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Jeunes médecins, vieux problème !
21/02/2018 | 19:59
6 min
Jeunes médecins, vieux problème !

 

Des conditions d’exercice exécrables, des salaires démotivants, un cadre juridique obsolète qui date de plusieurs décennies ainsi qu’une maltraitance au sein du milieu du travail, ajoutée à cela l’inertie d’un ministère de la Santé qui n’honore pas ses promesses… Les jeunes médecins se trouvent face à un dilemme qui pousse les nouveaux diplômés à partir exercer à l’étranger. Pour le reste, le seul recours est la grève afin de remédier à cette situation.

 

Les mouvements de protestations des jeunes médecins ont commencé depuis début février lorsque les étudiants en médecine, les médecins internes ainsi que les médecins résidents ont observé une grève générale de 3 jours. Une grève dans le cadre du « Mouvement 76 » qui fait allusion à 7 ans de revendications non-satisfaites et aux 6 ministres de la Santé qui se sont succédé au pouvoir, sans pallier à la situation des jeunes médecins. Ces mouvements de protestations se sont déclenchés suite à l’appel de l’Organisation tunisienne des jeunes médecins lancé le 4 février 2018. Cette grève a concerné les différents établissements sanitaires à l’exception des services de réanimation. Elle a, par la suite, été prolongée de 3 jours supplémentaires, en signe de protestation contre l’inaction de l’autorité de tutelle face aux revendications.

Ces grèves ont été suivies par une manifestation ce lundi 19 février 2018, partant de la faculté de médecine vers le ministère de la Santé où des slogans à l’instar de « Santé, Liberté, Dignité » ont été scandés par les protestataires. 3000 étudiants et jeunes médecins se sont rassemblés revendiquant la régularisation de leur situation. Une mesure d’escalade prise en réponse à l’échec de la réunion, tenue mercredi 14 février 2018 au ministère de la Santé, et qui a été présidée par Mohamed Meftah, chef de cabinet nouvellement nommé, en présence des représentants de l’Organisation tunisienne des jeunes médecins.

 

Afin de décortiquer l’affaire, les revendications des jeunes médecins consistent essentiellement à la réforme des études médicales, au statut des internes et résidents, à la révision des salaires, ainsi qu’au service civil.

En effet, les jeunes médecins appellent à mettre en place le projet de loi de réforme des études médicales en les incluant à sa rédaction ainsi qu’à modifier les points concernant les mesures transitoires et le diplôme de doctorat.

Selon Zied Bouguerra, membre de l’organisation tunisienne des jeunes médecins (OTJM), ces revendications des grévistes sont restées les mêmes depuis 7 ans sans avoir obtenu une réponse favorable de la part de l’autorité de tutelle. Il a indiqué qu’il était insensé d’étudier 7 ans sans avoir de diplôme vu que le diplôme de docteur en médecine pourrait être supprimé ce qui fera qu’en 11 ans d’études un seul diplôme non reconnu à l’étranger, d’ailleurs, pourrait être délivré, appelant ainsi à garantir le maintien du diplôme de docteur en médecine.

Pour expliquer davantage, ces réformes concernent à la base la médecine de famille et le nouveau régime adopté en 2014, qui prévoit à la place du titre de médecin généraliste une formation médicale de base d’une durée minimale de 6 ans, suivie d’une formation appelée médecine de famille, outre la création d’un 3ème cycle offrant une formation spécifique en médecine de famille, ou dans d’autres  spécialités.

Le régime adopté en 2014 devait essentiellement se substituer à la médecine générale tout en préservant le diplôme de docteur au bout de 7 ans d’études et le diplôme de spécialiste au bout de 11 ans d’études, sauf que ce régime n’a pas été respecté puisque le ministère de la Santé ne prévoit que l’octroi d’un seul diplôme de spécialité après ces 11 ans d’études. De ce fait, les médecins internes et résidents ne disposeront pas du statut de docteur en médecine, ne bénéficieront d’aucun statut, ni de diplôme pendant la période de leur cursus universitaire.

 

En ce qui concerne le statut de base des médecins internes et résidents, les jeunes médecins appellent le ministère de la Santé à respecter l’accord de février 2017 en vertu duquel le ministère s’engage à publier le décret relatif à ce statut. Et c’est dans ce sens que Jad Henchiri, président de l’OTJM a souligné que la présidence du gouvernement a examiné ce décret et l’a remis au ministère de la Santé depuis le 23 novembre 2017, sans réponse. Il a appelé ainsi l’autorité de tutelle à rattraper ce retard et accélérer la publication de ce décret qui permettra l’entrée en vigueur d’un nouveau statut juridique vu que l’ancien statut de base date de 1976.

 

Les jeunes médecins appellent, en outre, à la révision du service civil. De ce fait, les résidents ainsi que les médecins spécialistes devraient avoir la liberté de choix pour aller travailler dans les régions intérieures du pays. Ils sont par ailleurs payés la somme de 750dt qui ne couvre pas les frais de déplacement ou d’un loyer. Les grévistes appellent à revoir les salaires des médecins ayant exercé pendant une année dans les structures sanitaires publiques dans le cadre du service civil, en augmentant leurs rémunérations à 1200dt.

Ils appellent également à réviser les conditions de travail des jeunes médecins au sein des hôpitaux universitaires qui peuvent passer même 72 heures consécutives en service entre consultations externes et gardes.

 

Parmi les revendications énoncées par les grévistes, la réalisation de l’équité salariale entre les médecins tunisiens et les médecins étrangers. En effet, selon l’OTJM, les médecins étrangers, qui ont suivi la totalité de leur cursus en médecine en Tunisie, notamment les médecins palestiniens et les médecins africains. Ces derniers perçoivent un peu plus du tiers du salaire d’un médecin résident tunisien, avec des études universitaires et une charge de travail identiques. Les grévistes dénoncent, ainsi une « inégalité raciste et discriminatoire ».

 

Ces revendications énoncées par les grévistes ont accueillies par l’indifférence du ministre de la Santé, Imed Hammami qui a jugé que la grève était injustifiée et exagérée. Il a en effet affirmé que le ministère en question avait satisfait toutes les revendications des jeunes médecins qui relèvent de son domaine d’intervention. Il a également précisé que les jeunes médecins étaient en grève en signe de contestation de l’inaction du ministère de l’Enseignement supérieur. Les grévistes de leur part, ont souligné que la grève n’avait rien d’exagéré et que toutes les mesures et les procédures de la grève ont été respectées à l’instar du préavis de la grève.

 

 

Les jeunes médecins n’ont pas été découragés par l’inertie du ministère de la Santé, ils ont ainsi procédé à remettre l’ensemble de leurs revendications à la présidence du gouvernement lors d’une réunion tenue ce mardi, 20 février 2018, à la Kasbah en présence d’Iyed Dahmani, ministre chargé des relations avec le parlement et porte-parole du gouvernement, de Souheil Alouini, président de la commission de santé à l’ARP. La présidence du gouvernement a reçu positivement ces revendications et s’est engagée à intervenir prochainement pour débloquer la situation dans les plus brefs délais devant un ministère de la Santé qui n’a pas l’air de s’intéresser aux préoccupations des jeunes médecins.

 

Boutheïna Laâtar

21/02/2018 | 19:59
6 min
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Commentaires (4)

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Polaris
| 02-03-2018 16:20
qd on fait des études médicales, c'est par vocation et envie de soigner, pas pour s'enrichir .

Bechir Toukabri
| 24-02-2018 11:42
Depuis la r'volution n'importe qui peut protester,manifester dans la rue, faire gr've et m'me fuir le pays. Tous les Tunisiens ont les droits et aucun devoir. Et l'Etat c'est comme les Papa-Maman qui ont toujours beaucoup g't's leurs enfants. Or cet 'tat et tout le pays n'a plus les moyens de satisfaire les besoins minimums des Tunisiens. Or aussi si cet 'tat n'a-t-il pas 't' choisi indirectement par ces Tunisiens g't's lors d'lections d'mocratiques?

DHEJ
| 22-02-2018 18:28
Former un m'decin n''est pas une mince affaire...

lechef
| 22-02-2018 09:04
Nous avons toujours dit que les problèmes qui surgissent de temps en temps dans tous les les secteurs ne devraient pas être résolus dans le sens vainqueurs -vaincus pour arriver aux résultats probants.
C'est pourquoi, il faudrait savoir parler, dialoguer et assurer le minimum de diplomatie sans essayer de montrer que vous détenez la réalité absolue.
Hier, je me suis aperçu que les problèmes qui rencontrent les jeunes médecins ne sont pas très difficiles à résoudre , mais plutôt des problèmes de communications perturbent de plus la situation.
1 - Tout d'abord, l'intervention du ministre de l'enseignement supérieur a montré que le plus grand problème - je suppose - , le diplôme de Docteur en Médecine sera délivré puisqu'il confirme avoir signé un décret avec le ministre de la santé publique. D'ailleurs, ceci constitue un très bon acte et il suffit de vérifier la véracité de cette action avec le syndicat de base des jeunes médecins.
- Mais le discours de Directrice de la santé publique est décevant , puisqu'elle a confirmé que les intervenants sont hésitants à considérer la médecine de famille comme spécialité et surtout que le '' statut mettra encore du temps pour être approuvé.
Mais ce qui est grave encore, c'est ce flagrant manque de communication puisqu'elle a rappelé que ces médecins be seront pas payés puisqu'ils n'ont pas travaillés.
Je considère que ce rappel est très grave - même si j'ai toujours dit nous sommes payés que lorsque nous travaillons et toute journée d'absence irrégulière - y compris les grèves - sera déduite du salaire !!!!
Je répète , inutile de rappeler , bien que le jour j vous pourrez appliquer la loi SACHANT , que ces jeunes médecins ne PERCOIVENT pas d'indemnités - et non pas un salaire - durant le premier TRIMESTRE et ne seront pas payés qu'en Avril .
Oui, Le versement des indemnités ne sera opérationnel qu'à partir du mois d'AVRIL avec effet rétroactif. Donc, actuellement , déjà leurs cerveaux ne sont pas '' à l'argent '' puisqu'ils ne sont pas encore payés et il faut encore 1 mois et demi pour les percevoir .
C'est décevant de rappeler dans une discussion au lieu d'essayer de trouver des solutions.
C'est le citoyen - les patients - qui payent actuellement '' ces bêtises et ce manque de savoir de dialogue'.