alexametrics
jeudi 25 avril 2024
Heure de Tunis : 17:34
Chroniques
Faut-il s’alarmer du niveau des avoirs en devises du pays ?
25/01/2018 | 16:49
3 min

Les avoirs nets en devises sont tombés sous la barre symbolique de l’équivalent à 90 jours d’importations. Faut-il s’en inquiéter ? Il serait déraisonnable de prendre à la légère une telle donnée. Toutefois, il n’est tout aussi pas raisonnable de céder à la panique. Le montant des réserves en devises qu’affiche quotidiennement le site de la Banque centrale de Tunisie (BCT) n’est que « provisoire », insiste d’ailleurs l’institut d’émission. En effet, il suffirait que le gouvernement décide d’une sortie sur un des marchés internationaux des capitaux pour renflouer le matelas de devises du pays. A moins qu’entre temps le Conseil d’administration du FMI autorise le décaissement de la 3e tranche de 360 millions de dollars environ d’un crédit élargi de 2,8 milliards de dollars. Et de fait, les disponibilités en devises du pays repasseraient au-dessus de ce niveau-plancher, devenu un critère à l’instar du plafond de 3% du PIB concernant le déficit budgétaire et les 60% du PIB  comme plafond à l’endettement.

 

A ce stade, il faut bien se garder de transformer ce critère en norme, à fortiori en dogme. L’autorité monétaire a tenté de tempérer l’inquiétude des acteurs économiques en publiant au milieu de l’été 2017 un communiqué faisant le « point sur l’évolution des réserves en devises », qui avaient atteint en juillet 2017 son plus bas niveau de l’année à 11,97 milliards de dinars, à travers lequel elle rappelait que durant la décennie 1990 et jusqu’en 2004, les avoirs en devises du pays ont évolué sous la barre de l’équivalent de 90 jours.  Depuis l’année 1987, « le niveau des avoirs en devises de la Tunisie est resté jusqu’en 2003 globalement en deçà de la barre des 3 mois d’importations. La moyenne des jours d’importations sur la période 1987-2004, soit 17 ans, a été d’environ deux mois, avec par moments, au début des années 90, un stock des réserves en dessous de un mois d’importation ».

 

 

Un paramètre implicite plus qu’une donnée explicite

 

La tendance ne s’est inversée qu’à la faveur d’un afflux massif d’investissement direct étranger (IDE) dans le cadre d’opérations de privatisation, notamment la cession de 35% du capital de Tunisie Telecom. En 1993, année d’introduction de la convertibilité courante du dinar, les réserves en devises du pays équivalaient à un peu plus d’un mois d’importations. A-t-on pris un risque insensé à l’époque ? En tout cas, force est de constater qu’il convient de faire preuve de prudence dans l’interprétation d’un tel paramètre. Les réserves en devises d’un pays ne peuvent à elles seules fournir un diagnostic de sa situation économique.  Un pays qui enregistre une croissance économique acceptable, qui maîtrise son déficit extérieur et qui gère efficacement son niveau d’endettement n’a pas à se préoccuper outre mesure de son stock de devises. Ce dernier constitue plus un paramètre implicite qu’une donnée explicite d’une situation économique. Le fait d’afficher des disponibilités en devises au-delà de la barre des 90 jours n’est nullement pertinent, ni sécurisant si par ailleurs les investissements sont en veilleuse, les exportations en panne et l’endettement en constante progression.

Maintenant, il s’agit de savoir si le gouvernement Chahed est résolument engagé à dynamiser l’activité économique, à freiner le périlleux dérapage des finances publiques et à susciter une consommation qui ne fasse pas la part belle à l’importation. La loi de finances apporte-t-elle des réponses à ces pré-requis ? Répondre à cette interrogation revient à fournir un meilleur éclairage sur le niveau des avoirs en devises du pays.

A la fin des années 2000, la Tunisie affichait l’équivalent de 180 jours d’importations. À l’époque, on envisageait sérieusement l’option d’une libéralisation totale du compte de capital et partant de l’objectif d’une convertibilité totale du dinar. On n’a pas voulu prendre ce pari. Au vu de la situation actuelle, bien nous en a pris non pas en raison des réserves en devises mais des autres paramètres économiques. 

Houcine Ben Achour 

 

25/01/2018 | 16:49
3 min
Suivez-nous