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Interview de Taïeb Zahar : Non, la presse tunisienne ne sera pas mise à genoux !
20/11/2015 | 19:59
6 min
Interview de Taïeb Zahar : Non, la presse tunisienne ne sera pas mise à genoux !

Taïeb Zahar, président de la Fédération tunisienne des directeurs de journaux (FTDJ), nous a chaleureusement accueilli dans son bureau à Tunis en ce vendredi 20 novembre 2015. De la dernière polémique suscitée par la diffusion des images dégradantes du jeune berger assassiné par des terroristes, de la réaction du ministère de la Justice, des accusations de tentatives de bâillonnement du secteur de la presse et de bien d’autres sujets, Taïeb Zahar a bien voulu s'exprimer.



En tant que président de la Fédération tunisienne des directeurs de journaux comment aviez-vous reçu le communiqué du ministère de la Justice, considéré par certains comme une tentative de bâillonner la presse ?

 

Nous n’avons pas pensé le grand bien de ce communiqué. En tout cas il nous a fait réagir. A la fédération, le premier combat que nous menons est celui pour la liberté d’expression. Le communiqué, tel qu’il a été publié, nous a donné l’impression que la liberté d’expression risquait d’être menacée. Ceci dans la mesure où, cela pouvait donner un signal négatif à tous les journalistes. Comme chacun le sait, les journalistes tunisiens sont engagés dans la lutte contre le terrorisme. Business News, notamment, fait partie des victimes potentielles, de par sa ligne éditoriale et son combat contre ce fléau. Si on généralise, on dira que la presse tunisienne est mobilisée contre le terrorisme qui nous frappe tous.

Pour nous, la priorité de notre action est donc la défense de la liberté d’expression. C’est pour cette raison que nous avions réagi comme un seul homme. Aujourd’hui le journaliste n’est pas au-dessus de la loi, mais s’il devait fauter, il faut qu’il soit soumis au décret-loi 115 du code de la presse et non par une quelconque jurisprudence, en l’occurrence la loi antiterroriste. C’est à ce niveau que nous avons décidé de réagir, en menant une action avec les deux syndicats des journalistes. Lors de la réunion, nous avons dénoncé les agissements des pouvoirs publics en ce qui concerne l’appréciation de la faute qui a été commise.  

 

Les autorités ont loué, aujourd’hui, le rôle des médias. Il ne s’agirait pas d’une tactique et d’un recul pour mieux sauter ?

 

Non, je ne suis pas dans la logique du complot permanent. Je pense qu’eux aussi sont en train d’apprendre. Le porte-parole du ministère de l’Intérieur a salué les efforts des journalistes dans la lutte antiterroriste. C’est ensemble, pouvoirs publics, journalistes et société civile, que l’on pourra vaincre ce phénomène. Je reste optimiste. J’espère que la raison reprendra le dessus et qu’on revienne à des relations normales et apaisées.

 

Cela ne vous rappelle pas le début des années 90, lorsque le régime Ben Ali a commencé sa politique de bâillonnement de la presse ?

 

C’est ce qu’on a craint. Ce qui aujourd’hui nous a fait réagir de manière forte, c’est cette expérience. Au début de l’ère Ben Ali on a eu droit, un peu, au "printemps de la presse", avec bien sûr quelques bémols. Par exemple, Réalités avait publié le fameux éditorial de Hichem Djaït et le journal avait était saisi à cette époque. Toutefois, il y avait un souffle de liberté. Et puis, le régime de Ben Ali a profité de la lutte antiterroriste pour museler la presse. Sous prétexte que la priorité était de combattre le terrorisme, on devait abandonner toute sorte de liberté au profit d’une logique sécuritaire aveugle. On a fini par être broyés par la machine. Aujourd’hui, on appréhende, justement, que ce scénario se reproduise et c’est ce qui nous a fait réagir d’une manière déterminée. Il faut connaitre l’Histoire récente de la Tunisie pour ne pas commettre les mêmes erreurs.

 

Une cabale est menée contre les médias. N’avons-nous pas échoué, en tant que médias, à convaincre nos propres lecteurs de l’importance de la presse ?

 

Aujourd’hui, il y une grande partie de la presse qui essaye de faire son travail d’une manière correcte, malgré les difficultés structurelles et financières. En dépit, également, de cette volonté de mettre le secteur à genoux, exprimée il y a de cela deux ans. Cela a été fait d’une manière réfléchie et machiavélique pour créer une presse alternative qui soit aux ordres des nouveaux gouvernants de la Troïka.  Evidemment, l’ensemble de la presse écrite a résisté pour montrer le meilleur visage possible du métier. Cependant, ne nous le cachons pas !  Il y a une certaine presse qui n’honore pas la profession. On tombe dans le commerce de la diffamation à titre d’exemple.

Je suis de ceux qui militent pour que la presse soit un quatrième pouvoir réel, et quand on a un pouvoir, il fait savoir s’en servir à bon escient et de manière responsable. Cette presse là, aujourd’hui, continue à nuire à l’image de la presse nationale. Je n’en voudrais pas aux lecteurs qui confondent les différents genres de médias qui leur sont présentés. C’est pour cette raison, qu’au niveau de la fédération, nous sommes en train d’agir pour que cette presse ne puisse pas bénéficier de l’aide publique. On est aussi en train de faire en sorte que, dans la révision du décret-loi 115, les pénalités suffisamment dissuasives soient augmentées. Par ailleurs, on est à la veille de l’annonce d’un Conseil de la presse qui veillera au respect de la déontologie. Ainsi, on ne restera pas les bras croisés face aux dérives. A défaut d’éliminer cette presse, on réduira son influence au maximum. Tout un travail a été donc mis en place pour réduire ses méfaits et redonner confiance aux citoyens. Le combat pour un regain de la crédibilité de la presse nationale est l’une de nos priorités.

 

Le dernier sondage Sigma révèle que les Tunisiens sont prêts à céder sur certaines libertés contre plus de sécurité. Le secrétaire général de Nidaa Tounes avait évoqué et soutenu cette équation. Qu’en pensez-vous ?

 

Il est clair que pour les Tunisiens, la priorité est donnée aujourd’hui à la sécurité. Il est vrai aussi que nous n’avons pas une réelle expérience de la démocratie. Nous avons encore une démocratie fragile et nous devrions faire attention, dans la mesure où nous ne pourrions pas calquer l’exemple français ou occidental, à celui tunisien. Il faudra rester vigilant pour que la liberté d’expression ne soit pas menacée. Il faudra aussi qu’on fasse, nous-mêmes, un effort de responsabilité, parce que la liberté sans responsabilité n’a aucun sens.

 

Comment pourrait-on remédier à la formation défaillante de certains journalistes ou imposer le respect de la déontologie par les entreprises de presse ?

 

C’est le Conseil de presse qui s’en chargera. Ce conseil sera un organe d’autorégulation, en veillant à ce que la déontologie soit respectée et en aidant les médias à avoir leur propre charte éditoriale. C’est un travail à moyen terme qu’il faudrait entamer. Nous avons d’ailleurs commencé à élaborer une charte de déontologie maghrébine avec l’Union européenne. Nous avons un programme de soutien aux médias et une partie sera consacrée à la formation des journalistes. Ce sont des lacunes qui ont été cumulées durant des années et, petit à petit, nous allons y remédier.

 

Je constate aujourd’hui que la raison est en train de l’emporter sur les passions. On était en phase d’extrêmes tensions dues au meurtre abject du jeune berger et tout le monde a un petit peu dérapé.

Le dernier communiqué du ministère de la Justice et les déclarations du porte-parole du ministère de l’Intérieur montrent qu’on est en train de revenir à de meilleurs sentiments, et à beaucoup plus vers un partenariat entre les médias qui respectent la déontologie et les pouvoirs publics. C’est ensemble, unis qu’on réussira à vaincre le fléau du terrorisme.

20/11/2015 | 19:59
6 min
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Commentaires (7)

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khNeji
| 21-11-2015 23:41
Je m'adresse à si taieb pour lui dire:es ce ça existe une presse Tunisienne?

jaghmoun
| 21-11-2015 17:27
il a frappé le bendir a ben ali et rcd
j'usqu'a l'os,realites a benificiée
de pub du gratos de l'abonnement de l'etat de subventions.
il retourne la veste et bosse avec un
nouveau systeme.
dans ce monde seuls les s.gagnent
du fric,font des affaires et vivent
comme des nantis,villa de luxe des
pharmacies et investissements a gogo
sans aucun dossier noir.

Alouane
| 21-11-2015 11:59
Le corporatisme, ce mal qui ronge la Tunisie sera fatal. Toutes ces corporations ne pense qu'aux intérêts de leur membre au dépens de la Patrie.
Ils se soulèvent pour certains contre les tentatives d'institution de l'équité fiscale: facturation (médecins , avocats et autres professions libérales, bénéficaires du régime forfaitaire...)
Ils défendent pour d'autres les dépassements et les outrances de leurs collègues sous couvert de féfense de la liberté de parole: journalistes inféodés aux partis qui sèment la pagaille sur les plateaux TV et dans leurs feuilles jaunes prétendûment appelés journaux,
L'intérêt national est dans tous les cas envoyé aux oubliettes, seul leur intérêt mercantile par buz interposé prime. Combattre ces dépassements ne doit pas être le monopole des corporations professionnelles. Comme tout groupe de citoyens ces corporations doivent être soumises à la loi.

un vieux journaliste
| 21-11-2015 11:37
La force de l argent sale circule partout en Tunisie,dar el mel el fessid est tres puissante,y resister est un exercice tres difficile et nous le vivons tous les jours dans le monde.
regardez ce temoignage:

https://www.youtube.com/watch?v=1_KHv6-YD7U

Abdelmajid
| 20-11-2015 23:43
La liberte de la Presse ne vous donne pas le droit de dire et de presenter des '' Idiotis '' et des choses '' indignes '' qui choquent tous les spectateurs petits et grands . Vous aurez du presenter des Excuses Mr Zahar et mettre '' au niveau vos Journalistes debutants et inconscients '' au lieu de faire la mauvaise tete et de gueuler . On vous donne '' LA LIBERTE D'EXPRESSION '' RESPECTEZ LA , RESPECTEZ VOTRE FONCTION ET RESPECTEZ VOS CITOYENS . Si non . vous n'etes pas digne de l' avoir et on vous la retire . Alors pleurnicher et gueuler dans le desert . Vous l' aurez merite' .

DHAJ
| 20-11-2015 21:33
Ce monsieur aurait du consulter son conseiller juridique!


La presse peut-elle "être" un pouvoir???


Pour répondre, ce monsieur doit lire l'article 19 du fameux pacte de 1966:

s Etats parties au présent Pacte s'engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions.

Article 19

2. Toute personne a droit à la liberté d'expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix.

3. L'exercice des libertés prévues au paragraphe 2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois être expressément fixées par la loi et qui sont nécessaires:

a) Au respect des droits ou de la réputation d'autrui;

b) A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publiques.



Lynx
| 20-11-2015 21:23
Le choix est cornélien. Dites- nous simplement quelles auraient été les sanctions appliquées en France, en Grande Bretagne ou aux USA pour des faits similaires. Exhiber la tête tranchée d'un humain ne relève pas de la liberté d'informer mais de l'absence totale d'humanité. C'est un crime et il devra être sanctionné par une juridiction pénale.