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FITA – Export vers l’Afrique : Les financements à portée de main
08/02/2018 | 11:37
8 min
FITA – Export vers l’Afrique : Les financements à portée de main

 

Depuis le début de l’année, le gouvernement a multiplié les efforts pour simplifier les procédures aux entreprises tunisiennes qui veulent exporter, notamment celles opérant vers l’Afrique , et leur accorder des avantages préférentiels. La hausse des exportations tunisiennes serait salutaire pour la Tunisie et améliorerait significativement ses indicateurs économiques. Mais malgré ces efforts, la réglementation de change et le manque de devise empêchent les opérateurs tunisiens d’aller à la conquête de nouveaux marchés, souffrant de problèmes de financement.

 

Partant de ce constat Tunisia Africa Business Council (TABC) a organisé la première édition du FITA 2018 "Financing Investment & Trade in Africa", qui s’est achevé mercredi 7 février 2018, avec un bilan assez positif. Focus.

 

FITA a été une occasion qui a réuni opérateurs tunisiens et africains, ministres et dirigeants africains et institutions financières. Plusieurs ministres et secrétaires d’Etats tunisiens y ont pris part, vu l’importance de l’événement.

Outre les différentes interactions entre officiels, opérateurs et institutions financières, il y a eu des rencontres BtoB, des problématiques exposées concernant l’export et l’investissement en Afrique ainsi que des pistes de solutions proposées à l’étude. Mais le meilleur coup de maitre qu’a réussi TABC se sont les promesses de financement qu’elle a réussi à arracher aux différentes institutions financières présentes. Des engagements totaux pour le financement et le développement des exportations tunisiennes sur 2018 qui dépasseraient les 1,3 milliard d’euros, a indiqué le président de TABC Bassem Loukil dans une déclaration à Business News. Mieux, des engagements qui pourraient être facilement revus à la hausse, si les montants sont épuisés avant 2018 par les opérateurs tunisiens, nous a-t-il confié.

 

Tout sourire, M. Loukil était satisfait du «bilan positif» de cette première édition. En effet, «l’aspect problématique du financement des entreprises tunisiennes dans leurs opérations à l’export ou dans leurs investissements en Afrique a été bien exposé et débattu, pendant ces deux jours», a-t-il noté. Et d’ajouter : «Les hommes d’affaires tunisiens ont beaucoup de potentialités, des contrats, des projets d’investissement en Afrique qui ne sont pas financés, ils ont surtout énormément de mal à trouver des financements, à cause de la réglementation de change ou à cause de l’absence de la volonté des banques tunisiennes de les accompagner et de prendre un minimum de risque».

Bassem Loukil a souligné un fait important : «Toutes les institutions financières que nous avons invité à participer à ce forum sont venues avec des propositions concrètes, des lignes de financement et de crédit et une volonté extraordinaire d’accompagner tout de suite les opérateurs tunisiens dans leur aventure africaine, avec des outils de financement parfaitement adéquat aux besoins des hommes d’affaires tunisiens et qui vont de paire avec la réglementation en vigueur et avec la capacité et les spécificités de sociétés tunisiennes et leurs produits. Toutes ces institutions croient en l’économie tunisienne, aux produits tunisiens et aux compétences tunisiennes et ils sont prêts à financer sans la moindre hésitation, les opérateurs tunisiens. C’est un gisement de crédibilité et de cofinance sur lequel nous devons bâtir une nouvelle stratégie africaine».

 

 

«Aujourd’hui, il est clair qu’il y a des alternatives et des moyens pour financer nos exportations, il faut aller les chercher, multiplier les rencontres. Il faut que l’homme d’affaires tunisien se déplace sur place et cherche ces fonds. Le rôle de TABC est de donner aux hommes d’affaires tunisiens et à ses adhérents des informations sur chacun des aspects de développement en Afrique, dont le financement, la logistique, le transport, les correspondances, l’accès à des informations sur d’éventuels clients ou de partenaires en Afrique : tout ceci fait partie du réseau TABC et du service que nous offrons à nos clients pour faciliter leur accès. Nous sommes, également, prêts à introduire les PME tunisiennes à ces fonds et institutions financières», a-t-il précisé.

«D’ailleurs, la convention qu’a signé TABC avec ITFC (International islamic trade finance coropration) filiale de la BID, concerne la gestion et l’introduction des dossiers des sociétés tunisiennes auprès de cette institution financière pour faciliter leurs accès à ces lignes : l’accord sur 3 ans permet d’accélérer l’étude des dossiers, d’avoir une réponse rapide dans un délai ne dépassant pas une semaine et de donner la priorité aux Tunisiens, sans plafond pour les montants prêtés ! Le fonds de garantie et d’assurance, ICIEC (The islamic corporation for insurance of investment and export credit), une autre filiale de la BID, offre, pour sa part, des services en assurance, cautionnement et garanties, très importants, des problématiques où les sociétés tunisiennes peinent également, défaillances qui seront palliés par ces institutions. L’Afreximbank est venu au marché tunisien, quant à lui, avec une enveloppe globale de pas moins de 500 millions d’euros», a-t-il expliqué.

 

 

Il n’y a pas que les sociétés internationales qui soutiennent les entreprises tunisiennes à l’export. Plusieurs banques de la place multiplient les efforts, malgré les entraves et une réglementation de change assez rigoureuse. Parmi elles, Amen Bank. C’est dans ce cadre que le président de son directoire, Ahmed El Karm, a présenté la stratégie de la banque pour notre continent.

«L’Amen Bank a la solution Afrique, une solution composée de plusieurs éléments et qui est opérante et efficace, dans le sens où nous offrons un financement approprié à tous les besoins d’exportations tunisiennes, au niveau du préfinancement des exportations pour préparer un stock marchant à exporter et pour la mobilisation des créances sur les entreprises africaines, et la banque centrale refinance ce type de créance, donc elles sont sollicitées par les banques et mises à la disposition des exportateurs. La banque a créé, aussi, un fonds d’investissement l’Afrique Amen, dont la mission est de financer l’investissement des Tunisiens en Afrique, soit pour construire une entreprise en Afrique, soit pour racheter une entreprise, pour consolider davantage le mouvement commercial avec ce pays. Un fonds qui marche très bien, d’un capital initial de 30 millions de dinars. Nous allons bientôt lever un nouveau fonds de 50 millions dinars, dès l’épuisement du premier fonds.

Pour sa part, la compagnie de leasing Alios, qui travaille dans 9 pays africains, ne fait pas uniquement le leasing mais également des crédits d’investissement : elle est là pour appuyer les entreprises tunisiennes lorsqu’elles ont un besoin d’investissement. La Comar, qui appartient au groupe Al Amen, a créé, quant à elle, une compagnie d’assurance à Abidjan. Donc nous couvrons à la fois le financement à CT, MT et LT, la prise de participation et l’assurance», a-t-il indiqué.

Et d’ajouter : «Nous ne sommes pas très contents, pour autant, car nous voulons qu’il y ait une banque tunisienne dans les pays africains. Nous sommes à l’écoute des opérateurs et nous pensons que leurs revendications sont légitimes. Très prochainement, on trouvera les capacités et les opportunités pour s’installer comme une banque tunisienne dans les pays africains. Nous sommes ouverts à tout type de solution, l’important c’est qu’on soit présent, seul, avec d’autres banques ou avec des fonds internationaux. Le plus important, c’est de trouver une solution pérenne, d’avenir, qui garantit la stabilité et la solidité, pour qu’il soit un instrument utilisé par nos entreprises et l’économie tunisienne pour se développer. L’Afrique, c’est l’avenir de la Tunisie».

 

La Tunisie intéresse aussi les opérateurs africains, de part ses potentialités. Parmi eux, Moustapha Sow, fondateur et CEO de SF Capital (Sénégal), une banque d’affaire et une société de conseil créée pour couvrir le gap de financement en matière d’infrastructure et de commerce en Afrique.

Le jeune homme n’a pas caché son intérêt pour la Tunisie. «Nous sommes basés à Dakar, mais opérationnels dans tous les pays africains. En Tunisie, nous avons rencontré pas mal d’entreprises tunisiennes, l’objectif c’est l’inclusion financière et de permettre aux entreprises africaines d’être compétitives», a-t-il confié à Business News. «La société a été créée sur la base d’une vision qui consiste à conseiller et accompagner les acteurs de développement en Afrique que ce soit les institutionnels, les gouvernements, les investisseurs, les entreprises qui veulent faire du business en Afrique, les banques et associations qui ont comme objectifs de promouvoir le développement en Afrique. Parler de développement en Afrique passe par l’inclusion financière. C’est vrai que le financement des PME est un challenge, les gens ont tendance à penser que c’est un problème en Afrique, mais c’est un problème global. Effectivement, pour le financement des PME, chacun a son rôle à jouer : les gouvernements à travers des mécanismes d’accompagnement et de fonds de garantie qu’ils peuvent mettre en place pour inciter les institutions financières à les accompagner, parce que qu’on le veuille ou non les PME représentent aujourd’hui un risque assez important comparé aux risques que représentent les institutionnels (les grandes entreprises). Les banques ont tout intérêt à les accompagner, les PME représentant 50 à 60% du tissu économique.

Nous notre rôle au sein de SF Capital est un rôle de conseil, car l’un des problèmes majeurs que les PME ont, est un problème organisationnel qui a fait que l’accès au financement n’est pas facile pour eux. Le challenge de PME est de mettre en place un business plan, de développer des stratégies de production et de marketing, une meilleure gestion de stock, besoin de se conformer à la transparence, en certifiant leurs états financiers. L’objectif de SF Capital, c’est de leur faire comprendre que c’est dans leur intérêt et leur avantage de pouvoir s’organiser, être transparent, mettre en place tout un dispositif qui n’est pas forcément un dispositif que les grandes entreprises doivent avoir, mais les PME doivent avoir ces dispositifs :d’être transparent».

 

M. Sow précise que 70% des PME nouvellement créées ne fêtent même pas leur deuxième anniversaire. Et d’expliquer : «Le business plan est décelé comme le problème principal au niveau des PME : l’entrepreneur est de nature très optimiste alors que le banquier quand il fait son analyse il regarde le scénario pessimiste. Le deuxième problème est l’incertitude. Il ne faut pas oublier que les banques prêtent l’argent des épargnants. Les banques ont été créées pour financer, si elles ne le font pas, c’est qu’il ya quelque chose qui les en empêche et la plupart du temps ce sont des contraintes au niveau réglementaire (Bâle I, Bâle II et Bâle III)». Ceci dit, il y a des pays qui ont réussi le pari du soutien des PME et PMI, souligne-t-il. Parmi eux le Canada. «Ce pays a réussi à faire un programme avec un mélange de PPP où la Banque de développement du Canada (BDC) a été créée pour accompagner les PME et PMI ; Exportation et développement Canada (EDC) a été créée pour accompagner les exportateurs ; et en amont le Canada Small Business Financing Act a été créée : il consiste en des programmes de garantie dans lesquels l’Etat encourage les banques à financer les PME en couvrant 80% des risques. Ce modèle implémenté a réussi, car 70% des PME réussissent au Canada et fêtent leur deuxième anniversaire».

 

Pour Moustapha Sow, pour soutenir les PME/PMI, «il faut un programme consistant et l’implication des Etats qui y mettent la volonté, mais certains Etats ont leurs priorités, comme l’infrastructure». Pour lui, «il est clair que le développement d’une économie ne peut passer aujourd’hui que par le développement et l’accompagnement des PME/PMI parce que c’est elles qui emploient et créent de la richesse, car elles représentent la partie la plus importante du PIB».

 

Le soutien des entreprises tunisiennes exploratrices ou qui veulent investir en Afrique passe impérativement par le soutien de l’Etat et l’assouplissement de la règlementation de change. Plusieurs institutions financières sont prêtes à soutenir l’effort national, mais l’Etat et ses institutions ainsi que les banques devraient être capables justement d’orienter les PME vers ce genre de financement alternatif, qui peut être une solution très intéressante à court terme, le temps de faire les réformes structurelles qui s’imposent.

 

Imen NOUIRA

 

 

08/02/2018 | 11:37
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