais peut-être que celui qui en est connaisseur, un certain Nicolas Sarkozy de passage en Tunisie cette semaine, pourra-t-il attester que Monsieur Marzouk a bien réussi sa vie). Nous disions donc que M. Ghannouchi était plus moderne que les modernes. Ni marché, ni mausolée, ni conventionnalisme ! De l’air frais du côté du dirigeant d’Ennahdha, un air revigorant faisant du cheikh un sieur, un véritable rival politique jeune, « beau » (j’ai toujours cru en la relativité des choses et des êtres) et moderne. Que l’on soit cavalier seul, coéquipier caché ou déclaré, il est celui auquel s’allier est gage de réussite (car la réussite est quantitative et non qualitative, les expériences électorales récentes nous l’ont appris).

 

Trois photos ont marqué l’actualité ces derniers jours. Pas l’actualité bavarde, mais celle moins explicite et plus symbolique. Nos « people » d’un genre nouveau aiment les photos et les photos ça s’aime, énormément, sur les réseaux sociaux. Vecteurs d’une communication politique, elles visent à constituer l’image escomptée de ceux qui voudraient nous voir voter pour eux. Comme on lit l’avenir dans les cartes, on pourrait lire, dans ces clichés, l’avenir politique tunisien et ses prochaines échéances décisives : Mehdi Jomâa et Mohsen Marzouk qui rivalisent dans l’art de vouloir plaire au peuple et Rached Ghannouchi, celui qui voudrait tellement faire croire qu’il a changé. Cela ne pourra l’aider qu’à convaincre enfin ses détracteurs de longue date. Ses nouveaux amis et ses prochains alliés ont compris que le cheikh, en « djebba », en costume, barbu ou rasé de près, est utile pour une accession au pouvoir. Son positionnement pour l’un ou l’autre candidat aura un poids certain. Même MBJ l’avait compris à l’époque. Le Cheikh est la clé politique d’une Tunisie, tellement ambivalente que les camps et les idées se mélangent à souhait. Au diable, l’idéologie et les promesses ! En politique, il faut de l’image et une façade qu’on aura peinte au goût du jour.

 

On prie, on fait les courses, on se modernise. Chacun avance, comme il peut et comme son équipe le veut, vers des élections importantes qui détermineront le destin de la Tunisie et confirmeront la prédominance d’une alliance internationale particulière, selon le profil du candidat. Que le meilleur gagne ! Le meilleur futur président, non pas le meilleur acteur. Oui, tout se joue déjà et les vertus de la nuit du destin pourraient bien se poursuivre. Politiciens, cabotins, figurants, à vos flashs !

Par Inès Oueslati
14/07/2015 | 15:59
6 min
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Commentaires (12)

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IVRESSE ET BONHEUR
| 19-07-2015 16:42
Les tunisiens ne savent pas que la democratie ete un piege pour les coloniser parce qu ils ne pourrons pas resoudre avec leur petit Qi et intelligence simpliste des millions d années d existence pour trouver un comproli et une logique de cohabitation entre les force de la joie et de la mort

les tunisiens sont en danger de mort en continuant dans leur imaginaire democratique du non sens, il est presque trop tard, bientot les tunisiens vont se faire exterminer et se faire massacrer par des hordes de barbares super entrainé et drogué qui vont deferlé du ciel de terre pour s accoupler avec les 70 vierges et coloniser ses terres d ignorances et de tabou

Avec l emergence des robots on n a plus besoin de sous traitance et la Tunisie doit etre simplement tué

badi
| 17-07-2015 17:03
Potentiel futur président.Sans projet, sans parti,sans passé militant mais avec juste un T.shirt blanc de pur béldi qui fait tourner déjà certaines tetes remplies de fantasmes que Trierweiler a dénoncé jusqu à écrire la chronique la plus people du siècle.

JihedfromPhilly
| 15-07-2015 17:57
On prend 3 photos, on fait un article qui vraiment n'a ni queue ni tete et on joue a la Daguaza...Bien écrit l'article quand meme

Bob
| 15-07-2015 16:31
''Lire l'avenir sur les cartes'', ''lire l'avenir dans les cartes'', c'est plus français, non? Je continue ou j'arrête?

Bob
| 15-07-2015 15:59
''faire basculer la balance'' , ''faire pencher la balance'' c'est plus français, non? etc...

Jémy
| 15-07-2015 12:56
"potentiel futur président" ? waaw ! je note au passage


bon je ne suis pas nidaiste perso et j'aimerai bien qu'en Tunisie on puisse avoir un regard une opinion ou une critique sans être mis dans une case précise selon qui est visé (e)

c'est aussi ça le jeu de la démocratie ... enfin sous d'autres cieux en tous les cas ...

Abel Chater
| 15-07-2015 11:58
Le niveau de Mohsen Marzouk ne pourra dépasser les visites des Marabouts et des Mausolées. Depuis le mausolée du défunt dictateur déchu Bourguiba, jusqu'au Mausolée de Sidi Sahbi, tout ne reflète que le niveau bidon de cet homme des circonstances et des intrigues.
Mohsen Marzouk ne sera rien du tout en Tunisie et n'a aucune chance pour se transformer en un charisme chez les Tunisiens. L'homme est de nature antipathique, dont le visage ne reflète que la trahison, les coups sous la ceinture et la mauvaise foi. Il n'est digne que d'un rôle de chef d'une Mafia dans les feuilletons de Sami Fehri. Cet homme peut compter avec tout le soutien dont il jouit de l'étranger, mais ne pourra jamais compter avec le soutien des Tunisiens. La chute de Mohsen Marzouk est programmée d'avance. Elle sera de loin plus douloureuse que celle de Mohamed Essayah des temps dictatoriaux. Car la comparaison est adéquate, mais ni les temps, ni les Tunisiens ne sont plus les mêmes.
Mahdi Jomâa est l'homme le plus chanceux de notre transition démocratique. Comme il est sympathique de physique comme de caractère, il s'est avéré l'homme que les Anges lui ouvrirent les portes, sans qu'il ne le fasse de lui-même. Un chanceux agréé et agrémenté par la Divinité. Ni sa simplicité, ni sa bonté n'appartiennent à l'artificiel. Tout est naturel chez lui en rapport à sa bonne éducation familiale. Il est tout simplement un «Weld Familia». Toutefois, on ne sait rien de lui et rien de bon et de solide ne vient de lui. On se rappelle qu'après avoir dénigré la Troïka sans foi ni loi, nos médias ont plongé subitement dans un mutisme de cimetières.
Mahdi Jomâa a travaillé dans une paisibilité, comme aucun d'autre ne put le faire lors de cette transition postrévolutionnaire. Mais néanmoins, la Troïka a de loin plus réalisé sur le ring de boxe où elle a travaillé, que Mahdi Jomâa dans la soie et le velours où il était. La cherté de vie a pris des dimensions alarmantes sous Jomâa et la police a repris ses anciennes habitudes al-kâadima» de «Halima». La corruption et la torture ont revu le jour chez Mahdi Jomâa.
Donc, en un seul mot, Mahdi Jomâa a été la catastrophe muette en Tunisie. Il n'a rien réalisé pour l'avenir du pays malgré sa jouissance d'un soutien presque unanime. C'est un homme qui pourrait être un directeur d'hôtel, mais jamais un dirigent au sommet de l'état.
Quant au Cheikh Rached Ghannouchi, je n'ai vraiment rien à dire à son sujet. Je pense que même sa femme et ses enfants n'arrivent point à le comprendre. Il est plus caméléon que le caméléon lui-même. Il est plus malin que le renard. Il est plus politicien que Jimmy Carter. Il est à égalité faux, comme juste ; menteur comme serein ; trompeur comme sincère ; bonimenteur comme honnête. Il est le malhonnête dans la peau d'un Ange et l'Ange, dans la peau du Diable.
Que puis-je dire à son sujet, du moment qu'il ait déjoué le monde entier, ayant transformé ses ennemis en amis et ses amis en ennemis, sans que personne ne le hait ou qu'il ne soit rancunier à son égard.
L'âge et l'expérience comptent beaucoup en ces temps des plus difficiles pour la Tunisie.
Sahha Chribtek et Aïdek Mabrouk à toi, à toute ta famille et à tous tes collègues de BN.

G D ID
| 15-07-2015 07:42
Désolé!Tu tes trahie en ne souhaitant bon vent qu'à Mehdi Jomâa qui n'a fait que faire crouler le pays sous les dettes pour payer les fonctionnaires et c'est l'homme qui a renouvelé les contrats pétroliers à ses copains sans demander l'avis du peuple.

Yellow Cake
| 15-07-2015 07:25
Chere Ines,
Faut-il rappeler que ce sont BCE et Ghannouchi qui ont gagné les élections avec plus de 150 sieges a l'ARP. Mehdi Jomaa a jouit de la confiance des Tunisiens avec des sondages impressionnants lors de son passage a la Kasbah. Quand a Marzouk, vous les médias en faites un candidat en carton puisqu'il n'a rien réalisé jusqu'à ce jour sauf balancer des critiques (style Watad), il n'est pas bon pour gouverner. Demandez des sondages a Zargouni il vous dira.

kameleon78
| 14-07-2015 21:00
Ces trois personnages politiques ont des profils différents et des parcours différents. Parmi eux, deux ont l'ambition suprême de devenir un jour président de la République tunisienne, le troisième a pour mission d'installer l'islamisme politique en Tunisie et de façon pérenne. 1. Mohsen Marzouk a beaucoup de qualités, un homme politique chevronné, un caractère fort non dépourvu d'intelligence. Il s'appuie sur ses réseaux via son parti Nidaa Tounès, il est relativement jeune et ambitieux. Il a l'avantage de s'appuyer sur un parti structuré et fort, il est charismatique et plein d'autorité voilà le profil idéal dont les atouts sont la proximité avec le président de la République qui en a fait son dauphin attitré. Pour ses détracteurs, ils vont le définir comme homme d'appareil qui ne roule que pour lui-même. Je pense que Mohsen Marzouk sera le premier ministre d'ici deux ans et ce sera la voie royale pour une éventuelle candidature à la présidentielle. 2. Mehdi Jomaâ a l'avantage d'être un homme neuf qui ne s'est pas mouillé dans des luttes claniques, ce n'est pas un homme d'appareil, il est en dehors des partis mais est-ce une qualité? Je n'en suis pas si sûr. En effet la popularité exceptionnelle de Mehdi Jomaâ en cette période transitionnelle entre Janvier et Décembre 2014 venait du fait qu'il était au-dessus des partis, ce qui était un avantage en 2014 devient un handicap aujourd'hui car il n'a pas un parti structuré qui le soutiendrait en cas de candidature pour la présidentielle. Donc Mehdi Jomaâ malgré des qualités évidentes présente les désavantages qui fut son atout en 2014 à savoir la neutralité, le seul point commun avec son rival Mohsen Marzouk c'est son âge mais Mehdi Jomaä aura du mal à aller à la bataille tout seul et il n'a aucun intérêt à devenir le candidat de Nahda, il perdra tout le crédit des électeurs modérés. 3. Pour Rached Ghannouchi c'est tout à fait différent, pour plusieurs raisons il sera jamais candidat mais il roulera pour un candidat Nahdaoui adoubé par le parti islamiste. Donc sa tâche est plus ardue car il doit convaincre qu'il a changé et que surtout son parti a changé et ce n'est pas évident surtout que les candidats nahdaouis n'ont pas la stature ni le charisme d'un candidat ouvert, moderniste et fédérateur donc il essaiera de convaincre en donnant des gages de bonne volonté mais ce sera mission impossible, pour l'électeur tunisien moyen surtout pas de nahdaoui, il ne lui reste plus que les législatives et celles-ci ont été toujours le but de Nahda à savoir gouverner avec une majorité parlementaire donc il ne lui reste plus qu'à convaincre l'électeur et ce sera difficile vu le bilan catastrophique de la Troïka.