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Chroniques
Infâmes propos
26/01/2017 | 17:20
3 min


Non ! On ne peut nullement qualifier les propos de Asma Abou El Hana, députée nidaïste, de dérapage linguistique. Non, ce n’est pas un écart de langage, à la manière d’un lapsus. C’est une infamie. Les propos sont d’autant plus graves qu’ils émanent non pas seulement d’une élue à l’Assemblée des représentants du peuple mais également d’une représentante de cette auguste assemblée au sein du Conseil supérieur des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et qu’elle a eu lieu au cours d’une séance plénière de l’Assemblée des représentants du peuple dont les débats sont retranscrits et archivés pour l’histoire.

  

Ce qui laisse perplexe est que ces propos auraient pu passer inaperçus n’eut été la vigilance et l’immédiat rappel à l’ordre du président de séance, Abdelfatah Mourou. Par cette réaction, il a sauvé l’honneur de l’ARP, mais n’en effacera jamais la trace.

 

En tout cas, le mal est fait. Exonère-t-il pour autant son auteure, en dépit des excuses présentées, d’une mise au ban, celle-là même qu’elle a implicitement suggérée par  son « le juif, que Dieu vous en préserve » que le député Nahdhaoui, Sahbi Atig, ose qualifier d’« adage » dont nos élites tunisiennes font usage dans leurs commentaires à propos des juifs. Pauvres élites tunisiennes, si elles se permettent de stigmatiser un partie des Tunisiens et une partie des leurs, dont l’ascendance dans ce pays remonte à des centaines voire des milliers d’années, en mettant en doute leur identité nationale.  Pauvre représentation parlementaire lorsqu’elle présente un si pitoyable argumentaire.

 

Ce fait met malheureusement en perspective un mal qui ronge le corps social du pays et prend de plus en plus d’ampleur. Un mal qu’un juif tunisien, Albert Memmi a érigé en concept : l’hétérophobie ou le refus d’autrui au nom de n’importe quelle différence. Sachant, par ailleurs, que ce genre de refus peut se transformer en violence physique.

 

Des alertes

La multiplication récente des agressions physiques sur les ressortissants d’Afrique subsaharienne a de quoi alerter la communauté tunisienne « de couleur » sur les risques qu’elle encourt. Les auteurs de ces agressions ont aussi leur expression : Noir, que Dieu vous en préserve. Ils sont passés à l’acte. C’est ce risque là qu’encourt aujourd’hui la communauté des juifs tunisiens. C’est ce risque là qu’encourra une autre communauté dans l’avenir. Et ainsi de suite.

 

Cela étant, il convient de s’armer d’espérance face à ce fléau. Cette espérance tient de la réaction de la société civile face aux actes racistes à l’encontre des jeunes africains résidents en Tunisie et face à ce comportement diffus de refus de l’autre en raison de sa couleur de peau.

Elle tient aussi de la riposte des pouvoirs publics pour prévenir ce genre de manifestation. En revanche, elle ne tient pas tant des partis politiques qui n’en ont fait ni un sujet de préoccupation, ni d’une prise de position, à l’exception du parti El Massar qui a publié à l’occasion des agressions racistes et de la lamentable sortie de Asma Abou El Hana, sa position officielle, dénonçant par principe ces dérapages et appelant à des mesures coercitives conséquentes.

 

Youssef Chahed, Chef du gouvernement, a promis une législation qui criminalise la discrimination et la stigmatisation. Il faudrait matérialiser la promesse avant que  cette discrimination et cette stigmatisation ne prennent leurs aises, pour répandre la peur et la violence et par contrecoup pour détruire les piliers de la fraternité, de la solidarité, de l’ouverture et de la tolérance qui fondent une communauté nationale solide.

26/01/2017 | 17:20
3 min
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Commentaires (11)

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Bechir Toukabri
| 31-01-2017 13:41
Stigmatiser une personne pour une phrase ou un mot, c'est le début de la haine qui conduit vite à la violence. Et on aboutira vite à la peur de parler ou d'exprimer une opinion.Et on finira par nous entredéchirer et pourquoi pas à la guerre civile.Et les plus rapide à réagiret à stigmatiser sont les droits-de-l'hommistes naifs et ignorants. Au nom bien sur de principes fumeux auxquels ils n'ont rien compris: ils s'indignent que les autres detestent les homosexuels, les noirs, les putains,les musulmans, l'Islam, le communisme....etc. Ils ne comprennent pas que certaines catégories de personnes anormales ou n'obéissant pas aux normes de la société sont en partie responsables de leur mauvaise réputation. Ainsi la mauvaise réputation des juifs dans l'histoire et surtout depuis l'existance d'Israel et du sionisme n'est n'est plus à démonter.Comme d'ailleurs celle des musulmans et de l'Islam qu'on assimile au terrorisme.On ne pourra jamais effacer de la conscience collective d'une société ou d'un groupe d'individus les fausses idés, les stéréotyoes, les haines....etc. C'est la société qui doit sanctionner les fautifs même au niveau du langage.Celà dissuadera les gens de mesurer leurs mots.Or si cette député aurait été renvoyée du parlement pour propos raciste, nos droits-de-l'hommiste protesteraient vigoureusement au nom de la liberté individuelle. Quand on viole des enfants, qu'on agresse des noirs ou des femmes,ils réagi mollement. Mais qu'on touche aux juifs, aux européens, aux américains.....etc c'est differents? Parce ce qu'ils font peurs....etc.Et puis nos juifs sont-ils à 100% tunisiens ou non? Comment expliquer ainsi qu'ils font leur service militaire en Israël?Donc arrêtons d'être hypocrite et voyons la réalité en face?

Letranger
| 28-01-2017 09:24
"...dont l'ascendance dans ce pays remonte à des centaines voire des milliers d'années,..."
Et bien avant les invasions arabo-musulmanes puisque l'Islam n'a été inventé que depuis à peine plus de 14 siècles.
A ce sujet, il faut remarquer que la manière de coloniser des ancêtre des Tunisiens a fait école avec les migrants du "May flowers" en "Amérique"vis à vis des Indiens.
On arrive de force, on extermine les population locales évitant ainsi les contestations, on s'installe et on dit: "ici c'est chez moi".
Il y a encore de nos jours de nombreux exemples identiques...

Tunisienne
| 27-01-2017 14:51



Bonjour cher Nestor,


C'est (la citation et le titre d'un ouvrage) de Michel Crozier, un autre sociologue français.

Bravo pour cette mise en perspective qui montre -entre autres choses- pourquoi la démocratie (dont nous prenons l'existence même pour un affront !) est, et de loin, plus démocratique que la «Meilleure Démocratie arabo-musulmane» ! La première essaie d'attirer ses fils du monde entier, la seconde fait fuir les meilleurs à grandes enjambées...


Malheureusement, il y a aura toujours une Madame Hamrouni pour défendre (au mépris des défaillances les plus flagrantes) la «Meilleure Constitution du monde». Face à cette constitutionnaliste «rigoriste», nous avons certes d'autres grands constitutionnalistes qui n'arrêtent pas d'«attirer l'attention sur» les grandes lacunes de la Constitution. Ils le font cependant depuis les plateaux TV et les séminaires, sur le mode «discussion sur le sexe des anges» et ne font/ proposent rien de concret pour faire bouger les choses ! On peut raisonnablement en déduire que, «bonne» ou «mauvaise», cette Constitution est un fond de commerce pour les uns comme pour les autres !


Alors oui, «Hachekom Minna Ettouensa» qui sommes en train de révéler ce que nous avons de pire (intolérance, violence, opportunisme, nombrilisme...) !



Très bonne journée




Alex
| 27-01-2017 13:54
Oui Mr Le Modérateur,
La page que vous m'avez conseillée dit bien auteur et non auteure, même au féminin on dit auteur.
Amicalement


B.N : Cher lecteur, veuillez lire le mot à définir en haut, il est bien mentionné au féminin :)

Alex
| 27-01-2017 13:01
On dit une femme auteur.

B.N : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/auteur/6555

Citoyen_H
| 27-01-2017 12:27

Que des vérités.
Excellente dissection du fléau dévastateur, qui s'est abattu sur nous,
une certaine année 2011.

"Gens éduqués (ou ce qu'il en reste) contre ignares".

En plein dans le mille.
Le résultat est équivalent à un mariage contre nature, entre un humain et un animal.
Salutations.


N.Burma
| 27-01-2017 12:10
«On ne change pas la société par décret» ! Tunisienne


Bonjour Tunisienne,
La phrase du jour proviendrait de la bibliothèque de monsieur Alain Touraine, digne père d'une autre Tunisienne qu'est Marisol ministre de la santé et des affaires sociales ?
Entrons dans l'arène et commençons par les chiffres, en 1950, la Tunisie comptait 100.000 juifs dont il ne reste aujourd'hui que 1500 selon les estimations les plus optimistes, c'est une hécatombe que la Tunisie perde ses forces vives, sa matière grise, son intelligence parce que Hachakoum min lihoudes !
C'est la bêtise la plus monumentale de l'Histoire de la Tunisie que de se priver aussi stupidement de ses enfants qu'elle a si maltraités qu'ils ont décidé d'aller voir ailleurs.
Aujourd'hui, avec la meilleure constitution islamiste du monde, il est impossible d'espérer revoir la Tunisie repeuplée par son peuple expulsé et qui vit sans doute des jours meilleurs pas spécialement en Israël, mais dans le monde entier d'Europe aux Amériques.
Je précise que l'Etat d'Israël, n'a pas de constitution, mais il a des lois fondamentales qui intègrent bon grès malgré, 250.000 arabes israéliens, nous sommes loin des 1500 juifs qui végètent en Tunisie, pourtant Israël est démographiquement deux fois plus petit que la Tunisie.
Pour renforcer encore le clou dans nos pattes de Tunisiens porteurs de la meilleure constitution du monde, nous avons une gardienne du temple en la personne de madame Salwa Hamrouni, qui nous dit tout net, ne touchez plus à la constitution, pas de toilettage, pas de mise à jour, pas de réforme de la constitution la meilleure du monde !
Alors restons avec nos boulets aux pattes et continuons à nous congratuler d'avoir la meilleure constitution du monde, dans le pays le plus tolérant du monde, avec les hommes politiques et les femmes de la même espèce qui sont les plus intelligents du monde. Hachakoum Minna Etouansa !

Bonne journée, Tunisienne libre dans un monde de brutes (brute au féminin pour Asma la députée)

chaker
| 27-01-2017 10:56
Il est assez surprenant que des Tunisiens utilisent des propos aussi infamants dans l'enceinte d'un parlement, sans qu'ils en soient exclus, temporairement ou définitivement. Car il et grave que des élus puissent s'exprimer ainsi alors que la rue prêche déjà la haine et le racisme. Les agressions répétées à l'encontre de nos frères sub-sahariens ne font pas honneur aux Tunisiens et à la Tunisie. Senghor disait cette belle chose : « les racistes sont des gens qui se trompent de colère », il parlait par ailleurs de la trilogie des peuples souffrants, qui sont les Arabes, les Noirs et les Juifs. Comment pourrions-nous continuer à faire subir à d'autres peuples l'injustice et l'humiliation du racisme alors que nous en sommes, nous- mêmes, victimes ailleurs, sous d'autres cieux

Il est en effet urgent que les autorités politiques se saisissent de ce dossier et criminalisent rapidement et sans ambiguïté aucune, le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme.

Mohamed 1
| 27-01-2017 08:04
Ce sont toutes les personnes employant cette expression qui doivent être stigmatisées, et non pas cette jeune femme seulement.
Présenter ce dérapage comme étant son oeuvre unique et exclusive, dans un environnement absolument clean n'ayant rien absolument rien à se reprocher, est proprement hypocrite.

Tunisienne
| 26-01-2017 20:16

Ni les lois, ni les communiqués exagérément indignés, ni les photos truquées (en bons sentiments) n'y changeront quoi que ce soit.

Si les élites (politiques et autres) sont vraiment préoccupées par ce problème (ce qui reste à prouver !), qu'elles donnent l'exemple, dans leur langage, dans leurs fréquentations, dans leurs actions concrètes. Que les élus et les responsables envoient des signaux forts si ce problème leur tient vraiment à coeur, qu'ils hissent les drapeaux blancs pour protester (au même titre qu'ils hissent le drapeau palestinien par exemple), qu'ils demandent les révisions de textes constitutionnels équivoques, que soit donnée la chance à des noirs ou des juifs d'occuper de hauts postes (ils ne feront certainement pas pire que la médiocrité ambiante des Tunisiens aux normes des stéréotypes dominants !), que les programmes et activités scolaires intègrent sérieusement et prioritairement cette question...


Et, surtout, que les hommes et partis politiques arrêtent de jouer sur les fibres de l'intolérance, du repli et du rejet de la différence pour gagner des points. Ces partis sont en train d'entretenir voir d'attiser toutes les intolérances.