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Interview de Mehdi Mahjoub : Le ministère du Commerce a compris la nécessité d'ouvrir le marché automobile
11/10/2015 | 15:59
7 min
Interview de Mehdi Mahjoub : Le ministère du Commerce a compris la nécessité d'ouvrir le marché automobile

Mehdi Mahjoub, porte-parole de la Chambre syndicale des concessionnaires automobiles et directeur général de City Cars, concessionnaire de Kia Motors en Tunisie, nous a reçus dans son bureau au showroom de Kia à l’avenue de Carthage au cœur de Tunis, mercredi 7 octobre 2015. Ont été abordés lors de cet entretien plusieurs sujets touchant le secteur automobile : l’ouverture du marché, l’agrément des concessionnaires et le deuxième FCR. Interview.

 

Le secteur automobile tunisien est soumis au système des quotas. Les concessionnaires ont toujours refusé ce système et ont appelé à l’ouverture du marché. Où en êtes-vous ?

Ces dernières années, la Chambre syndicale des concessionnaires automobiles a continué ses discussions avec le ministère du Commerce et avec les gouvernements qui se sont succédé pour essayer de structurer le secteur automobile. Cependant, à chaque fois, l’échéance et les chantiers ont été retardés jusqu’à la mise en place d’un gouvernement élu et stable. Depuis la fin des élections, il y a eu plusieurs réunions avec le ministère du Commerce et les directeurs généraux, qui se sont soldées, récemment, par un rapprochement des visions respectives. Aujourd’hui, nous avons la même vision du secteur automobile : maintenant nous parlons le même langage. Il reste juste à mettre en place, prochainement, les modalités de travail et de collaboration.

Lors de nos différentes rencontres avec le ministre du Commerce (3 réunions la semaine dernière), nous avons parlé de tout le secteur, avec ses deux pans : l’officiel et l’informel. Nous avons mis en exergue le fait que le secteur officiel, qui est réglementé, est en train d’investir, de créer de l’emploi, de donner des garanties et d’assurer un service après-vente : il doit être libéralisé. Quand, comment, quels seront les mécanismes, ça sera l’objet de nos futures réunions qui commencent à partir de la semaine prochaine pour préparer l’année 2016. Une chose est sure cependant, la décision est prise et nous allons vers la libéralisation du secteur, graduellement ou globalement.

 

Que va rapporter l’ouverture du marché ?

L’ouverture du marché ne peut être que bénéfique avec un meilleur service pour le client, de meilleurs prix, l’instauration d’une vraie concurrence, plus d’investissements, la création d’emplois, etc. Aujourd’hui, le système des quotas pousse les importateurs à être paresseux. Dans d’autres pays, le premier annonceur est le secteur automobile. En Tunisie, c’est le secteur des télécoms où la concurrence est rude.

Comment convaincre alors un constructeur automobile à s’installer en Tunisie si la moitié du marché est informelle ? L’ouverture du marché et le contrôle du marché parallèle vont inciter les constructeurs à venir en Tunisie. Le pays pourra ainsi devenir une plateforme pour d’autres marchés voisins avec sa position stratégique. Il est inutile de mentionner qu’évidemment si le volume des véhicules sur le marché officiel augmente, les recettes de l’Etat augmenteront automatiquement.

Est-ce que les autorités comptent prendre des dispositions contre le marché parallèle ?

Le marché parallèle relatif à la vente de véhicules d’occasion est normalement réglementé par un cahier des charges (qui exige un showroom de 250 m2, un ingénieur en mécanique, un SAV, un registre des ventes, etc.). Aujourd’hui, il y a une volonté du ministère du Commerce et du gouvernement d’appliquer la loi et de respecter le cahier des charges en vigueur depuis 2002. L’objectif étant d’intégrer le marché informel au marché formel. Bien sûr, il y a des personnes qui respectent la loi et qui sont eux-mêmes gênés par la désorganisation ou l’activité illicite de certains de leurs confrères. Les contrevenants devront dorénavant se conformer à la loi et payer leurs taxes et impôts. Ceci aura des répercussions positives sur le consommateur, sur les caisses de l’Etat et sur le commerçant lui-même qui pourra évoluer en toute transparence et sans avoir peur pour son business. Les acteurs du marché de l’occasion seront traités sur le même pied d’égalité que le secteur formel, souvent contrôlé.

La loi doit être appliquée pour tous les secteurs économiques dans l’intérêt de la Tunisie, pour que l’Etat puisse payer ses chantiers d’infrastructure, les hausses des salaires, la modernisation des hôpitaux, des écoles et des équipements, etc. Nous devons tous accomplir notre devoir fiscal et payer nos impôts, car les entrées de l’Etat proviennent en majorité des ressources fiscales. Aujourd’hui l’économie parallèle représente 52%, donc plus que la moitié des ressources de l’Etat n’entrent pas dans ses caisses. Nous sommes arrivés au point où l’Etat s’endette pour payer ses salariés au lieu de s’endetter pour investir et créer de la valeur : ceci est une aberration.

 

Y aura-t-il des baisses pour les droits de consommation des véhicules ?

Nous avons récemment entendu que le ministère des Finances a décidé de baisser tous les droits de consommation sauf pour les voitures et les cigarettes. Les voitures sont perçues comme un produit de luxe, ce qui n’est plus le cas, puisque 90% des importations du marché officiel sont soit des petites cylindrées soit des utilitaires. Donc, l’Etat tunisien devrait penser à baisser les droits de consommation pour ce type de véhicules et il ne sera pas lésé car l’assiette imposable va s’élargir, les consommateurs recourant plus au marché officiel qu’au marché parallèle.

Le pouvoir d’achat du Tunisien a baissé, et selon nos calculs, depuis 12 ans (de 2003 à 2015) malgré que le droit de consommation n’a pas évolué, le prix d’un véhicule a augmenté de 63%, à cause de la hausse annuelle de 2% du constructeur et le glissement du dinar par rapport à l’euro et au dollar.

Les Tunisiens comparent  les prix avec ceux pratiqués en Europe et croient donc que les concessionnaires réalisent de grosses marges. Or un simple calcul permet de comprendre qu’une importante partie du prix va aux caisses de l’Etat entre droit de consommation, TVA et différentes autres taxes (au moins 40% du prix final). Avec la conversion dinar-euro, le concessionnaire bénéficie d’une petite marge sur le prix d’un véhicule surtout pour les petites cylindrées.

Donc, après cette annonce, nous avons demandé une audience auprès du ministre des Finances Slim Chaker pour lui présenter notre vision. Une vision qui peut être profitable pour l’économie tunisienne et le consommateur final sans léser personne.

 

Le chef du gouvernement Habib Essid a ratifié le 6 octobre l’arrêté concernant le 2ème FCR. Quel sera l’impact de cette décision sur le secteur automobile ?

En mai dernier lorsque la présidence du gouvernement a pris cette décision, les gens n’ont pas compris sa teneur. On se demandait si cet avantage sera accordé à chaque individu résident à l’étranger ou à chaque ménage. Et selon son application, cette décision pouvait renforcer le marché parallèle au dépend de l’officiel : c’est pour cette raison qu’on a demandé à être associés à ce dossier.

Nous ne sommes pas contre l’octroi d’un 2ème FCR pour la famille. Ce n’est pas normal aujourd’hui de priver l’un des deux conjoints des avantages conférés à l’autre. Cependant, nous sommes contre le commerce de ce privilège. Aujourd’hui, le marché parallèle représente, en montant d’importation, 60% du marché global alors qu’en 2010 il n’était que de 17%. En contre partie, 90% des véhicules importés par les concessionnaires sont des petites cylindrées ou des véhicules utilitaires, les grosses cylindrées étant acheminées par le marché parallèle.

La nouvelle loi permettra, donc, à un couple marié d’avoir droit à deux véhicules sous le régime FCR : mais, pour l’achat du deuxième véhicule, il faudra passer par un concessionnaire tunisien. Ceci générera des entrées additionnelles en devise pour le pays. Sachant que les concessionnaires payent leurs fournisseurs tous les 180 jours, le pays profitera de réserves en devise additionnelles en plus des marges des concessionnaires qui seront monnayées en devise et resteront dans le pays. En outre, au cas où le bénéficiaire décide de vendre son véhicule, le consommateur final aura une meilleure traçabilité de son bien et de meilleures garanties. L’Etat aussi bénéficiera de recettes supplémentaires avec les droits et taxes qu’il percevra.

 

Le ministre du Commerce a annoncé des nouveautés pour l’agrément des concessionnaires. De quoi il s’agit ?

Les concessionnaires automobiles ont un agrément valable une année : le 1 janvier de chaque année, il n’y a plus aucun concessionnaire et nous sommes obligés d’attendre le renouvellement de l’agrément en février ou plus tard. Donc, à partir du 1er janvier et jusqu’au renouvellement de l’agrément, les concessionnaires ne peuvent plus exercer librement. Ils ne peuvent ni ouvrir de lettres de crédit, ni dédouaner des véhicules, ni participer à un appel d’offre (…).

Le ministre du Commerce Ridha Lahouel a trouvé que cette situation est aberrante, sachant que jusqu’à ce jour aucune reconduction d’agrément n’a été refusée. Il a, d’ailleurs, promis, dans ce contexte, de donner des agréments d’une validité de 3 ans et plus, et pourquoi pas à vie. Bien sûr, le ministère sera capable de suspendre un agrément à tout moment si cela s’avère nécessaire.

 

Pour conclure je veux souligner que nous sommes des opérateurs économiques, responsables et patriotes. La Tunisie est chère à nos cœurs.

 

Imen NOUIRA

11/10/2015 | 15:59
7 min
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Commentaires (11)

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amine
| 14-10-2015 13:01
je crois que la solution a tous ces problemes et de permettre aux tunisiens de payer en devise et en ttc le concessionaire par virement bancaire au meme prix que le marché europeen,chacun de nous a quelqu un qui a un compte en devise cela permettera de diminuer le marché noire de devise,d engorger les caisses de l etat en devise et de bouster le marché officiel...etc.c est tout benef.

@Forza
| 12-10-2015 08:23
Au Maroc, le marché est de 100.000 voitures et pourtant Dacia s'y est installée et maintenant autour de Peugeot.L'usine Dacia exporte en Tunisie (on pouvait imaginer le contraire) si la taille du marché officiel est de 80000.
La taille du marché est l'un des critères de choix (nous avons une meilleure position géographique, de meilleures compétences) il nous manque peut être l'infrastructure portuaire ainsi que la paix sociale (j'espère qu'on y arrivera rapidement.
Pour les emplois et à raison de 500 emplois directs,minimum par concessionnaire, le nombre total serait de 10.000.
Enfin et pour les service rendu par les concessionnaires, je pense q'ils sont les seuls à offrir la garantie sur les voitures vendues, sur les pièces vendues et sur le service rendu.
Aussi, les concessionnaires paient leurs impôts pour contrairement à d'autres, l'état a besoin de cet argent pour préparer une meilleure vie pour nos enfants (Infrastructure, Ecoles, Hopitaux...)

Forza
| 11-10-2015 22:09
Vous me donnez raison qu'un constructeur qui s'installe en Tunisie doit exporter car le marche est très étroit. C'est ce que je veux dire tout le temps. Ce marché est tellement petit qu'il est négligeable dans de telles décisions. Et si c'est négligeable, pas la peine que les concessionnaires nous avancent cet argument pour importer plus et interdire a d'autres tunisiens d'importer malgré que ces tunisiens apportent leurs propres devises et ne demandent rien de la banque centrale comme le font les concessionnaires. J'ai vu votre commentaire sur l'autre article, quels sont les emplois crées par les concessionnaires ? Ils sont minimes. Les voitures d'occasion que vous dites sont aussi réparées chez des mécaniciens tunisiens. C'est aussi un service après vente. Que font les concessionnaires de plus?

@forza
| 11-10-2015 19:15
Dans tous les pays au monde, là où des constructeurs de sont installés, les marchés ne sont pas devenus mono-marque c'est le client qui choisit ce qu'il veut acheter.
L'objectif d'avoir une usine en Tunisie ne doit pas être uniquement pour notre marché mais c'est surtout pour exporter, sinon ça ne sera pas intéressant ni pour notre pays ni pour le constructeur.

@RT
| 11-10-2015 19:05
Vous avez parfaitement d'accord. Mais malheureusement la loi actuelle oblige la revente des voitures d'occasion à payer 18% de TVA sur le prix de vente. Puisque les concessionnaires ne peuvent pas détourner cette loi c'est le marché parallèle qui le fait par des procurations de vente "de particulier à particulier"!!! Dans d'autres pays voisins et européens la TVA est réduite pour la vente des voitures d'occasion à 3% ou la TVA n'est appliquée qu'à la plus-value!!

R.T.
| 11-10-2015 18:48
Pour arrêter les flux du marché parallèle vous devez accepter de reprendre les anciennes voitures de vos nouveaux clients. Ceci diminuera la vente des voitures d'occasion et augmentera le nombre de la demande de voitures neuves.

alassad
| 11-10-2015 18:28
c'est tout juste : ruiner la caisse de l'état , l'augmentation du nombre des cancéreux , les accidents et les dégâts humaine et matériels etc...!!!???

Forza
| 11-10-2015 18:07
Admettons que la taille du marché est de 80000 voitures par an, on ne peut donner à un constructeur tout le marché et n'avoir plus de concurrence. Même avec 50% de part de marché, ce ne sont que 40000 voitures, trop peu pour une usine donc sans contracta de libre échanges avec l'Europe et sans avantages comparatifs pour les coûts entre autre, une main d''uvre qualifiée et une paix sociale, comme vous dite d'ailleurs, personne ne s'installera. Les concessionnaires automobiles qui représentent d'autres marques que celle de ce constructeur virtuel ne seront pas non plus content que ce constructeur rafle la mise donc c'est juste une carotte virtuelle. C'est comme la carotte des investissements des hommes d'affaires corrompus et le projet de loi de la réconciliation. Qu'on veut une réconciliation, soit. Qu'on nous raconte que l'économie gagnera des points de croissance est de la démagogie.
cordialement.

@Forza
| 11-10-2015 17:13
Personne ne vous prend pour débile, la taille du marché est l'un des critères pour qu'un constructeur automobile s'installe dans un pays. Que la taille soit 45000 ou 80000 ça fait une différence.
Le constructeur ne s'installera jamais dans un pays s'il n'est pas protègé et si dans ce pays là 60% des voitures rentrent par un marché parallèle.
Aussi il est à rappeler que le marché automobile est libre par la loi.
Les autres critères pour le choix d'un pays c'est l'emplacement stratégique, les compétences, la paix sociale, la disponibilité des composantes automobiles, l'infrastructure portuaire du pays....

Tunisien
| 11-10-2015 17:08
Passer par un concessionnaire pour acheter une voiture FCR c'est pénaliser le consommateur.pourquoi le ministère du commerce n'a pas consulté l'organisation de la défense des consommateurs. Les concessionnaires vont réaliser des bénéfices sans rien faire.je préfère verser le prix de la voiture plus les frais à la banque centrale et l'exportateur étranger m'envoie le véhicule.