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Tribunes
Fausse polémique autour des Institutions
28/01/2020 | 09:13
7 min
Fausse polémique autour des Institutions

 

 

Notre démocratie naissante vit une évolution perçue parfois avec circonspection, voire beaucoup de scepticisme tant les attentes sont grandes et les incertitudes par rapport à l’avenir angoissantes. Néanmoins, si l’on regarde avec le recul nécessaire, nous constatons qu’il y a de réels progrès principalement sur le plan de la conscientisation politique et l’apprentissage de l’exercice de la démocratie au quotidien. Certes, des abus de tous genres peuvent nous exaspérer, voire provoquer des relents nostalgiques chez certains, mais le débat reste tout de même dans le cadre de la nouvelle donne démocratique.

Parmi les questions qui sont posées sur la scène publique nous constatons que dans tous les milieux sociaux et avec des degrés différents, on s’intéresse à la chose publique, on s’interroge sur la portée et les limites de la Constitution, du code électoral, sur le rôle des médias et les nouvelles institutions. En dépit de toutes les critiques formulées, la politique a envahi tous les espaces publics et privés et suscite l’intérêt de tous. L’une des questions qui se posent depuis quelques jours, concerne d’un côté la démocratie représentative qui a donné lieu à un parlement à la fois multicolore et sans majorité. De l’autre côté, la légitimité populaire exprimée à travers l’élection de manière très majoritaire du président de la République Kaïs Saïd. Ces deux légitimités sont aujourd’hui, pour la première fois de notre histoire, en synergie, ce qui provoque toutes les questions relatives à la « légitimité » du choix porté par le président de la République sur Elyes Fakhfakh comme la personne la plus à même de composer un gouvernement et ce conformément à l’article 89 de la Constitution.

 

Démocratie représentative

Commençons d’abord par affirmer qu’en Tunisie nous avons un régime parlementaire similaire en tous points, d’ailleurs, à celui de la République du Portugal. Il est de ce point vue important de dissiper quelques malentendus qui commencent à prendre de l’ampleur concernant la modalité de désignation par le président de la République de la personnalité la plus à même de former un gouvernement.

La Constitution dans son article 89 alinéa 2 stipule clairement qu’après consultation des partis et de groupes parlementaires, le président de la République charge « la personnalité jugée la plus apte » à former un gouvernement. Cette disposition constitutionnelle appelle à deux lectures, une juridique et objective et une autre davantage plus discrétionnaire. Pour désigner Elyes Fakhfakh comme personnalité jugée la plus à même de former un gouvernement, le président de la République s’est formellement référé à la lettre de la Constitution étant donné que la personnalité désignée est le résultat des consultations des partis politiques représentés à l’ARP. La Constitution étant muette sur le classement des personnalités proposées, intervient alors la discrétion du président et son autorité morale dans les critères de désignation tout en respectant le périmètre de chacune des institutions (parlement et présidence de la République) et le principe de l’équilibre des pouvoirs.

Il est donc important de souligner que le choix du président s’est fait sur une base constitutionnelle solide. Il ne peut donc être question de « gouvernement du président ».  Ceci est d’autant plus pertinent que le président lui-même a jugé important de préciser, lors de la séance de la remise du « mandat » le lundi 20 janvier, qu’il ne s’agit nullement du gouvernement du président mais d’un choix fait parmi les propositions faites par les partis représentés au Parlement.

Le parlement garde la main haute sur la validation ou non, du gouvernement que Elyes Fakhfakh est censé présenter avant l’expiration du délai constitutionnel d’un mois, soit le 21 févier. Nous sommes donc bel et bien dans un régime parlementaire avec une légère dose d’équilibre avec l’institution présidentielle dans l’esprit anglo-saxon de « Checks and balances ». Ce régime modère les rapports de force entre les institutions et donne la possibilité de débloquer des situations telles que celle que nous avons eues à l’issue des dernières élections législatives d’octobre 2019.

La portée et les limites d’un tel système de représentation font d’ores et déjà, l’objet de nombreuses études scientifiques traitant de la question de la démocratie représentative. Nous n’allons pas nous attarder sur cette question, il suffit de constater la difficulté à dégager une majorité parlementaire capable de gouverner pour nous rendre compte qu’une révision du mode de scrutin s’impose.

 

Le choix discrétionnaire du président de la République

Etant élu au suffrage universel direct, le président de la République jouit d’une légitimité populaire qui, en quelque sorte, valide le pouvoir discrétionnaire dont il dispose. En l’absence de critères de désignation définis de manière précise, la marge de manœuvre du président est un peu plus grande, lui permettant de choisir en tenant compte de critères plus politiques.

Au cœur des critères qui ont motivé les électeurs à élire Kaïs Saïd président de la République, résident les valeurs éthiques et morales conjuguées à une très forte fibre sociale.  Ces critères ont probablement été aux fondements du choix ultime fait par le président de la République. Ces critères viennent s’ajouter à l’application des dispositions de la Constitution.

Sur le plan politique un tel choix donne l’orientation générale aussi bien du programme que des choix des partis politiques qui composeront le futur gouvernement. Il est donc dans la logique à la fois constitutionnelle que politique que le choix soit porté sur une personnalité, elle-même désignée par les partis politiques et ayant une fibre sociale et un a priori éthique et moral conforme aux vœux du président de la République. Ainsi, le choix des partis politiques ayant une orientation sociale clairement définie et affirmant haut et fort leur volonté de moraliser la vie politique, est un choix pertinent. Ce choix engage les partis tout en permettant au président de la République de garder une certaine cohérence avec lui-même et les principes qu’il a affirmés lors de sa campagne électorale. Un tel choix ne préjuge en aucun cas de l’immoralité des partis non choisis, partant du principe selon lequel seule une décision de justice motivée peut tracer la ligne de démarcation entre le légal et l’illégal, le légitime et l’illégitime.

De ce point de vue, la non-participation de Qalb Tounes et du parti destourien libre dans la coalition relève moins d’une discrimination arbitraire que d’un choix d’orientation politique où s’entremêlent le choix de société et le modèle économique sur le fond d’une éthique et d’une morale prouvées. Dans ce cas on peut difficilement parler d’exclusion. Il s’agit bel et bien de choix politique en respect des règles élémentaires de la démocratie où une majorité parlementaire simple ou en coalition, doit rester sous le contrôle critique d’une opposition prête à former un contre-pouvoir et à assurer une alternance.  

 

« Consensus » vs responsabilité

Une démocratie ne peut fonctionner que sur la base des droits et des responsabilités. Les droits acquis dans le respect des règles s’accompagnent des responsabilités qui lui sont consubstantielles. Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la pertinence des choix de partis de la probable coalition gouvernementale et sur l’idée de reproduire la formule du « consensus » appliquée depuis 2012 et de manière plus prononcée depuis 2014.

Il est évident que cette stratégie du « consensus » était pertinente durant la période de la rédaction de la Constitution et la mise en place des nouvelles institutions. Elle était déjà moins pertinente lors du premier mandat électoral de 2014 mais néanmoins acceptable, arguant du fait que la démocratie devait être consolidée et stabilisée. Force est de constater que cette stratégie a engendré une grave dégradation du sens de la responsabilité et a installé l’impunité sous toutes ses formes (politique, judiciaire, morale) au cœur du système. La dilution des responsabilités dans un fourre-tout appelé le « Consensus » dans ses variantes « union nationale, salut national » n’a engendré que de l’irresponsabilité. Malgré les bilans catastrophiques des gouvernements successifs aucun parti n’est aujourd’hui comptable de ces bilans. Le « consensus » ne peut être atteint qu’en rabaissant jusqu’au degré zéro la barre des exigences, en matière de compétences techniques, politiques, éthiques et morales. Cette formule est préjudiciable à la Tunisie et a fait énormément de dégâts et ne peut en aucun cas être reproduite.

La Tunisie a plus que jamais besoin de partis politiques responsables et comptables de leur bilan devant le peuple. La reddition des comptes est la substantifique moelle de la démocratie parce qu’elle met fin à l’impunité et contraint les partis à engager leurs responsabilités. Que la coalition faite des partis désignés par Elyes Fakhfakh gouverne et engage ses responsabilités devant le peuple. Que les autres partis jouent leur rôle d’opposition et travaillent pour se positionner comme des partis de gouvernement prêts à assurer l’alternance. Tel est le sens d’une démocratie mature et apaisée articulée autour de la légitimité électorale octroyée par le peuple et la responsabilité qui s’y rattache. Droits et Devoirs sont les mamelles nourricières d’une démocratie soucieuse de l’intérêt général.   

 

28/01/2020 | 09:13
7 min
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Commentaires
Xnergie
Ambitions!
a posté le 30-01-2020 à 15:04
Beaucoup sont légion sur les plateaux de télévision à lancer des appels à M Elyes Fakhhfakh pour une place au gouvernement. Une dame a même proposé un projet de structure de gouvernement. C'est partout le Discours de la Méthode ! Mais personne ne sait pourquoi nous n'arrivons à mettre en '?uvre aucune réforme. Le populisme partout ! Il paraît qu'à Tunisair il n'y à beaucoup de personnel, il suffirait d'acheter quelques avions de plus et améliorer ainsi le ratio effectif du personnel / nombre d'avions. Même si ces avions n'assurent aucun trafic...?
Mohamed Ettounsi
Une vue de l'esprit !!!!!
a posté le 28-01-2020 à 16:40
Hedi ben Abbes est à la recherche d'un poste au sein du prochain gouvernement. C'est son choix et son droit.

Il essaie de justifier de manière "scientifique" la décision de EF d'écarter QT du prochain. Mais son raisonnement est plein de contradictions (rien qu'à lire le tout dernier paragraphe 6 lignes pour invalider tout ce qui a précédé) et toute la longueur de la tribune est juste pour exposer la décision de EF sans nouveaux arguments et qui se résume dans le paragraphe ci-dessous.

La décision de EF d'écarter QT n'est ni objective ni justifiable politiquement ni économiquement. Il n'y a aucune ligne politiquo-économique commune et évidente qui regroupe nahdha, tahya, tayyar, chaab et Saied. C'est une vue de l'esprit !
De même que la désignation de EF pour former et diriger le gouvernement. La soi-disant convergence entre KS (72.7%) et EF (0.34%) n'est pas non plus si évidente que celà dans les faits. Sinon, pour les mêmes raisons exposées par Hedi ben Abbes, KS aurait pu désigner Hakim Ben Hamouda, avec l'indépendance et cohérence avec les partis et blocs parlementaires en plus.

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De ce point de vue, la non-participation de Qalb Tounes et du parti destourien libre dans la coalition relève moins d'une discrimination arbitraire que d'un choix d'orientation politique où s'entremêlent le choix de société et le modèle économique sur le fond d'une éthique et d'une morale prouvées. Dans ce cas on peut difficilement parler d'exclusion. Il s'agit bel et bien de choix politique en respect des règles élémentaires de la démocratie où une majorité parlementaire simple ou en coalition, doit rester sous le contrôle critique d'une opposition prête à former un contre-pouvoir et à assurer une alternance.
""""
Achille
Aucune légitimité
a posté le 28-01-2020 à 13:58
Le parlement balkanisé n'a plus aucune légitimité, la légitimité ne peut être accordé dans le chaos, la Tunisie est dans un bordel ingérable, la preuve même est cette impossibilité de monter un gouvernement, ensuite qu'il soit efficace ce gouvernement, et qu'il fasse son job et sert le peuple avec dévotion et sert les intérêts du pays en premier dans son ensemble contre tout sabotage partisan. C'est a dire mener une mission de sauvetage, de remonté, et de sécurisation et de défense !

Et justement c'est impossible a faire, étant donné la nature même du parlement qui est conçu pour le contre pouvoir au sein même du parlement, par la guerre parlementaire et ensuite la guerre politique et gouvernementale, car le parlement n'est d'une part constitué que de partis qui ont prouvé noir sur blanc en publique durant les elections et les compositions du gouvernement que de politiques et de partis portant leurs intêrets personnel en premier et en définitif, ils ont prouvé que la politique n'est qu'un business et qu'elle est même publiquement reconnu être un business d'argent et de pouvoir.

Ensuite étant donné aussi que ce système politique n'a été conçu dés le premier jour de sa conception bardeau sur fond de revendication idéologique et partisane, infilitré par la guerre et le djihadisme, une première tentative de passer une constitution de guerre a même été bloqué, vous vous rappelez ?

9 ans que le pays se trouve en chute libre, et s'est craché plus d'une fois, il ne survit pas grâce au parlement mais en dépit du parlement !
Le parlement ne le sert pas, il n'est donc aucunement légitime !

Ce parlement, ne vise a travailler aucun intérêt de la Tunisie mais a travailler contre les intérêts de la Tunisie.

Ce parlement existe dans le chaos, a mener le chaos, et maintient le chaos !

Parler encore de légitimité c'est être inconscient, ou bien complice de cette guerre, c'est rendre légitime une arme de destruction massive pointé sur la Tunisie.

Parler encore de démocratie aussi est un aveuglement et un maintient en crise de la Tunisie, car la Tunisie n'est plus ou pas ou n'a jamais été sous démocratie, il faudrait plutot a mon sens parler de lutte pour la démocratie car nous en sommes encore la a lutter pour la démocratie, ou bien celle ci constamment confisqué.

Justement la démocratie c'est le suffrage universel, la majorité qui l'emporte, or la majorité a voté pour un président, il l'a emporté, c'est a lui que revient toute la légitimité, ainsi qu'aux partis a forte représentation et qui n'ont pas mener la politique durant ce chaos de 9 ans !

Donc merci de rompre définitivement avec le mensonge et l'irréelle et de voir la réalité en face de vous !

Ce parlement et ce système politique et cette constitution sont une arme contre la Tunisie, ils doivent être dissout, supprimé et refait.

L'ensemble de la classe politique ayant touché de près ou de loin au pouvoir et a la politique durant ces 9 ans doit être dissoute, et interdite d'accès a la politique sous fin de mandat, 9 ans de politique n'est pas démocratique surtout en plein chaos, il faut établir un mandat pour les partis, ceux ci ne doivent plus participer a la politique dans l'avenir après dépassement d'une certaine période d'exercice.

Et un système on en a déjà un, prêt a l'emploi, déjà en fonctionnement et légitime, c'est le système présidentielle, c'est le Président De la République.

Il faut faire un choix, soit vous voulez sortir de la crise, soit vous ne voulez pas.
Car il faut aussi le vouloir, vous qui rendez légitime l'illégitime, il faut prouver que vous n'êtes pas partie prenante a une quelconque crise, car rendre légitime un chaos c'est une irresponsabilité ou bien une connivence a une guerre contre la Tunisie qui est mener par des acteurs puissants et bien organisés.
DHEJ
Encore le mot "LEGITIMITE"!
a posté le 28-01-2020 à 13:40
Or ce mot n'a aucune GRANDEUR SCIENTIFIQUE...

Il faut encore du temps pour utiliser le mot PORTANCE ou VITALITE utilisé par Maurice HAURIOU...

Donner des AILES EXTRA-LENGTH comme pour lr Boeing 777X!

Alors les institutions sont calées d'après des énergies or H.B.A ne s'y connait pas!


Par contre le MECANO Elyes FAKH² saura-t-il se caler dans la nouvelle architecture institutionnelle pour la mécaniser?!
MH
Excellent article !!
a posté le 28-01-2020 à 13:21
Les politiques en Tunisie depuis 2011 pratiquent et en même temps découvrent la démocratie. Ce n'est pas forcement un exercice facile. Le problème c'est qu'on a (encore aujourd'hui mais à moindre mesure) un parti dominant (Nahdha) qui est incapable de trouver les solutions économiques et sociales. Les dirigent de Nahdha connaissent très bien leurs faiblesses et incompétences qui nous paraissent pourtant flagrantes, mais ont du mal à le reconnaitre. Pour les camoufler autant qu'ils peuvent ils acceptent à partager les responsabilités et vont toujours vers ce qu'ils appellent le "consensus". C'est ce qui ce passent encore actuellement avec le GVT d'Elies FF cherchant à inclure QT pour qu'il puissent rester au pouvoir avec le minimum de responsabilité.
Toto
RESPONSABILITE !
a posté le 28-01-2020 à 09:45
HBA explique des choses difficilement explicables à un peuple en dérive... Il a raison de mettre en exergue la notion des responsabilités.

Nous voulons des gens , qui gouvernement et qui assument leurs responsabilités. Ils peuvent ainsi être sanctionnés en cas d'échec

Excellente tribune