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Chroniques
Il est temps que Youssef Chahed paie pour ses crimes
12/03/2018 | 16:00
6 min

Par Nizar Bahloul

 

Le palais de Carthage devrait abriter mardi 13 mars 2018 une nouvelle réunion des signataires du Pacte de Carthage, sous la présidence de Béji Caïd Essebsi. A l’ordre du jour, la situation économique dramatique, le déficit commercial, le dinar chancelant et nos réserves en devises qui fondent comme neige au soleil. Les principaux indicateurs ne sont pas du tout bons. L’inflation est à 7,1% (un record sur 10 ans), le déficit commercial est de 2215 MDT avec un taux de couverture de 74,9%, l’euro s’échange à 2,98 officiellement et entre 3,1 et 3,3 dans les banques et les agences (un record absolu) et les réserves en devises sont de 77 jours (à la date du 9 mars, soit un record sur 20 ans). En guise d’anti-inflammatoire, le TMM a été fixé à 5,81% ce qui a pour conséquence d’encourager l’épargne (CQFD) et de décourager l’investissement. Au vu des chiffres ci-dessus, le diagnostic est clair, le pays a besoin d’une véritable opération chirurgicale. Au lieu de quoi, on est en train de lui administrer des calmants sous forme d’antalgiques. Plutôt que de pousser les gens à travailler et produire davantage pour réduire le déficit et l’inflation et faire hausser le dinar, on est en train d’augmenter taxes et impôts. Plutôt que d’encourager l’investissement, on encourage l’épargne. Plutôt que d’affronter le commerce informel, on pénalise le commerce légal. Plutôt que de pousser les investisseurs à créer de la croissance et de l’emploi, on les pousse à fermer boutique, via les taxes, impôts, bureaucratie, grèves et redressements.

 

La réunion du palais de Carthage de demain va donc établir le diagnostic et les remèdes nécessaires énumérés ci-dessus. D’après les rumeurs circulant avec insistance et d’après les déclarations de la Centrale syndicale de ces derniers jours, on devrait proposer la solution « miracle » (et la plus facile) consistant à changer le toubib qu’on a chargé, il y a 18 mois, de faire l’opération chirurgicale.

Le toubib s’appelle Youssef Chahed et c’est lui qui devrait servir (selon les bruits de couloir) de parfait bouc émissaire pour justifier l’échec et la situation actuelle.

Est-ce sérieux ? Personnellement, je refuse de croire à cette option retenue de décharger Youssef Chahed de sa mission. Mais vu que ce pays marche sur la tête depuis quelque temps, vu que l’UGTT insiste à le fragiliser, tout comme son parti Nidaa Tounes, rien n’est exclu.

De quoi se mêle l’UGTT et pourquoi s’ingère-t-elle dans le gouvernement ? En théorie, dans un pays normal, la centrale syndicale n’a pas à s’immiscer dans la composition gouvernementale et encore moins à donner son avis sur le nom de son chef. En réalité, tout le monde a peur de l’UGTT bien que son poids réel n’a jamais été aussi faible avec son nombre d’adhérents inférieur à celui des fans de l’Espérance sportive de Tunis. L’UGTT ne pèse plus deux millions de membres comme jadis et ne tient debout que parce que l’Etat la soutient en jouant au préleveur de cotisations et en fermant les yeux sur les multiples abus de ses syndiqués. Si Nidaa Tounes (ou Ennahdha) cherchaient vraiment à soutenir le gouvernement et à fragiliser l’UGTT, ils auraient mobilisé les masses pour s’élever contre les abus de Lassâad Yaâcoubi qui prend nos enfants en otage.

 

Sauf que voilà, l’UGTT est associée au pouvoir depuis 2011, on l’appelle au secours face à la troïka, on l’envoie jouer aux pompiers au Kamour et à Gafsa à la place du gouvernement et on l’épargne de toute critique qui la fâche. On se plie en quatre pour satisfaire ses caprices et limoger les ministres guerriers (Néji Jelloul et Said Aïdi en savent quelque chose). L’UGTT est comme cette femme qu’on dénigre entre machos aux cafés et devant laquelle on se tapisse quand on rentre à la maison. Et puisque l’UGTT est membre à part entière du Pacte de Carthage (avec 2-3 ministres au sein du gouvernement), il est tout à fait normal que son chef, Noureddine Taboubi, dicte le comportement de Youssef Chahed, lui dresse les lignes rouges et exige sa démission en cas de désobéissance.

Même constat de désobéissance du « gamin » chez Nidaa et Ennahdha qui ne lui pardonnent pas son refus de procéder à plusieurs nominations, sa guerre contre la corruption et, surtout, d’avoir mis leur grand ami Chafik Jarraya en taule. Aussi bien Nidaa qu’Ennahdha (et une bonne partie des autres partis, y compris ceux qui se targuent d’être très propres) vivent d’argent à l’origine inconnue et j’aimerais écrire de l’argent sale. Ils vivent de l’argent de contrebande et grâce aux évadés fiscaux. Les contrebandiers et délinquants fiscaux sont présents dans les listes électorales des prochaines Municipales et figurent aujourd’hui parmi les députés. Ce n’est pas par hasard que l’ARP bloque les lois et les mesures liées à la transparence et contrant le blanchiment d’argent.

 

Quand il a pris son poste en août 2016, la mission de Youssef Chahed était claire : procéder à l’opération chirurgicale nécessaire. Le diagnostic a été établi depuis des années et aussi bien nos experts et analystes économiques que nos partenaires étrangers ou encore les instances monétaires internationales sont d’accord sur ce diagnostic et sur ce qu’il faut faire. M. Chahed a entamé sa chirurgie depuis 2016. Il a commencé à lutter contre la contrebande et la corruption, il réfléchit aux privatisations qu’il faudrait effectuer et il a entamé les réformes profondes nécessaires. Mais voilà qu’en pleine opération, on lui coupe l’électricité du bloc chirurgical, on refuse de lui donner les scalpels nécessaires, on lui met une ouvrière en guise d’infirmière et on le prive des marges de manœuvre nécessaires à son action. Pire, on ne cesse de l’importuner pendant son opération et ce sont ses premiers partenaires (Nidaa, UGTT) supposés le soutenir, qui sont là pour l’empêcher de rouler normalement en cherchant à lui imposer les fameux antalgiques et anti-inflammatoires au lieu de s’attaquer aux tumeurs qui rongent le corps.

Selon les rumeurs donc, c’est lui qu’on va chercher à limoger et peu importe le très mauvais signal que l’on va envoyer avec un tel limogeage. Peu importe que son successeur (quel que soit son nom) va perdre une bonne centaine de jours pour comprendre son nouveau travail et qu’il va, ensuite, tenter de procéder à la même opération chirurgicale que son prédécesseur.

 

Au vu de l’identité de ceux qui appellent au départ de Youssef Chahed, une vérité saute aux yeux : l’actuel chef du gouvernement dérange. S’il réussit sa mission, ce sera la porte ouverte pour lui en 2019. Cela dérange tous les coqs et paons des partis politiques, à commencer par ceux de Nidaa. Cela dérange tous les contrebandiers et les corrompus empêchés de tourner en rond à cause de la guerre ouverte qu’il mène contre eux. Youssef Chahed est coupable d’avoir commencé à réussir ou, du moins, d’avoir pris la voie qui pourrait mener au succès. Politiquement, ceci est un crime, surtout à l’encontre de ceux qui l’ont nommé. Ils ont pensé avoir mis un « tartour » à la Kasbah et voilà qu’il s’avère que celui-ci caracole à la tête des sondages et commence à avoir des prétentions supérieures à celles qu’on lui a attribuées au départ. Et comme il est redevable à ceux qui l’ont nommé, il se devait d’être obéissant. Faute de quoi, on le limoge ! Il n’y a que du bénéfice, il servira de bouc émissaire et on pourra s’essuyer les pieds dessus ! Chafik Jarraya (et autres) pourraient quitter la prison, on remet à l’après-2019 les décisions impopulaires et douloureuses et on peut procéder aux nominations des amis dans les postes-clés de l’administration. En clair, le départ de Youssef Chahed arrange tout le monde, sauf la Tunisie !

12/03/2018 | 16:00
6 min
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Commentaires (65)

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correcteur automatique
| 18-03-2018 09:45
Que Youssef Chahed paie pour ses CRIMES ! C'est donc un criminel ? Un meurtrier ? Je invite à ouvrir un dictionnaire consulter la définition du crime.

kameleon78
| 16-03-2018 12:47
Si Nizar, vous avez tout résumé dans votre dernier paragraphe. Youssef Chaed dérange, on voulait un Chef de Gouvernement docile (un exécutant) qui expédie les affaires courantes jusqu'aux élections générales de 2019 et voilà qu'il commence à avoir des ambitions politiques jugées dangereuses pour ses détracteurs.

Trois bonnes raisons de se débarrasser de ce gêneur.

1. Du côté de Nidaa Tounès et de la présidence, ce "gamin" casse les plans du patriarche (BCE) qui espère briguer un second mandat afin qu'il puisse achever ses réformes fondamentales pour le pays. (et pour plusieurs autres raisons, le prestige du poste, serrer la main des grands de ce monde, G7, G20... etc...)

2. Du côté de la Nahda, YC gêne les plans de reconquête du pouvoir acquis en 2011 à savoir continuer le projet de l'islamisation du pays en vue des élections législatives de 2019 que Ghannouchi a mis comme priorité des priorités. (5 ans de pouvoir pour mettre en oeuvre son projet diabolique).

3. Du côté de l'UGTT, la chute de YC arrangerait Taboubi et ses sbires qui reprochent à ses ministres de leur mettre des bâtons dans les roues et de freiner leurs ambitions politiques.

Voilà trois bonnes raisons valables de vouloir le "scalp" du Chef de Gouvernement. Et le prochain Chef de Gouvernement qui oserait répéter ce qu'a fait YC subirait le même sort. A bon entendeur.....

Khalil
| 14-03-2018 17:46
Ya si Youssef,
Allez-y, vous n'avez plus rien à perdre à ce point. Un bon dernier coup de pied dans la fourmilière, lancez les juges aux trousses de tous les malfrats et autres ripoux corrompus protégés par les politiciens véreux pour nettoyer les écuries d'Augias avant de laisser ces incapables de l'UGTT vous faire la peau. Jamais un prix Nobel n'aura autant porté malheur à un pays qu'à cette pauvre Tunisie !

ali
| 14-03-2018 09:42
vous êtes loin de la réalité. vous avez une vision superficielle de myopie ou vous faites semblant de ne pas voir ce qui se passe dans les coulisses. vous dites que M. Chahed a entamé sa chirurgie depuis 2016. Il a commencé à lutter contre la contrebande et la corruption, il réfléchit aux privatisations qu'il faudrait effectuer et il a entamé les réformes profondes nécessaires.
Tout ça c'est du bla bla bla...Il est à la solde d'un autre clan et sous contrainte du pays étranger. Malgré la conjoncture économique et sociale très difficile, la révolution avance à petits pas non visible à l'?il nu mais d'un pas sûr. soyez sûr que la vérité surgira tôt ou tard.....A bon entendeur Salut....

Abdel
| 14-03-2018 06:26
Oui j'ai la solution. Si vous trouvez dans la rivière vous ne trouvez pas dans la mer.
C'est un proverbe arabe mais vrai
Elkotia qui gouverne nous laisse pas créer et donner notre avis et surtout nos conseilles financière. Bref ezzawali qui va payer chère très chère

Abel Chater
| 13-03-2018 20:39
Les nouveaux politiciens postrévolutions du 14 janvier 2011, gonflent la grenouille UGTT, dont les chefs Sahbani et Jrad, étaient les pions et lèche-bottes du dictateur déchu Ben Ali, plus que ne le faisaient les RCDistes, eux-mêmes. Toute la Tunisie change, sauf l'UGTT, elle utilise toujours ses anciennes méthodes mafieuses d'intimider le gouvernement, comme si elle détient tout le peuple tunisien dans la main. Il est maintenant du devoir de l'ARP de sommer ce syndicat à l'ordre d'usage dans toutes les vraies démocraties de ce monde. Un syndicat de travailleurs, n'a rien à faire en haut du pouvoir politique. La Tunisie n'est pas une république bananière.

Be zen
| 13-03-2018 17:14
Bravo. Tout est juste.

B2B
| 13-03-2018 17:05
ECHEHED PRESIDENT. BRAHAM PREMIER MINISTRE ( pas chef de gouvernement); tout rentrera en ordre par la suite
TRES IMPORTANT: arrêter immédiatement la cotisation automatique à l'UGTT par l'amputation à la source sur les salaires

LARIO
| 13-03-2018 16:30
Mr bahloul n'appelle pas un chat , c'est un chat, le départ de mr chahed arrange en premier lieu notre chére TUNISIE, car elle est depuis, et jusqu'à ce jour, et méme *aprés, en train de se rechercher et cherche son oiseau rare , un certain BOURGUIBA du 21éme siécle, un BOURGUIBA qui, à son époque a bien su comprendre la juste vision de l'avenir de sa nation et de ses prérogatives , notre CHERE TUNISIE actuelle est en période de tatonnements, d'expérimentations, ses décideurs sont encore en train " d'apprendre la coiffure sur les tétes de ses citoyens déshérités et anéantis", voilà sept ans passés, et ils n'ont pas eu le culot , la compétence, l'inventivité,l'innovation, de trouver les justes ficelles, les codes secrets du chemin de la sortie de leur peuple du profond gouffre. Maintenant il nous reste qu'un seul outil , ne pas cesser de se fatiguer d'expérimenter , d'essayer, de renouveler les acteurs et les options jusqu'à "iferrajha rabbi" et toujours les tunisiens sont patients et optimistes et l'avenir nous éclairera

Dr. Jamel Tazarki
| 13-03-2018 15:49
vous écrivez: " le déficit commercial est de 2215 MDT avec un taux de couverture de 74,9%, l'euro s'échange à 2,98 officiellement et entre 3,1 et 3,3 dans les banques et les agences (un record absolu) et les réserves en devises sont de 77 jours (à la date du 9 mars, soit un record sur 20 ans). En guise d'anti-inflammatoire, le TMM a été fixé à 5,81% ce qui a pour conséquence d'encourager l'épargne (CQFD) et de décourager l'investissement. Au vu des chiffres ci-dessus, le diagnostic est clair, le pays a besoin d'une véritable opération chirurgicale. Au lieu de quoi, on est en train de lui administrer des calmants sous forme d'antalgiques. Plutôt que de pousser les gens à travailler et produire davantage pour réduire le déficit et l'inflation et faire hausser le dinar, on est en train d'augmenter taxes et impôts. Plutôt que d'encourager l'investissement, on encourage l'épargne. Plutôt que d'affronter le commerce informel, on pénalise le commerce légal. Plutôt que de pousser les investisseurs à créer de la croissance et de l'emploi, on les pousse à fermer boutique, via les taxes, impôts, bureaucratie, grèves et redressements."


Oui, si j'étais à la place de Mr. Youssef Chehed, j'aurais fait pareil!

Je m'explique, Mr. Essid a fait baisser le taux directeur de 5% à 3.5%; il a fait baisser l'impôt sur les sociétés de 30% à 25%, il a injecté 10 milliards de dinars (en vérité même beaucoup plus, indirectement) dans notre système bancaire oligarque (recapitalisation), il a fait baisser le prix du carburant, il a fait baisser La taxe sur les dividendes et il a facilité la sortie/exportation de nos capitaux, et ceci afin de motiver nos entrepreneurs à investir, mais rien de cela!

La politique keynésienne qui a été appliquée par Mr. Essid était un désastre puisque nos entrepreneurs ont profité des dépenses publiques sans ou avec très peu d'investissement. ===> de ce fait le déficit réalisé au temps de Mr. Essid (19 milliards d'euros se son évaporés dans le néant entre 2011-2016 ) doit être équilibré par les impôts à long terme (c'est le principe même de la politique budgétaire keynésienne) ==> Et ainsi Mr. Youssef n'a pas d'autres choix que d'augmenter les impôts afin d'équilibrer les énormes dépenses publiques sans aucun résultat socio-économique du temps de Mr. Essid.


Je voudrais donner l'exemple de l'entreprise SFBT, voir le lien suivant:
http://www.businessnews.com.tn/la-sfbt-propose-un-dividende-de-650-millimes-par-action,520,78535,3


La SFBT a fait un gain net de 88,4MDT, elle accorde un dividende de 650 Millimes, ce qui fait une somme cumulative de 0.65*132000000=85,8MDT, et il ne reste ainsi presque rien pour l'investissement (132000000 est le nombre de titres de SFBT)

Par contre BMW, le constructeur allemand d'automobile, fait un gain net de 10 euros par action, il distribue un dividende de 3 euros et investit 7euros!

Oui, Même une société de boissons devrait investir. Je donne un exemple: des millions de tonnes d'agrume périssent annuellement sur nos plantations d'orangers au Cap Bon tunisien, alors que la SFBT ne bouge pas le petit doigt afin de tirer profit de la situation et faire profiter simultanément tous les Tunisiens.

Si Nizar, Il ne faut pas refaire les mêmes fautes socio-économiques que celles entre 2011-2016! En effet, même un taux directeur négatif (ce qui est du non-sens, mais à la limite faisable) ne pourrait pas motiver nos hommes d'affaires affairiste à investir.

Très Cordialement

Jamel Tazarki