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Chroniques
Et la phallocratie vaincra !
28/07/2017 | 15:59
4 min

La loi contre les violences faites aux femmes est passée à l’unanimité au Parlement. Réalisation historique qui inscrit la Tunisie, encore une fois, dans le rang des pays avant-gardistes en ce qui concerne la cause féminine.

Derrière cette loi tant attendue, des générations de militantes ont tout donné pour voir ce jour arriver. Dans une société foncièrement patriarcale et misogyne, réactionnaire et réfractaire à tout changement de l’ordre établi, dans un contexte politique difficile, elles ont tenu bon et lutté pour faire primer les principes égalitaires. Décriées, dénigrées, persécutées par un régime politique despotique, elles ont su porter sans relâche ces valeurs, conscientes qu’elles sont que, sans ce combat, point d’avenir meilleur pour les petites Tunisiennes.

 

En dépit de certaines lacunes qui ont pu se glisser dans ce texte de loi,  majorité conservatrice et consensus oblige, il s’agit d’une belle et émouvante victoire couronnant des décennies de lutte acharnée, de résistance face à un système qui a mis un point d’honneur à persécuter les véritables militants féministes.

Hommage à toutes celles et tous ceux qui y ont cru. A toutes celles et tous ceux qui nous ont quittés en cours de route et n’ont pu voir leur rêve se concrétiser. Au final, les idées progressistes de ces militants ont porté leurs fruits avec l’adoption de cette loi, mais un long chemin reste à parcourir.

 

Légiférer est le point de départ, un premier pas en vue de changer les choses. Toutefois, le véritable ennemi du changement n’est autre que les mentalités sclérosées, hermétiquement fermées aux idéaux d’égalité des genres. Il faut le dire, même dans les milieux qui se proclament progressistes, le schéma patriarcal prime. Il s’agit maintenant d’œuvrer à faire évoluer les mentalités dans une société où la misogynie est banalisée à l’extrême. Une banalisation, une tolérance des comportements sexistes qui contribuent au plus haut point à la persistance des violences faites aux femmes. Violences physiques, sexuelles, psychologiques ou économiques, qui varient, certes, selon les milieux, mais qui persisteront tant que les mentalités resteront figées.

Ce sexisme ambiant n’est pas le seul fait de la gent masculine, la plupart des Tunisiennes ont inconsciemment intégré cette mentalité misogyne, la reproduisant et la cautionnant dans leur rapport à la société.

 

Aspect symptomatique de cette mentalité qui a la dent dure, les réactions de nos concitoyens après l’annonce de l’adoption de la loi contre les violences faites aux femmes. Certains articles ont indigné les internautes qui y voient une menace du socle social traditionnel de la Tunisie. Ils pensent qu’à travers ce texte, on donne trop de pouvoirs aux femmes en dénaturant le rôle qui leur est dévolu et l’attitude qu’elles devraient avoir. « Les femmes vont se mettre à désobéir à leurs maris ! », l’horreur ! « Une petite correction, une réprimande par ci, par-là, n’est pas bien grave, au contraire. C’est dans la nature, ça a été toujours comme ça. Si on commence à changer les choses aussi radicalement, la société ne s’en relèvera pas. Et puis, pas besoin de pareilles lois influencées qui adoptent les valeurs occidentales, la religion a fait asseoir depuis longtemps les principes qui protègent la femme et la font respecter et puis basta !  ». Sempiternelle banalisation de la violence sous couvert des traditions et des préceptes religieux.

Quand certains internautes ont dénoncé les peines prévues à l’encontre des harceleurs, c’est pour accuser les Tunisiennes d’être trop libérées, à sortir le soir, à porter des robes, à se baigner en bikini. Comportement répréhensible qui justifie à lui seul qu’elles soient harcelées, voire même violées.  Elles l’ont bien cherché après tout ! C’est ce qui se répète et ce ne sont pas des cas isolés, mais une grande proportion du peuple qui pense ainsi, toujours, à des degrés près et avec plus ou moins d’hypocrisie.

La femme ne doit pas sortir du moule préétabli, sous peine de voir toute la société plongée dans la dépravation… Enfer et damnation !

 

Faire évoluer les mentalités, c’est agir avant toute chose au niveau des établissements éducatifs. Les écoles, les collèges, les lycées et les universités devraient jouer leur rôle pour lutter contre les inégalités et déconstruire les stéréotypes, pour que, génération après génération, un changement profond et durable imprègne notre société.

 

 

28/07/2017 | 15:59
4 min
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Commentaires (15)

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belazi
| 01-08-2017 07:10
le phallus a toujours regne en maitre c'est une regle immuable et dans tous les regnes .alors trouver autre chose.et eloignez vous du sexe

Dr. Jamel Tazarki
| 31-07-2017 11:12
Merci pour votre feedback,

Je suis de votre avis, Madame Kalthoum Kannou devrait se présenter à la prochaine élection présidentielle en 2019! Franchement, je ne vois pas d'alternative à cette grande Dame, d'une très grande intelligence et d'une très grande modestie et qui n'adhère à aucun parti politique ==> Elle ne peut-être qu'objective !

Très Cordialement

Jamel

Abou Walid
| 30-07-2017 15:17
''Et la Phallocratie vaincra'' ! D'abord pourquoi tout ce pessimisme, la Tunisie avec le défunt H Bourguiba a connu des avantages que d'autres femmes - de par le monde arabe, voire musulman, et soixante années après - n'ont pas connu, lesquels avantages ont été améliorés au fil de ces six dernières décennies jusqu'à la loi concernant la criminalisation des violences faites aux femmes et votée au parlement à l'unanimité ?! Ensuite, il est notoirement reconnu que rien ne s'obtient facilement dans la vie qui est une lutte sans merci envers et contre tout ! Personnellement je veux être optimiste et dire ''Et la phallocratie est derrière nous et nous devons tous, concitoyens de tout bord, non seulement mériter ce nouvel acquis, mais encore, la main dans la main, continuer à le parfaire'' !

Ahmed Shah Abdelli
| 30-07-2017 14:44
"les écoles, les collèges, les lycées, les universités". Lesquels?

Ahlem
| 30-07-2017 10:40
Un très, très beau texte, je l'ai lu et relu au moins 20 fois!

Si Madame Kalthoum Kannou se présente encore une fois à l'élection présidentielle, elle sera la Première femme Présidente de la Tunisie! La femme tunisienne ne fera jamais deux fois de suite la même faute et élire encore une fois BCE ou un autre Prétentieux!

@Kalthoum Kannou, prière de vous présenter encore une fois à l'élection présidentielle en 2019 et je vous assure que la femme tunisienne, en sa grande majorité, ne fera qu'un seul choix! On ne se laissera plus prendre deux fois au même piège !


Vive la Tunisie sans exclusion et sans discrimination !

Gg
| 29-07-2017 20:16
Bravo. Vous avez bien fait de dénoncer ce salaud.
Peu de gens ont le courage de le faire, alors bravo.
Bonne soirée, Zohra :-)

Letranger
| 29-07-2017 17:18
"...les meres elevent leurs enfants comme des petits coqs..."

Et ils deviennent de sales cons même à des centaines de kilomètres... et je sais de quoi je parle...

pseudo
| 29-07-2017 07:56
leur demandent de surveiller leurs surs ;ils en viennent meme à commander leur mere;les femmes entre eles ne se ont pas de cadeaux ;rarement solidaires;uand au changement de mentalité ce n 'est pas demain laveille seule l 'instruction peut les emanciper

Dr. Jamel Tazarki
| 28-07-2017 22:10
Je commence par donner d'abord ma définition du féminisme positif: "le féminisme positif est un mouvement qui cherche à établir l'égalité politique, économique, culturelle, personnelle, sociale et juridique entre les femmes et les hommes. Le féminisme a pour objectif d'abolir les inégalités homme-femme dont les femmes sont les principales victimes, et ainsi de promouvoir les droits des femmes."

Ma définition du féminisme n'a rien à voir avec le comportement des femmes fatales (du genre Carmen, voir l'opéra en quatre actes de Georges Bizet: https://www.youtube.com/watch?v=K2snTkaD64U
https://www.youtube.com/watch?v=ZPEGo_Tkl1c



Je reviens au sujet de l'article:

50,5% des électeurs inscrits à la dernière élection législative de 2014 étaient des femmes, mais de ces 2,7 Millions de femmes inscrites seulement un Million de femmes ont voté et 1,7 Millions ont préféré s'abstenir'

Il s'agissait de la sortie de la femme tunisienne hors de l'état de minorité dont elle est, elle-même, responsable. Mais non, la femme tunisienne a raté cette occasion unique' Elle a raté une occasion unique afin de mettre un terme à la dictature de l'homme dans le monde politique'

En 1784, Emmanuel Kant écrit cette phrase célèbre : "L'état de minorité est l'incapacité de se servir de son entendement sans la conduite d'un autre. On est soi-même responsable de cet état de minorité quand la cause tient non pas à une insuffisance de l'entendement mais à une insuffisance de la résolution et du courage de s'en servir sans la conduite d'un autre. Sapere aude ! [Ose savoir !] Aie le courage de te servir de ton propre entendement! Voilà la devise de l'Aufklärung"

La femme tunisienne voulait et veut sortir de cette situation décrite par Kant! Et elle avait au mois de décembre 2014 la chance de s'en sortir!!! Mais elle n'a pas tiré profit de cette occasion.

50,5% des électeurs inscrits aux élections législatives et présidentielles de 2014 sont des femmes. Oui, la candidate Madame Kalthoum Kannou aurait pu réaliser un véritable miracle et devenir la première femme présidente de la Tunisie et dans le monde arabe, si les 2,7 Millions de femmes inscrites à notre ISIE avaient voté pour elle!

On attendait de l'élection de Madame Kannou une Tunisie sans exclusion, sans discrimination, avec les mêmes droits pour les femmes que pour les hommes. L'élection de Madame Kalthoum Kannou aurait pu être un coup de tonnerre dans notre pays réputé pour son conservatisme vis-à-vis de la femme.

Oui, les femmes tunisiennes avaient toutes les raisons afin de voter majoritairement pour elle, mais elles ont refusé de le faire et je ne sais vraiment pas pourquoi! La faute est à qui? Probablement, à cette idée de vote utile!!!!!

Une jeune compatriote en Allemagne m'a dit: "nous voulons en Tunisie une démocratie plus paritaire qui intègre tout le monde et je crois qu'une femme au poste de Président de la République pourrait être un symbole de changement en Tunisie et un exemple pour d'autres pays arabes."

Vous pouvez imaginer la grande déception de cette jeune fille tunisienne après les élections. Elle m'a dit: "Jamel, nous avons raté une occasion unique afin de mettre un terme à la discrimination de la femme et des minorités! Honte à toutes celles qui n'ont pas voté pour Klathoum."

La surprise est telle que cette jeune fille tunisienne a refusé d'y croire: "Ils ont dû tricher, ce n'est pas normale que 2,7 millions de femmes refusent de voter pour une femme qui a tous les mérites et les qualités afin de gérer les affaires du pays."

Oui, moins que 0,1% des femmes ont voulu voter pour une femme, et 99,9% ont voté pour un homme ou elles ont refusé de voter! Je ne sais plus vraiment quoi dire que de redire ce qu'a dit un jour le philosophe allemand Kant: "On est soi-même responsable de cet état de minorité quand la cause tient non pas à une insuffisance de l'entendement mais à une insuffisance de la résolution et du courage de s'en servir sans la conduite d'un autre. Sapere aude ! [Ose savoir!] Aie le courage de te servir de ton propre entendement!"

Oui, la femme tunisienne est elle-même responsable de cet état de minorité car la cause tient non pas à une insuffisance de l'entendement mais à une insuffisance de la résolution et du courage de s'en servir sans la conduite d'un autre (dans ce cas d'un homme)!

Très Cordialement

Jamel Tazarki

Foulen
| 28-07-2017 21:38
Tout cela est tres bien,a condition de ne pas verser dans le 'terrorisme feministe'qui conduit a l'extremisme inverse.