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Chroniques
Gouvernement de technocrates, un mythe qui se casse la gueule
16/07/2014 | 16:22
3 min


Par Marouen Achouri

Technocrate : Homme, femme politique ou haut fonctionnaire qui fait prévaloir les données techniques ou économiques sur les facteurs humains. C'est la définition que donne Larousse de ce terme que l'on a allégrement découvert en janvier dernier. On nous vendait la chose comme ceci : un gouvernement apolitique, basé sur des compétences avec des ministres dotés de CV dépassant les quatre pages. A l'époque ça avait tout l'air d'une bonne idée. Six mois plus tard, le petit lait qu'on nous avait faire boire a tourné.
Comme le dit un ami connaisseur de politique : "Il n'y a pas de technocrate, il y a juste une manière différente de faire de la politique". Pourtant, la stratégie marketing de ce gouvernement était bien ficelée. Un gouvernement de consensus avec une feuille de route limpide et un engagement clair à ne pas se présenter aux élections. Comme base de travail, on a vu pire. Par la suite, on a découvert nos ministres sympathiques et souriants qui font des selfies. Des ministres qui ont fait des sacrifices énormes et qui ont bien voulu avoir l'indulgence de devenir ministres en Tunisie, quelle chance !

Oui, c'est un sacrifice de devenir ministre en Tunisie! Ce n'est pas un boulot reposant, il faut bosser, donner l'exemple, trouver des solutions, subir les critiques des journalistes et en plus se coltiner une Assemblée qui ne sert plus à grand-chose!
Bref, la joyeuse bande composée par Mehdi Jomâa a commencé à travailler et une certaine quiétude a effleuré les Tunisiens. Non pas que les rues soient devenues propres ou que les prix aient baissé, non. C'était juste l'effet de ne plus voir Laârayedh, Badi, Ben Hmidène et autres, occuper des postes de ministres et enchainer les déclarations médiatiques plus ou moins insensées. Cet effet a été entretenu par les nouveaux gouvernants qui ont été avares en apparitions médiatiques. Pour être tout à fait honnête, avares d'apparitions dans les médias tunisiens, indignes, apparemment, de ces ministres ultra-diplômés.
Quelques mois plus tard, la magie a commencé à se dissiper et l'image de ministres "sympas" s'est estompée. Il faut dire que la poursuite des actions terroristes couplée à l'augmentation des prix avec un zeste de déception populaire ont achevé l'effet des selfies et du fricassé parisien. On notera également la plongée dans les profondeurs qu'est en train d'entreprendre notre dinar national, la corruption galopante, la saleté des rues…
Les images de Mehdi Jomâa en train de faire ses courses comme tout le monde ou les photos de la ministre Amel Karboul visitant une exposition deviennent agaçantes après avoir amusé un certain temps. "Je me fous complètement de savoir où Mehdi Jomâa achète son yaourt, ce qui m'intéresse c'est de savoir pourquoi on me prélève des impôts alors que ma rue est dégueulasse et que les chiens errants ne me laissent pas dormir la nuit" s’exclame un ami-contribuable excédé.

Et ce ras-le-bol commence à se généraliser. Empêtrés dans leur quotidien difficile, les Tunisiens semblent avoir du mal à se projeter dans l'avenir et à faire le tri dans une classe politique qui promet autant qu'elle déçoit. Ceci se reflète dans les faibles scores enregistrés pour les inscriptions aux élections, mais là c'est un autre problème.
La grogne et le ras-le-bol ont atteint leur paroxysme à la lecture du projet de Loi de finances complémentaire 2014 soumis par le gouvernement au vote de l'ANC. On y voyait l'avènement du fameux timbre de 30 dinars pour les contrats de mariage qui a cristallisé les critiques et a retenu l'attention de l'opinion publique. Pourtant, dans cette Loi de finances, il y a des augmentations de prix, des mesures d'alourdissement fiscal pour différentes couches de la société. Il y a même des textes anticonstutionnels (comme celui relatif aux sociétés de recouvrement) qui n’ont pas lieu d’être dans une loi de finances. C'est ainsi que le mythe de la technocratie a été définitivement cassé par la froideur des chiffres. Un déficit commercial abyssal, un dinar en chute libre, des entreprises qui n'arrivent ni à investir ni à créer de l'emploi et une population qui s'arrache les cheveux dans les marchés.
Peut-être que la solution des technocrates n'était pas la meilleure, mais celle du gouvernement "élu" n'était pas meilleure non plus. Alors où est le problème? Dans le gouverné ou dans le gouvernant ? Peut-être arriverons-nous un jour à résoudre cette interrogation, mais d'ici là, prenons-en de la graine. Ce que cachent les sourires et les selfies équivaut, peut-être, à ce que cachent ceux qui recommandent de boire de l'eau de mer ou ceux qui vont régulièrement au Sheraton.



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