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Fini le temps des idéologies, place au pragmatisme en politique
06/02/2017 | 12:07
4 min
Fini le temps des idéologies, place au pragmatisme en politique

Par Hassen Zargouni


Le temps de pratiquer la politique en s’opposant à Bourguiba est révolu


En Tunisie, nombreux sont les politiques qui se sont lancés par opposition à Bourguiba et en suivant leur parents Youssefistes, tels que Maya Jribi, Ahmed Néjib Chebbi, Marzouki, ... Beaucoup parmi eux sont originaires du sud tunisien, Maya Jribi de Ghomrassen, Chebbi de Tozeur, Marzouki de Kèbili, Ghannouchi de Gabès, ..., tout comme Salah Ben Youssef originaire de Djerba. Certains ont été attirés par le panarabisme, souvent mixé de socialisme, d'autres ont opté pour l'islam politique comme expression héritière de l'esprit de la réforme de la "renaissance arabe" du 19ème siècle. D'autres encore étaient des cadres Destouriens tels que Ahmed Mestiri, Mustapha Ben Jaâfar, Hassib Ben Ammar..., souvent non sahéliens, parfois tunisois, ayant mal supporté l'absence de démocratie au sein du PSD et notamment la proclamation de la présidence à vie de Bourguiba en 75. En s'opposant à Bourguiba, beaucoup ont enfin existé politiquement et d'une manière bien plus marquée. Ils ont existé pour s’opposer à un pouvoir autocratique, avec ses dérives sur les droits humains et rarement pour proposer une offre politique complète, sociale, économique...

 

Le temps d’une gauche sectaire et dogmatique est révolu


En parallèle à tout ceci, avec des croisements parfois, dans les années 60-70, l'ère du temps faisant avec le triomphe de la Russie soviétique, le succès apparent de la révolution cubaine et la Chine maoïste, une partie des apprentis politiciens ont été séduits par l’idéologie communiste et ses dérivés. Celles-ci allaient du marxisme-léninisme, au bolchévisme, au trotskisme, en passant par le maoïsme, mouvements très suivis dans les universités tunisiennes, voire le collectivisme inspiré des Kibboutz, Kolkhoz... très suivi dans les milieux syndicaux, et l’épisode Ahmed Ben Salah.... Bourguiba, encore lui, qui ne croyait pas aux vertus supposées du communisme, est de fait devenu l’ennemi de tout ce personnel politique qui remplissait les rangs des opposants à son régime. Les origines régionales de cette gauche, souvent martyrisée par le régime du parti unique, étaient diverses, allant des zones littorales telles que Nabeul qui a voté communiste après l’indépendance, certainement bien plus pour marquer son opposition à Bourguiba en totale contradiction avec son coté bourgeois et Ksibet El Mediouni avec ses familles de mathématiciens influencées par les idées des intellectuels français de gauche de l’époque. On trouve les mouvements de gauche bien implantés dans les régions intérieures aussi telles que le Jérid, en quête de justice sociale ou le bassin minier de Gafsa, conditions ouvrières oblige. Il est à noter que les sympathisants de la gauche tunisienne rassemblent toutes les souches sociales, de bourgeois romantiques à prolétaires et fils de prolétaires en passant par des Tunisiens ayant bénéficié de l'ascenseur social qui était l'école de la République et qui ont constitué la classe moyenne de la Tunisie contemporaine.

 

Place au pragmatisme et aux réponses concrètes à des citoyens connectés


Toutes ces écoles politiques du 20ème siècle, dans lesquelles se sont formés nos personnalités politiques actuelles, sont souvent importées de l'étranger avec des idéologies plaquées brutalement à la Tunisie, du moins en théorie, car seul les Destouriens ont géré les affaires publiques du pays. Toutes ces idéologies recèlent un lourd passé totalitaire : Communisme, islamisme, nationalisme arabe, baâthisme, nationalisme destourien... Avec des succès relatifs, mais des échecs certains. Il est peut être temps de dépasser tout ceci et passer à autre chose.

Quelque chose qui ne se réfère pas à ces gens-là ou à ses "ismes" avec leurs dérivés. Le monde a beaucoup changé, trop rapidement pour ne pas en tenir compte. Une Tunisie forte dans un monde qui bouge mérite une nouvelle classe dirigeante, du sang neuf, plus en phase avec les nouvelles générations, celles de l'Internet pour tous, celles des réseaux sociaux comme mode d'expression individuelle et collective, celles en rupture avec les paradigmes anciens. La politique en Tunisie doit changer. Elle doit être incarnée par des pratiques et un personnel politique connecté, en osmose avec la rue et les préoccupations des familles tunisiennes au plus profond. C'est certainement l'enjeu des prochaines échéances électorales. Une grande lessiveuse va s'opérer. Certains ont été déjà des victimes des deux précédentes en octobre 2011 et 2014. D'autres craignent les prochaines et tentent de reporter l'échéance de leur déchéance. Mais le peuple a changé, les Tunisiens ont changé. Et celui qui a compris cela gagnera les batailles à venir. Celui qui fera preuve de pragmatisme et qui améliorerait le quotidien de nos concitoyens aura la faveur des suffrages, loin des idéologies et des querelles des vielles chapelles. Bien entendu l’argent, les médias et les différents réseaux ou lobbies auront toujours un poids dans le sort des élections, mais la donne a désormais changé.

De nouvelles règles de jeu sont à inventer pour séduire un électorat en mal de confiance en ses gouvernants et en la junte politique en général. Apprenons certes de notre passé mais de grâce épousons notre temps qui va vite, à la vitesse de la circulation fulgurante de l'information et des idées. Le pays n’attend plus. Notre jeunesse n’attend plus. Les opportunités offertes à notre pays n’attendent plus !

 

Walakom sadid ennadhar.

 

 

06/02/2017 | 12:07
4 min
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Commentaires (9)

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Dr ELFEHRI
| 07-02-2017 09:12
Analyse superficielle qui se voudrait pertinente, par un pragmatisme de gestion du pays efficace.Mais le pragmatisme a besoin de cap et ce cap ne peut mobiliser une population que lorsqu'il a une idéologie.L'ideologie n'a pas besoin de venir de l'extérieur,elle est chez nous ,issue de notre Tunisianité.

jilani
| 07-02-2017 08:59
Aussi les technocrates opportunistes et sans morale pour accéder rapidement à des postes clés. Ils n'ont montré aucune imagination. Le dernier exemple est la plaque inaugurale de chokri belaid. Est les communistes ou islamistes qui ont fait cela ?

Mohamed 1
| 06-02-2017 16:38
Allez faire comprendre à des enragés embrigadés et à leurs obsessionnels de chefs que tous ces idéologies représentent un temps révolu disparu depuis longtemps.
Les chefs en question ne veulent pas lâcher le morceau pour deux raisons évidentes:
1- Le fond de commerce qu'ils gèrent est trop porteur, même à petite échelle, pour penser sérieusement à s'en séparer. En somme le fond de commerce passe avant la patrie.
2- Tous ces personnages de la scène politique contemporaine pratiquent le culte de la personnalité. Donc ils ne peuvent pas se remettre en cause du jour au lendemain. Ils ont toujours reproché cette culture du culte de la personnalité à Bourguiba. Mais en fait ils la pratiquent autant que lui, sinon plus, tout en feignant ne pas du tout donner de l'importance à leur parcours. Mais dans les faits ils sont tout le temps en train de débiter leurs supposées batailles passées contre les gouvernants injustes et totalitaires, leurs faits d'armes héroïques, leurs prises de position fermes, leurs sacrifices consentis, leur dévouement à leurs causes, leur résistance à toutes les épreuves. Bref du Bourguiba pur jus. A la différence que Bourguiba a eu ses réussites, incontestables et nombreuses, alors qu'eux ils végètent encore dans leurs idéologies en glorifiant dans le même temps leurs passé militant et en y vouant un véritable culte à qui ils tiennent plus qu'à la prunelle de leurs yeux.
A la différence aussi que Bourguiba, en homme pratique, peut changer en un quart de tour l'orientation politique. N'est-il pas passé de la politique collectiviste à la libéralisation économique rapidement aussitôt qu'il a eu la certitude de la nécessité de pratiquer un virage à 180°?
Donc demander à ces personnages, bercés par la douce brise envoûtante de leur idéologie d'être pragmatiques alors que c'est de leur idéologie qu'ils tiennent leur propre existence et qu'ils leur est impossible de s'en séparer sous peine d'extinction, est une véritable gageure.
Mongi Rahoui n'a-t-il pas conseillé Hamma Hammami de prendre sa retraite? Il avait totalement raison. Bon courage.

déja-vu
| 06-02-2017 13:58
"L'amnésie rétrograde (ou amnésie d'évocation)...Une amnésie progressive...: les souvenirs les plus anciens sont généralement les mieux conservés."
wikipédia.
Les 23 ans les plus récents ont été "sautés"...
Article qui me rappelle notre tv nationale qui passe d'aujourd'hui au noir et blanc...sur fond de la regrettée Saliha. Avancer avec un peuple d'amnésiques.

D'où une vision aussi tronquée de l'avenir...Une ode à un utralibéralisme inhumain qui jettera à la rue des milliers de braves gens sacrifiés aux dieux des statistiques et autres pronostiques ...
Pas besoin de "ismes" pour les peuples qui commencent à rejeter démocratiquement, pour le moment, cet enfer...qu'on nous présente comme seule alternative "pragmatique", qui est déja dépassé, tellement le monde bouge vite à cette ère de l'information.

Cet avenir-la, c'est déja du passé. De la roba vecchia..

Mich hati'dar tighammath inik!

Tunisienne
| 06-02-2017 12:59


ne serait-il pas «par hasard» Mehdi Jomaâ ?


Mais ne vous y trompez pas, cher Monsieur ! Les gens ont plus que jamais besoin de «isme(s)»... Parce qu'ils sont en manque total de visibilité, de repères, de sérénité...


La post-modernité suscite trop de vides qui doivent être comblés.

Le sentiment de chaos, de flottement et d'être partout et nulle part suscite une soif de «isme(s)». Et la Tunisie ne fait pas l'exception !







ameur k
| 06-02-2017 12:37
si" zargouni " ,tjrs egal à lui méme : pertinent ,methodique ,pragmatique ,facile à comprendre ....bref un vrai citoyen du monde qui veut faire sortir son peuple de la décadence des "ismes" et particulierement l'integrisme ikhwanis qui risque de nous engloutir en jouant sur la corde religieuse d'un autre temps...

DHEJ
| 06-02-2017 12:31
A quelle catégorie appartient-il?


Hélas ce n'est pas le PRAGMATISME qui manque à nos politiciens mais plutot la LEGIDYNAMISME!


Trump a chambardé le monde avec...

A4
| 06-02-2017 12:30
LA CLASSE POLITIQUE
Ecrit par A4 - Tunis, le 16 Avril 2016

Et voilà la classe politique
Elle est là tout à fait au fond
Ils sont malades et nostalgiques
Plongés dans un sommeil profond
Allez savoir ce qu'ils fabriquent
Moi je déteste ce qu'ils font

Les nostalgiques en millénaires
Sont à droite, à l'extrême
Ils ont des rêves qui dégénèrent
En califat d'ordre sixième
En morbides instincts sanguinaires
Qui leur donnent ce vil teint blême

Ces nostalgiques du désert
N'ont qu'une seule vocation
Qui les ronge tel un cancer
Les poussant à la destruction
De toute oeuvre ou espace vert
Laissant ruine et désolation

Les nostalgiques en centenaires
Occupent la rangée de gauche
Ils radotent à bout de nerfs
Et ils trouvent que tout est moche
Tout leur monde est en binaire
Tous leurs beaux rêves s'effilochent

Ces nostalgiques des glaciers
Des murailles et des rocheuses
Ont des programmes populaciers
Pour fainéants et pleureuses
Qui veulent vider le couscoussier
Des bosseurs et des bosseuses

Les nostalgiques en décennies
Suffoquent et ont besoin d'air
Se chamaillent, sont à l'agonie
A la recherche d'un leader
Les guidant au chemin béni
Aboutissant au belvédère

Ces nostalgiques des tropiques
Des jeux et des enfantillages
Sont des modernes archaïques
Qui ont raté leur aiguillage
Ils ont l'allure pragmatique
Mais la cervelle est d'un autre âge

Tout ce beau monde me dégoûte
Tous ces nostalgiques m'indiffèrent
Leur seul cri "en arrière toute"
Ne peut nous mener qu'en enfer
C'est bientôt la banqueroute
Pour ceux regardant en arrière

hbs
| 06-02-2017 12:15
mille bravo ; merci pour cette analyse ; beaucoup de tunisiens partagent vos idées ;