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Chroniques
Politicien sans programme cherche électeur désespérément
27/08/2014 | 1
min
Politicien sans programme cherche électeur désespérément
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Par Marouen Achouri

Si la politique était uniquement faite de petites phrases, de rumeurs assassines et de bassesses nauséabondes, les politiciens tunisiens seraient champions du monde ! Malheureusement pour eux, et accessoirement pour nous, la politique n'est pas uniquement faite de ça. La politique c'est aussi la conception et l'imagination de solutions pour les problèmes concrets du pays et leur soumission au vote populaire en espérant que ce soit le projet qui gagne. Ce projet est porté par un ensemble relativement homogène qui est un parti politique. Ce parti politique est représenté par certaines personnes chargées d'expliquer le projet et de le "vendre" au peuple.

Comme en Tunisie on ne fait rien comme les autres, chez nous c'est l'inverse ! On commence par les personnes, certains initiés vont jusqu'aux partis, quant au projet ou programme, il est inexistant. Ceci n'empêche pas nos politiciens de dire, sans broncher, qu'ils ont quand même des programmes en préparation depuis des mois. Et comme ils ne sont jamais achevés, on ne peut pas en parler…

De deux choses l'une : Ou bien ces programmes sont inexistants, ou les médias et les hommes politiques redoublent d'incompétence pour ne pas aborder ce sujet. Autant dire tout de suite que la première option est la plus probable.

Prenons n'importe quel politicien, de n'importe quel parti politique, et demandons lui par exemple ce qu'il envisage pour réformer l'université tunisienne. Il faut savoir qu'aucune faculté tunisienne ne figure dans le classement des 500 premières universités publié récemment par la très sérieuse université Jiao Tong de Shanghai.
Ajoutons à cela le fait que nos facultés sont devenues des fabriques à chômeurs. Ces établissements déversent chaque année sur le marché ce que certains professeurs universitaires s'amusent à appeler des "analphabètes diplômés". En même temps, la formation professionnelle est toujours marginalisée et traine son étiquette de refuge de ratés alors qu'un bon plombier gagne mieux sa vie qu'un cadre moyen. Que comptez-vous faire là-dessus monsieur le politicien si vous êtes élu?

Après la révolution, nous avons dû faire face à deux chocs : la réalité de l'état de notre pays et le niveau de notre classe politique. On pourrait disserter pendant des heures sur les causes et les effets de cette situation mais on n'en est plus là. Nous sommes face à des problèmes épineux qui touchent presque tous les secteurs et qui doivent être résolus dans les plus brefs délais. Il en va de l'avenir du pays.

Il faut que nos politiciens comprennent que l'heure des discours pompeux sur la révolution, ses objectifs et le sang des martyrs est révolue. C'est un discours stérile qui confirmera, aux yeux du peuple, leur caractère opportuniste et arnaqueur.

Education, chômage, économie, lutte contre le terrorisme, santé, justice, politique étrangère, etc. autant de dossiers sur lesquels nos politiciens devraient plancher et proposer des solutions. Au lieu de cela, ils se chamaillent parce qu'un fils est nommé par son père ou parce que tel homme d'affaires est tête de liste de tel parti.

Mais il faut comprendre nos politiciens, il est bien plus facile de jouer sur les petites phrases et les sorties médiatiques que de travailler sur des problématiques compliquées et faibles en termes de potentiel marketing. Ils devraient avoir honte que Bahri Jelassi soit le premier à présenter une esquisse de programme!

Pour un électeur potentiel, c'est le flou total. Si les élections devaient avoir lieu aujourd'hui, le citoyen ne pourra pas voter sur la base d'un programme, de propositions concrètes débattues et expliquées. Il ne pourra voter que par affinité ou il s'abstiendra. L'affinité elle-même est de deux types. L'affinité idéologique -gauche, droite, extrêmes- qui reste confinée à une minorité, et l'affinité affective qui consiste à dire : "je voterais Bajbouj parce qu'il parle bien" ou "je voterais Ennahdha parce que ce sont des gens qui craignent Dieu". On se retrouvera, à ce moment là, devant un remake d'octobre 2011 où le vote n'a pas été fait sur une base rationnelle, mais sur une autre bien plus fragile, celle de l'affect. Et comme dans une histoire d'amour ou dans un flirt, les choix du cœur renferment plusieurs déceptions. Les électeurs d'Ettakatol en octobre 2011 en savent quelque chose…

Là il s'agissait de ceux qui iraient voter quand même, mais que faire de ceux qui disent qu'aucun politicien ne leur "plaît"? Eux, ce sont les abstentionnistes et les indécis, le plus grand parti de Tunisie. Le choix ne pouvant se faire que sur la base de l'affectif, eux ils n'ont pas trouvé chaussure à leur pied. Eux ce sont les célibataires endurcis qui aimeraient bien trouver un partenaire, quelque chose en quoi croire, un projet, une vision…mais ne trouvent pas et ce n'est pas de leur faute.

Après, l'on s'étonne qu'il y ait une rupture entre la population et sa classe politique. On s'étonne que les gens, empêtrés dans leur quotidien, se désintéressent de la chose publique et de la politique. Ce qui est étonnant, c'est plutôt la patience de ce peuple vis-à-vis d'une classe politique apathique, sans imagination et stérile.

27/08/2014 | 1
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