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Tribunes
Droit de réponse au dernier démenti de la BCT
13/08/2014 | 12:45
4 min
Droit de réponse au dernier démenti de la BCT
Par Dr Moez JOUDI *

La Banque Centrale de Tunisie (BCT) a nié catégoriquement dans un communiqué rendu public le lundi 12 août 2014 des informations se rapportant à la constatation, au cours de la dernière période, d’opérations de retrait massif sur les comptes bancaires et qui seraient de l’ordre de 2.000 millions de dinars (2 milliards de dinars).
 
L’institut d’émission a évoqué, à ce titre, que ce qui a été avancé n’est qu’une tromperie et que la situation des dépôts bancaires est stable tout en affirmant que toutes les données se rapportant à l’évolution des paramètres d’activité du système financier et monétaire sont étayées au niveau du site web de l’institution.

Néanmoins, l’observation des mouvements de la monnaie centrale qui représente la monnaie qui est créée par la banque centrale et détenue par les banques et le secteur non bancaire montre qu’elle a connu un accroissement, à titre indicatif, entre les mois de mars 2013 et 2014 de l’ordre de 1.912 millions de dinars en passant de 9.164 à 11.076 millions de dinars et ce, d’après le bulletin des statistiques financières édité au terme du mois d’avril de l’exercice en cours sous le numéro 186 et consultable d’ailleurs sur le site Internet de la BCT.

L’interprétation strictement technique de ce constat renvoie à confirmer que des flux monétaires circulent hors système financier pour financer des transactions de toute nature. Ceci ne peut être que le résultat d’une fuite ou d’un retrait de masse des opérateurs économiques sur leurs comptes tenus auprès des établissements de crédit.

Pour mémoire, on rappelle aussi que dans son communiqué de presse, le Conseil d'administration de la BCT qui s’est réuni le 5 août 2014 a mis en exergue au niveau de son examen du volet des évolutions monétaires, la persistance des besoins des banques en liquidité à des seuils conséquents, conduisant ainsi à une intervention de masse pour réguler l’activité du marché interbancaire par les autorités monétaires par une injection de l’ordre de 5.489 millions de dinars au cours du mois de juillet 2014. Le taux d’intérêt moyen sur ce marché est passé à 4,98% au cours de la même période en raison de la situation d’assèchement de la liquidité bancaire.

Ceci corrobore notoirement l’existence d’une volatilité des dépôts bancaires qui pourrait même s’amplifier durant les mois à venir au cas où la situation économique et les équilibres financiers globaux ne connaissent pas d’amélioration. Cette position induira certes une montée de la pression de l’inflation qui est devenue ouverte vu son taux qui se rapproche de 6% en terme de glissement mensuel moyen.
Notons, à cet effet, que le taux de liquidité de l’économie nationale est de l’ordre de 69% à fin 2012 d’après les chiffres déclarés par la BCT. Ce taux est le rapport entre la masse monétaire au sens large sur le produit intérieur brut et qui rend compte de la monétarisation et de la bancarisation de l’économie.
La faiblesse de ce taux s’explique dans le contexte local par la montée du secteur informel qui érode actuellement de façon remarquable la liquidité puisque son volume d’affaire a atteint 38% du volume transactionnel global de l’économie nationale et ce, selon les données de plusieurs études élaborées par des institutions internationales à l’instar de la Banque Mondiale.

Autre constat attirant l’attention, il s'agit de l’importance des récentes introductions en bourse. Chose qui peut être vue comme une volonté des entreprises d'assurer leur capitalisation sur le marché boursier suite à des anticipations de risque liées à leur crainte que le marché du crédit bancaire n’assurera pas le financement de leurs activités de façon adéquate durant la prochaine période.

Il est important pour faire revenir la confiance et de disposer des ressources idoines que les outils monétaires soient mobilisés pour accroître les niveaux d’épargne à terme, stimuler l’investissement productif dans les secteurs prioritaires, notamment exportateurs, et préserver le marché financier dans son ensemble de tout choc systémique. La fragilisation bancaire, contre laquelle l’Etat ne pourrait pas lutter efficacement dans l’état actuel des choses faute de moyens, pourrait à son tour entraîner des difficultés pour plusieurs établissements bancaires par effet domino.

Dernier point : Au-delà du fond que nous venons de traiter, la forme du dernier communiqué-démenti de la BCT pêche par une insipidité et une langue de bois contreproductives et impertinentes pour cette grande institution financière œuvre des illustres Hédi Nouira, Ali Zouaoui, Mohamed Ghenima …Un peu d’humilité M. Chedly Ayari et de respect pour vos contradicteurs. La démocratie, à laquelle vraisemblablement vous n’avez jamais été habitué, se construit par une divergence de points de vue et un enrichissement mutuel. En même temps, il est évident qu’on ne peut faire du neuf avec du vieux ! A bon entendeur, nous serons toujours présents pour défendre nos points de vue et contribuer au sauvetage économique du pays, peu importe le prix que nous avons payé, que nous payons et que nous payerons encore ! 



* Président de l’Association Tunisienne de Gouvernance (ATG)
13/08/2014 | 12:45
4 min
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