Et pendant ce temps-là, Ennahdha gagne !
Dans son célèbre « Art de la guerre », Sun Tzu disait : « Il ne faut jamais interrompre son ennemi quand il fait une erreur ». Il semble que ce soit la tactique pour laquelle opte Ennahdha devant les gesticulations stériles de son ennemi Nidaa Tounes. La bataille rangée qui est engagée entre Hafedh Caïd Essebsi et le chef du gouvernement, Youssef Chahed, ne perturbe pas du tout le parti islamiste qui marque des points chaque jour.
A la tête de l’exécutif, on parle de remaniement, d’évaluation et de nomination. Ennahdha n’en a cure et se délecte de ses multiples victoires au niveau local. Quelle victoire pour un parti longtemps interdit, toujours décrié, d’imposer ses poulains par la force des urnes en damnant le pion à l’ensemble des autres partis et particulièrement à Nidaa Tounes.Il ne faut pas s’y tromper, Ennahdha serre les rangs et est en ordre de bataille car il est parfaitement conscient de l’importance de l’un des éléments centraux de toute action politique : le temps.
Alors que ses adversaires sont dans une optique immédiate et instantanée, Ennahdha se projette pour 2019 et plus loin encore. En mettant la main sur les localités à travers les élections municipales, Ennahdha prépare déjà sa victoire aux législatives (au moins) de 2019. Le parti islamiste sera en mesure de changer le quotidien des gens dans les zones habituellement abandonnées par les têtes pensantes tunisoises. Ennahdha se détache largement des autres partis politiques tunisiens par sa discipline et par son pragmatisme.
Même au niveau des municipalités, Ennahdha a très bien négocié son coup en lâchant des lièvres suivis par les médias et par les autres partis comme ce fût le cas à Monastir ou encore à Sidi Bou Saïd. Tout le monde les a suivis pendant que le parti engrangeait les soutiens et les victoires partout ailleurs dans le pays. Le monde politico-médiatique tunisois ne s’est pas rendu compte que le parti islamiste pliait les autres protagonistes à sa volonté en jouant sur leurs vils désirs de nomination et d’avantages.
Ennahdha a pris le temps d’étudier ses ennemis, de connaitre leurs points faibles et de jouer sur leurs désirs et ambitions. Personne n’a été capable de déjouer les plans du parti de Rached Ghannouchi et tous les pseudo-politiciens de ce pays se sont cassé les dents sur la solidité des structures du parti. Depuis la révolution de 2011, la seule constante a été l’existence du parti Ennahdha. Tous les autres ont changé. Il y a ceux qui se sont divisés comme Nidaa Tounes et d’autres qui ont complètement disparu comme Ettakatol ou le CPR. C’est cela qui permet aujourd’hui à Rached Ghannouchi de se présenter en gage de stabilité et de sérénité, parce que lui est toujours là. C’est cela qui lui permet d’être le pivot central sans qui rien ne peut se faire. Et c’est cela qui fait que l’on accoure de partout pour chercher son soutien ou sa sympathie.
Personne n’est capable aujourd’hui de contrecarrer les plans d’Ennahdha parce que personne ne dispose de la maturité nécessaire pour cela. Si tous les prétendus progressistes s’unissaient et livraient bataille à Ennahdha, ils auraient peut-être une chance. Au lieu de cela, les petites échoppes politiques vendant de l’alternative, du changement et de l’innovation se multiplient. Chacun se voit en sauveur, en tacticien hors pair qui saura, lui, arriver au pouvoir et changer les choses.
En réalité, quand on n’arrive pas à s’imposer dans son propre parti, on ne peut s’imposer au pays. Quand le seul fait d’armes et d’avoir été un éphémère ministre, on ne peut prétendre à plus que ce que Ennahdha aura décidé de laisser. Sun Tzu a dit autre chose : « Le meilleur savoir-faire n’est pas de gagner cent victoires dans cent batailles, mais plutôt de vaincre l’ennemi sans combattre »…