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Gouvernement Essid : A vouloir plaire à tout le monde, on plait à n'importe qui !
22/01/2015 | 19:59
5 min
Gouvernement Essid : A vouloir plaire à tout le monde, on plait à n'importe qui !

Il va sans dire que les tractations à propos de la composition du prochain gouvernement vont bon train. Habib Essid, désigné chef du nouveau gouvernement, reçoit tous les jours les représentants des partis politiques et de la société civile afin de peaufiner son équipe. Toutefois, à vouloir faire participer tout le monde et à essayer d’avoir l’approbation de toutes les parties, l’équipe gouvernementale risque de ne pas être efficace.

La composition du gouvernement de Habib Essid prend trop de temps. C’est le constat que dressent plusieurs observateurs de la scène politique tunisienne. La conséquence principale, selon eux, est que le pays se retrouve coincé entre une équipe gouvernementale sortante et une autre qui n’est pas encore arrivée.
Si cette composition tarde à venir, c’est parce que les intervenants sont nombreux. En effet, Nidaa Tounes a fait le choix de ne pas gouverner seul et de faire participer plusieurs formations politiques à cette formation assimilable à un gouvernement d’unité nationale. En faisant ce choix, Nidaa Tounes s’est attiré les foudres d’une frange de ses électeurs et certains de ses leaders ne cachent pas leur mécontentement de voir Ennahdha, par exemple, participer au gouvernement. Ils soutiennent que le peuple a fait son choix en élisant Nidaa Tounes et que faire participer d’autres formations revient à se défausser de ses responsabilités vis-à-vis des électeurs et du peuple. Cette thèse prend plus de sens quand on sait que lors des élections législatives, Nidaa Tounes s’est fait élire en prônant le « vote utile », c'est-à-dire un vote qui permettrait de sauver le pays de l’amateurisme de la troïka.
Aujourd’hui, Nidaa Tounes adopte la même politique que celle d’Ennahdha lorsque ce parti avait remporté les élections législatives d’octobre 2011. Ennahdha, à l’époque, avait tenté de former un gouvernement aussi ouvert que possible aux différentes formations mises en avant par les résultats des élections. Cette démarche avait donné naissance à la troïka avec les résultats qu’on connait. Nidaa Tounes a fait le même choix en espérant des résultats différents…

Concernant les formations politiques susceptibles de participer à ce gouvernement, le spectre est large. Il y aura, vraisemblablement, des portefeuilles accordés à Ennahdha et à Afek Tounes. Ennahdha, pour participer à ce gouvernement, a le choix entre deux options : la première est celle de mettre en avant des personnalités politisées membres affirmés du parti islamiste, la deuxième est de proposer des personnalités indépendantes. Toutefois, aussi indépendantes que peuvent être ses personnalités, le fait d’être proposé par Ennahdha les affublera, de facto, d’une appartenance politique. De son côté, Afek Tounes se verra probablement proposer quatre portefeuilles ministériels. La cinquième formation politique du pays, qui a obtenu huit sièges à l’assemblée des représentants du peuple, s’en sort bien.
Reste les cas de l’UPL (Union patriotique libre) et du Front populaire. Ce dernier a posé ses conditions dès le départ : pas de membres de l’ancien régime et pas de représentants de la troïka. Ces deux conditions ont scellé la non-participation de la formation de gauche au prochain gouvernement. Pour Nidaa Tounes, se séparer de membres de l’ancien régime est inenvisageable puisque le chef du gouvernement désigné en est un. En outre, l’exclusion des membres de la troïka revient à mettre Ennahdha sur la touche ce qui mettrait en péril la volonté d’associer la deuxième force politique du pays au gouvernement. C’est ainsi que le Front populaire a marqué une certaine rupture avec Nidaa Tounes et a décidé de se mettre en marge des négociations et des pactes relatifs à la composition du gouvernement.

Le cas de l’UPL est, quant à lui révélateur de la nouvelle disposition des pouvoirs en Tunisie. En effet, le parti de Slim Riahi avait annoncé via un communiqué qu’il quittait la table des négociations à cause du flou et de l’ambigüité entourant lesdites négociations. Le lendemain, Slim Riahi, parton de l’UPL, est reçu par le président de la République, Béji Caïd Essebsi, vraisemblablement pour désamorcer la crise. L’UPL doit participer au prochain gouvernement pour donner cette teinte d’unité nationale.
Ce qui est ressorti de cette entrevue entre BCE et Slim Riahi c’est une deuxième rencontre entre Habib Essid et les représentants de l’UPL. Certains pourraient conclure que Habib Essid est loin d’avoir la main sur la composition de son futur gouvernement. L’impression donnée est que Habib Essid reçoit ses ordres de Carthage et que sa seule mission est de trier les CV des différents postulants à des portefeuilles ministériels. Les partis qui vont être représentés au gouvernement et la proportion de cette représentation sont déterminés par le palais présidentiel. La thèse selon laquelle Habib Essid n’est que l’exécutant des ordres de Carthage s’en trouve créditée.

Par ailleurs, le fait que ce gouvernement soit aussi hétéroclite risque de poser problème dans le cadre de son fonctionnement. Habib Essid devra jouer à l’équilibriste entre les membres de son gouvernement comme c’est le cas aujourd’hui. Pourtant, les réponses que devra apporter le prochain gouvernement aux problèmes économiques et sociaux qui l’attendent nécessitent un gouvernement uni. Ce gouvernement aura en charge d’entreprendre des réformes difficiles et impopulaires. Il devra également apporter des solutions et décisions à une infinité de problématiques. Le fait de prendre les rênes en rangs dispersés ne lui facilitera pas la tâche. Ajoutons à cela le fait que la part belle est, d’ores et déjà, faite aux calculs politiciens et au partage des postes selon les appartenances de chacun. Il serait étonnant de voir cette tendance changer une fois le gouvernement en place.
Dans la composition du gouvernement, Nidaa Tounes n’a pas choisi le plus facile des chemins. Le parti a décidé de mettre sa victoire entre parenthèses et de faire participer les principales formations politiques à son gouvernement. Ceci a suscité la colère de certains mais le parti met en avant la nécessité de s’unir et de sauver le pays. Certaines mauvaises langues pourraient également penser que cela n’est qu’une manière de partager l’échec et de ne pas être affecté, outre mesure, par le poids du pouvoir. Quoi qu’il en soit, les tractations en cours nous auront appris une chose : la politique et le partage se font à Carthage.

Marouen Achouri
22/01/2015 | 19:59
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