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Immobilier : Ce que donne l'Etat d'une main, il le reprend de l'autre
20/12/2017 | 19:59
5 min
Immobilier : Ce que donne l'Etat d'une main, il le reprend de l'autre

Le secteur immobilier peine déjà à s’en sortir. La nouvelle TVA de 13%, décidée dans la Loi de finances 2018, représente un coup de massue pour les promoteurs mais surtout pour ceux qui désiraient sauter le pas et acquérir un logement en 2018. Focus.

 

La Loi de finances 2018 vient d’être adoptée apportant de nouvelles taxations et charges pour tous les contribuables, personnes physiques ou morales. Parmi elles, l’instauration d’une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 13% sur les ventes de logements par les promoteurs immobiliers (à l’exception des logements sociaux), et qui passera à 19% à partir du 1er janvier 2020 (art.44). Les ventes et promesses de vente conclues au plus tard le 31 décembre 2017 en sont exonérées.

Certes, cette nouvelle taxation sera payée par les acheteurs, les sociétés n’étant que des collecteurs de TVA, mais elle a créé la colère des promoteurs immobiliers, qui vivent déjà un calvaire à cause d’une conjoncture difficile : le pouvoir d’achat de leurs clients étant touché de plein fouet. Un pouvoir d’achat qui sera sinistré davantage avec les diverses augmentations en droits, taxes et impôts décidées par la Loi de finances 2018, majorées par les répercussions des hausses décidées pour les sociétés qui bien sûr auront un impact sur les prix des biens et services qu’elles offrent.

 

Le secteur immobilier passe, ainsi, par une mauvaise posture. Plusieurs de leurs clients ajournent, voire même annulent, leurs gros investissements tels que l’achat de biens immobiliers : soit ils ne sont plus capables de s’engager financièrement, soit ils ont peur de devenir la cible des services du fisc.

Depuis la révolution, ce secteur est confronté à une hausse de ses coûts globaux, qui va se creuser davantage avec la hausse de l’inflation, le glissement du dinar et l’augmentation des prix de plusieurs intrants, vu les dernières hausses décidées par la LF 2018. Ces dernières années, tous les prix se sont envolés : ceux des matières premières, des terrains, des salaires, ceux des prestataires de services privés et publics, le tout accouplé à un manque flagrant d’ouvriers qualifiés. A ceci, s’ajoute un laxisme de l’administration tunisienne et des retards cumulés liés à l’obtention des différentes autorisations et permis (PV de recollement, permis de bâtir, …) ou liés aux retards causés par les prestataires de services publics (STEG, SONEDE, municipalités, gouvernorats, ONAS, Protection civile, etc.).

En outre, les promoteurs immobiliers se retrouvent confrontés à la rareté et la cherté des terrains constructibles, le terrain représentant jusqu’à 50% du coût final du projet. Certains promoteurs dénoncent, d’ailleurs, l’absence de l'Agence foncière de l'habitat (AFH), qui ne joue pas son rôle en leur proposant de nouveaux lotissements.

En parallèle, il y a un renchérissement et une difficulté d’accès aux crédits rendant l’acquisition de biens immobiliers encore plus difficile, alors que le revenu locatif pour les investisseurs en biens immobiliers ne permet plus d’amortir le bien dans les délais.

 

Tout ceci a fait flamber les prix de l’immobilier. Et cette nouvelle taxation représente une très mauvaise nouvelle pour les promoteurs qui peinent déjà à s’en sortir : un coup de massue !

Les droits d’enregistrement imposés dans la Loi de finances 2017 avaient impacté leurs ventes. Imposer une TVA représente, pour eux, une double taxation qu’ils ne comprennent pas. Pour eux, cette nouvelle taxation est synonyme de baisse de leurs chiffres d’affaires, et donc qui se matérialisera par un manque à gagner pour les caisses de l’Etat, en termes de droits d’enregistrement, d’impôts sur les revenus et d’impôts sur les bénéfices. Ils s’interrogent sur l’efficacité d’une telle mesure et sur son rendement.

Pire, cette nouvelle mesure pourrait créer une injustice sociale : Ainsi, deux voisins dans un immeuble, l’un qui aurait acheté le 31 décembre 2017 et l’autre qui aurait acheté le 1er janvier 2018, vont payer deux sommes totalement différentes (des milliers de dinars en plus) pour deux biens similaires en tout point, ce qui est une véritable aberration en termes d’équité entre citoyens !

13% de TVA sur l’achat d’un bien immobilier est une somme conséquente pour un ménage tunisien. Pour faire une petite simulation, un logement qui coûterait 200.000 dinars, l’acquéreur devra payer en plus 1% en droit d’enregistrement (soit 2.000 dinars) et une TVA de 13% (soit 26.000 dinars). Le coût global du bien passera, donc, de 200.000 dinars à 228.000 dinars, ce qui n’est pas négligeable.

 

L’aberration est que l’imposition de ces 13% de TVA est en totale contradiction avec la politique de l’Etat, qui veut aider les Tunisiens à acquérir leurs logements. En effet, le gouvernement avait mis en place en 2017 un nouveau programme Premier Logement, destiné aux ménages à revenu moyen, dont le salaire est compris entre 4,5 à 10 fois le SMIG, pour qu’ils puissent accéder à un logement décent. Le gouvernement avait réservé 200 millions de dinars, pour faciliter l’autofinancement par le biais d’un crédit fixée à 20% du coût d’acquisition et plafonné 40.000 dinars qui est remboursable sur 12 ans, avec un taux d’intérêt de 2% et un délai de grâce de 5 ans.

Avec cette nouvelle taxe, l’Etat n’est-il pas en train de prendre d’une main ce qu’il a donné de l’autre ! Comment aider les ménages tunisiens à acquérir leurs biens avec toutes les hausses ou nouvelles taxions qu’imposent la Loi de finances 2018 (des hausses de prix qui toucheront notamment l’alimentaire, l’habillement et chaussure ainsi que les véhicules). Le ménage tunisien pourrait-il joindre les bouts ?

 

Pour l’instant, les promoteurs se disent pour l’élargissement de la base d’imposition mais pas d’une manière improvisée. Ils appellent à ce que la nouvelle TVA ne touche que les promotions immobilières qui vont démarrer en 2018. Ils sont même prêts pour accepter une TVA de 7% sur les biens qui seront achevés en 2018. Ils revendiquent, par contre, qu’aucune TVA ne soit imposée sur les logements déjà finis ou qui le sont presque.

Les promoteurs demandent aussi la libéralisation du marché et de permettre aux étrangers d’acquérir des biens en Tunisie, sans le permis du gouverneur, ou au moins qu’il soit imposé aux logements au-dessous d’un certain montant pour ne pas concurrencer les Tunisiens. Ceci permettra des entrées en devise à l’Etat, qui en a grand besoin en cette période difficile.

 

Certes la nouvelle TVA de 13% sur la vente d’un logement est un coup dur pour le secteur sinistré de la promotion immobilière, mais c’est un véritable poignard dans le dos des Tunisiens qui rêvaient d’acquérir un bien, un chez-soi où ils pouvaient réunir leurs familles et penser à un avenir meilleur. Un rêve bien loin, avec toute cette pression fiscale que subit le citoyen lambda et qui devient insupportable !

 

Imen NOUIRA

20/12/2017 | 19:59
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Commentaires (9)

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tozz hekma
| 17-01-2018 06:25
Pour un logement de haut standing l'acquereur devrait payer une tva de "haut standing" voir 20-24% et plus. le promoteur n'a qu'a choisir son marche... a quand les medecins et les avocats?

Kafka
| 24-12-2017 13:00
Fèlicitations pour cet article journalistique..Très clair et qui dènote d,une capacitè hors pair..bravo pour votre clairvoyance..Fèlicitation mme..Nous en sommes très fier de BN

Daly
| 23-12-2017 18:01
On sait tous comment ce secteur fonctionne. Ils font des profits et continuerons à en faire vu les prix pratiqués.
C'est du bluff. Ils ne lâcherons jamais leur poule aux 'ufs d'or.

Le Sphynx
| 21-12-2017 19:43
Quand on sait que les promoteurs réalisent une marge de 50 pour cent,quand on connait la qualité de qu'ils construisent,on ne peut qu'être indigné par les propos de cette dame.Sachez par ailleurs que suite au vote tunisien à l'ONU le pays risque de connaitre des moments dramatiques,fini les prêts garantis par les USA,bonjour les prêts en devises à 10 ou même 15 pour cent d'intérêts

EZ
| 21-12-2017 08:47
Il faut préciser que le taux de TVA de 13% ne vient pas augmenter le prix du logement du même taux (26000 D pour un logement de 200000 D par exemple). Le taux de 13% ne touchera que les prestations et travaux exécutés par le promoteur, puisque celui ci aura déjà eu à payer les TVA sur les fournitures acquises pour la construction (matériaux de construction, fouurnitures electriques et sanitaires, autres fournitures, prestations d'études, d'architecture, de supervision, etc.). Au final l'augmentation ne touchera qu'une partie du prix final du logement. Si nous supposons que les travaux et prestations du promoteur représentent 50% du prix final cela donnera un effet TVA de 6,5% environ sur le prix final du logement. C'est bon à préciser

Mohamed
| 21-12-2017 08:30
Visiblement la rédactrice de cet article n'a rien compris de cette histoire de TVA!

Il faut expliquer à vos lecteurs que les promoteurs ont déjà inclus la TVA déductible dans leur coût puisqu'ils ne collectaient pas la TVA (celle qui vient d'être instaurée). Autrement dit, ils payaient la TVA sur leurs achats de matériaux de constructions et autres mais ne pouvaient pas la récupérer lors de la vente, donc ils augmentaient les prix pour conserver leurs marges (bien épaisses).

Beaucoup de ces promoteurs s'approvisionnaient auprès du marché informel donc ne peuvent pas justifier leur solde de TVA. Ce sont ces promoteurs là qui n'arrêtent pas de rechigner!

Une augmentation du prix de l'immobilier résidentiel à cause de cette TVA sera de la pure manipulation de la part des promoteurs. Votre article en enfonce le clou!

Mohamed Obey
| 20-12-2017 23:53
Oui, ce gouvernement ne cesse de poignarder le citoyen honnête dans le dos en l'écrasant chaque jour avce de nouvelles taxes. Acquérir une maison devient un péché pour lequel un sans abri doit rester à la merci des propriétaires ventrus. Cela s'appelle la dictature de la loi des Finances 2018 votée par nos 'honorables' (?) représentants assis confortablement sous la coupole du Bardo. Quelle mascarade! Mais quelle différence y a-t-il avec la dictature de Ben Ali alors?

TMT
| 20-12-2017 22:40
Votre papier relatif à l'instauration d'une TVA de 13% sur la vente des produits immobiliers appelle des éclaircissements :l'entreprise de construction a besoin d'inputs qu'on peut classer en deux volets,un volet soumis à TVA(achat de terrain, salaires surtout) et un autre volet qui concerne les produits et services soumis à TVA (bureaux d'études ,ciment fer,bois,béton,peinture,électricité, plomberie,chauffage....)
Ces achats sont soumis à une TVA de 19% que le promoteur ,en bon collecteur d'impôt, devrait remettre à l'État ,ou bien défalquer. ce montant au moment de la déclaration de ses ventes ,et je pense que le taux de 12% a été estimé sur une évaluation 1/3 -2/3 des charges (soumises à TVA et non soumises à TVA)
Donc il apparaît que nos promoteurs n'ont aucune raison de surcharger le consommateur final puisqu'ils ne font que rendre l'argent à qui de droit.
Pour le reste,ce que vous soulevez peut tjrs être discuté avec les services concernés.

Ameur k
| 20-12-2017 21:57
C est la fuite en avant de l etat...on gere mal on vide les caisses et apres...opp on se rabat sur les secteurs organises pour les surtaxer et on laisse le secteur informel naviguer a sa guise
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